les femmes astronomes

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les femmes astronomes

Message par dull kniff » 26 Jan 2017, 21:27

Les femmes astronomes et leurs grandes découvertes
de Santifike | 22 décembre 2014 | Astronomie, Histoire des sciences

Dans mon article précédent, je vous ai parlé de Cecilia Payne-Gaposchkin, femme de science peu (re)connue du grand public. Son cas m’a poussé à m’intéresser aux femmes astronomes dans l’histoire.

Ces dernières sont bien plus nombreuses que je ne l’ai cru, d’où la longueur de l’article présent. Certaines d’entre elles ont même fait de grandes découvertes scientifiques.
Découvertes dans l’Antiquité?

La science a longtemps été l’apanage des hommes. C’est encore bien plus le cas durant l’Antiquité. Mais des femmes astronomes ont bien existé. Nous ne connaissons pas le nom de la première d’entre elle. Surnommée Enheduanna (« Noble ornement du dieu Ciel »), elle aurait dirigé l’observatoire de la ville d’Ur, en Babylone.

Quant à leurs possibles découvertes, nous n’en savons pas grand chose non plus. Aglaonice de Thessalie (2ème siècle avant JC), la première femme astronome grecque, serait capable de connaître à l’avance les prochaines éclipses de Lune. Mais, loin de connaître ses méthodes de prédiction, ses contemporains la considèrent plutôt comme une sorcière. Voilà un titre peu glorieux, qui l’éjecte de facto du titre de femme de science.
Hypatie

Hypatie d’Alexandrie

Nous connaissons encore moins les contributions scientifiques d’Hypatie d’Alexandrie (entre 355 et 370 – 415). Cette dernière, bien que fort respectée par les élites intellectuelles de l’époque, a connu un sort tragique : elle a été sauvagement assassinée, lynchée par une foule de fanatiques du christianisme naissant.

À cause de l’incendie qui a détruit la Bibliothèque d’Alexandrie, aucun travail original d’Hypatie ne nous est parvenu. Aurait-elle fait une grande découverte en son temps? Dans son film Agora (2009), Alejandro Amenábar nous dépeint une Hypatie qui aurait trouvé avant l’heure que la Terre tournait autour du Soleil. Hypothèse fort peu probable. Mais on peut toujours rêver, n’est-ce pas?
Catalogues d’étoiles et découvertes de comètes : Caroline Herschel, Carolyn Shœmacker, Maria Mitchell etc.

Durant les siècles suivants, certaines femmes ont pu s’adonner à l’astronomie grâce à un mari, père ou frère bienveillant. Le plus souvent, elles n’ont été que des assistantes de leurs compagnons masculins. L’observation du ciel était une tâche fastidieuse et une aide de plus n’est pas de trop.

Ces assistantes ont apporté pas mal de de contributions à l’astronomie de l’époque. Ainsi, le catalogue d’étoiles de Johannes Hevelius serait bien pauvre sans l’aide de sa femme, Elisabeth Hevelius (1646-1693), qui a terminé son œuvre bien après la mort de ce dernier. Et que serait l’œuvre de Tycho Brahe, précurseur de la théorie de la gravitation universelle, sans l’aide de sa sœur, Sophie Brahe (1556-1643)?
Caroline Herschel 1829

Caroline Herschel

Certaines de ces femmes astronomes ont même découvert de nouveaux objets dans le ciel. Le plus grand exploit est celle de Caroline Herschel (1750-1848), soeur de William Herschel, avec huit comètes dans son palmarès. Découvrir une comète c’est déjà exceptionnel pour un homme. Alors, huit comètes pour une femme! « C’est extraordinaire, incroyable, presque une erreur de la Nature! » disent ses contemporains. Grâce à ce succès, Caroline Herschel devient la première femme à être payée pour faire de l’astronomie. Elle est aussi devenue membre honoraire de la Société Royale d’Astronomie, le statut de membre restant réservé aux hommes à l’époque.

D’autres femmes chasseuses de comètes ont aussi donné leur nom à l’histoire. Parmi elles, figurent Maria Mitchell (1818-1889), découvreuse de la comète « Miss Mitchell », et, plus récemment, Carolyn Shoemaker (1929) co-découvreuse de la fameuse comète Shoemaker-Levy 9. Cette dernière comète s’est écrasée sur Jupiter en juillet 1994, fournissant ainsi la première observation en direct d’un impact en dehors de la Terre.
Classification spectrale des étoiles : Williamina Fleming, Antonia Maury et Annie Cannon

En astronomie, on ne fait pas qu’observer des étoiles. Les plus grandes avancées récentes en ce domaine sont surtout théoriques, et des femmes astronomes y ont contribué.

La classification des étoiles par leur spectre constitue une de ces avancées. Au 19ème siècle, on a pu décomposer la lumière des étoiles en plusieurs raies, qu’on appelle spectre stellaire. Chaque étoile a un spectre différent, mais on ne savait encore la raison de ces différences.

Des femmes astronomes de l’observatoire de Harvard vont travailler sur cette classification. Loin d’être des astronomes en titre, elles n’ont été que des assistantes, sous les ordres d’Edward Pickering. Ce dernier n’a d’ailleurs que des femmes dans son personnel, d’où leur surnom de “harem de Pickering”. Moins ambitieuses et moins payées que leurs équivalents masculins pour le même travail, ces femmes constituent la main-d’œuvre idéale pour leur patron.

Williamina Fleming
Williamina Fleming

Antonia Maury
Antonia Maury

Annie_Jump_Cannon
Annie Cannon


Parmi ces femmes, trois vont se distinguer par leur contribution à la classification spectrale des étoiles : Williamina Fleming, Antonia Maury et Annie Cannon.

