Les nouveaux habits de Sharon

[Louis]

Pour paraphraser le prophète Amos (Chapitre 1) :

# Pour trois péchés du parti travailliste, et pour quatre, je ne détournerai pas de lui la pénitence :

À cause de l'abominable mensonge d'Ehoud Barak, « j'ai tout offert à Arafat, et Arafat a tout rejeté », un mensonge qui a causé l'effondrement de presque tout le camp de la paix israélien.




À cause de la prostitution de Shimon Peres, qui a passé les deux dernières années à frayer avec les rois et les présidents, les premiers ministres et les secrétaires généraux, leur vendant Ariel Sharon comme un homme d'État modéré et un pacifiste.

À cause de l'opportunisme maculé de sang de Benyamin Ben Eliezer, qui a apposé une étiquette de gauche sur des crimes de guerre et des atrocités.

À cause des bouffonneries de toute la bande dégénérée des politicards du parti qui, à chaque tournant, ont mis des bâtons dans les roues à Mitzna, quand il est arrivé au dernier moment pour sauver ce qui pouvait encore l'être.

À cause des spécialistes en communication, des « stratèges » et des publicitaires qui ont édulcoré le message de Mitzna et l'ont transformé en une bouillie sans goût et sans odeur.

# Pour trois péchés du Meretz, et pour quatre, je ne détournerai pas de lui la pénitence :

À cause de sa lâcheté, quand on lui a demandé, en tant que seule opposition de gauche à la Knesset, de hisser le pavillon de la paix.

À cause du ralliement de Yossi Sarid au chœur de la haine d'Arafat avec le slogan « il n'y a personne à qui parler du côté palestinien. »

À cause de son boycott des forces de paix conséquentes et de leurs messages clairs.

À cause de l'élimination du mot « paix » de toute sa campagne électorale.

Parce qu'il est devenu le parti d'un seul homme et qu'il a étouffé tout débat interne.

# Une défaite n'est pas toujours un désastre et une victoire n'est pas toujours un bien.

L'Histoire est pleine d'exemples de pays qui ont été vaincus et qui ont transformé la défaite en une chance. Ils ont eu le courage de tirer les conclusions, supprimer les causes, se réhabiliter et revenir dans l'arène avec une vigueur renouvelée. L'Histoire est également pleine d'exemples de pays ivres de victoire qui ont rapidement dégénéré et ont été battus la fois suivante. (Voir : de la guerre des Six-Jours à la guerre du Kippour.)

Le coup terrible qui a frappé le parti travailliste et le Meretz doit les secouer jusque dans leurs fondations et nourrir leur détermination à changer et à se reconstruire de fond en comble.

Parmi tous les dirigeants du parti travailliste, Mitzna est le seul qui puisse faire cela maintenant. Il doit porter sa part de responsabilité dans la déroute, mais sa part est minime. Il est descendu dans l'arène en hésitant. Après avoir tout d'abord délivré un message pointu et vigoureux, il a accepté de mettre de l'eau dans son vin. Au lieu de l'appel du clairon pour la paix, il y a eu les gémissements sur « séparation » et clôtures.

Que serait-il advenu si Mitzna avait rencontré, au point culminant de la campagne électorale, Yasser Arafat dans son complexe bombardé ? Si les deux en étaient ressortis avec un appel aux peuples d'Israël et de Palestine à revenir sur la voie ouverte par Rabin ? Si une proposition de paix claire et détaillée avait été mise en avant comme une alternative au message sanguinaire et destructeur de Sharon ?

Peut-être même que cela n'aurait pas apporté la victoire cette fois-ci. Mais la défaite, si elle s'était produite, aurait paru toute différente - une blessure d'honneur, pas une honte.

# Tout ceci s'applique encore plus au Meretz. Sarid et ses mignons doivent partir, une nouvelle direction doit prendre leur place.

La seule chance de réhabilitation pour le Meretz lui-même et son retour dans l'arène repose sur l'adoption d'un programme de paix radical, rompant avec le consensus nationaliste. S'il ouvre ses rangs au vrai camp de la paix et encourage un débat interne libre, en même temps qu'il émet un message fort et clair, il y a encore de l'espoir. Autrement, Dieu ait son âme.

# Toute idée d'un autre gouvernement d'« union nationale » doit être enfouie profondément dans le sol. Même s'il y a une guerre avec l'Irak. Même si une catastrophe, quelle qu'elle soit, se produit.

L'impératif primordial est de contraindre Sharon à apparaître enfin nu, sans le maquillage de Peres, sans les atours du parti travailliste.

Il doit être contraint à mettre en place une coalition de droite nationaliste-orthodoxe, qui reflète ses objectifs réels et ses actions. Plus de mensonges sur sa disposition à accepter un « État palestinien », plus de prétendu accord avec les « feuilles de route », plus de ruses ni de combines. Il doit être obligé de prendre la responsabilité de ses actions, afin que les gensprennent conscience des conséquences de ces actions : les pertes humaines, le manque de sécurité, le désastre économique et l'effondrement social.

Alors, quand le gouvernement de droite nationaliste-orthodoxe s'effondrera, comme c'est prévisible, les gens seront enfin capables de choisir l'alternative : la route vers la paix et la justice sociale, d'une part, et la route vers la guerre et le désespoir de l'autre.

Le choix entre deux voies est le cœur de la démocratie. Le gouvernement d'unité nationale est le contraire de la démocratie. Ceci, aussi, doit être bien expliqué.

Le camp de la paix a subi une défaite. Elle peut être transformée en une chance à saisir.

Une nouvelle aube apparaît à l'horizon, et aujourd'hui est le premier jour de la prochaine bataille pour l'avenir d'Israël.

Traduit de l'anglais - RM/SW

[Screw]

Uri Avnery, un des membres fondateurs de Gush Shalom .Né en Allemagne en 1923, il a immigré en Palestine en 1933. Dès 1948, il a défendu l'instauration d'un État palestinien aux côtés d'Israël. Il a été le premier Israélien à nouer des contacts (en 1974) avec l'OLP, et le premier également à rencontrer Yasser Arafat (en 1982, dans Beyrouth assiégée). Écrivain et journaliste, Uri Avnery est chroniqueur depuis 1993 au quotidien Ma'ariv.

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