La première classification vient de Williamina Fleming (1857-1911). Elle est basée sur l’intensité des raies spectrale de l’hydrogène. Les étoiles sont classées en 14 groupes de A à O, en omettant le J afin d’éviter toute confusion avec le I. Williamina Fleming ajoute deux classes P et Q réservées aux étoiles atypiques.

La deuxième est celle d’Antonia Maury (1866-1952). C’est une classification différente et bien plus fine que celle de Williamina Fleming. Trop compliquée pour lui, Pickering la rejette. Pourtant, c’est cette classification qui va inspirer Ejnar Hertzsprung et Henri Norris Russell pour construire leur célèbre diagramme Hertzsprung-Russell. Ce diagramme est aujourd’hui d’un intérêt capital pour l’étude de l’évolution des étoiles.

Enfin, Annie Cannon (1863-1941) élabore une troisième classification des étoiles. C’est une version améliorée de celle de Williamina Fleming. Cannon a réarrangé l’ordre des classes dans une suite plus logique pour elle : O B A F G K M. Chaque lettre, appelée « type spectral », est ensuite subdivisée en 10 sous-classes de 0 à 9. Cette classification est toujours en vigueur aujourd’hui. Pour mémoriser l’ordre des classes, les étudiant(e)s utilisent le truc mémo-technique suivant : “Oh, Be A Fine Guy (Girl), Kiss Me”.
diagramme-HR illustré

Le diagramme de Hertzsprung-Russell ne sera pas ce qu’il est sans la classification spectrale d’Annie Cannon (présentée en abscisse). Ce diagramme est une référence en astronomie.

Malgré leur contribution à la science, ces femmes astronomes n’ont eu que très peu de reconnaissance. Des trois, seule Annie Cannon a été reconnue internationalement. Mais elle n’obtient un poste officiel à l’université qu’à l’âge de…75 ans ! Un tel événement était encore si inhabituel que sa lettre de nomination commence par «Dear Sir». Annie Cannon est aussi la créatrice du prix Annie J. Cannon décernée chaque année à une femme commençant l’astronomie. Ce prix a été la seule récompense d’Antonia Maury, reçu à 77 ans!
Température et matière des étoiles : Cecilia Payne-Gaposchkin

La classification d’Annie Cannon va permettre de grandes avancées dans l’astronomie du 20ème siècle. On a pu ainsi la lier à la température de la surface des étoiles, mais aussi à la matière qui les constitue. La femme astronome qui a découvert cela est Cecilia Payne-Gaposchkin (1900-1979). C’est la femme du fameux tweet de mon article précédent.

Comme vous avez déjà un aperçu de sa biographie dans mon autre article, parlons un peu plus d’elle ici.
Cecilia Payne-Gaposchkin

Cecilia Payne-Gaposchkin

Fille d’un père avocat et d’une mère peintre, Cecilia Payne a accompli ses études à Cambridge, mais sans avoir obtenu de diplôme : l’université était encore trop phallocrate pour en donner aux femmes. Loin de laisser tomber sa vocation d’astronome, elle émigre alors aux États-Unis pour accomplir une thèse de doctorat. Elle le fait à Harvard, sous la direction de Harlow Shapley.

En se basant sur le catalogue d’Annie Cannon, Cecilia Payne démontre et explique pourquoi la température de surface des étoiles est liée à leur type spectral. Elle mentionne en plus que l’hydrogène et l’hélium sont les matières les plus abondantes de l’univers. Cecilia désire publier un article reprenant ses conclusions, et le fait relire à Henri Norris Russell, le même qui a co-créé le diagramme Hertzsprung-Russell (cfr. plus haut). Cependant, ce dernier rejette la thèse de Cecilia Payne (avant de la “voler” quatre ans plus tard). Comme Russell est une “star” dans le domaine, la jeune étudiante ne peut que se plier à son verdict : elle enlève la partie sur l’hydrogène et l’hélium dans sa thèse.

Même sans cet ajout, Cecilia Payne a obtenu brillamment son doctorat en 1925. Otto Struve considère sa thèse comme « sans aucun doute la thèse de doctorat la plus brillante jamais écrite en astronomie ». La femme astronome a aussi reçu plusieurs autres prix au cours de sa vie. Mais Harvard ne la reconnaît pas comme une astronome à part entière. Ce n’est qu’en 1956 qu’elle devient professeur et en plus chef de département en astronomie : une première pour une femme.
Un moyen pour mesurer les distances de l’univers : Henrietta Leavitt

L’astronomie s’occupe de “l’infiniment grand”. Sans bon moyen pour mesurer les distances des objets dans le ciel, et on peut facilement se tromper en années-lumières, voire plus. C’est particulièrement le cas si ces objets sont très éloignées.
Henrietta Leavitt

Henrietta Leavitt

Une des clés a été fournie par Henrietta Leavitt (1868 – 1921). Elle est aussi une des femmes du “harem de Pickering”. Elle étudie à ce moment les étoiles variables, c’est-à-dire des étoiles dont la luminosité varie au cours du temps. Henrietta Leavitt avait examiné plusieurs milliers de ces étoiles dans les Nuages de Magellan.

Parmi ces étoiles, quelques-unes ont attiré son attention. Ces étoiles, appelées céphéides, ont des variations de luminosité périodiques. Leavitt nota que les céphéides les plus lumineuses ont les périodes les plus grandes. Cette propriété, appelée relation Période-Luminosité, va révolutionner l’astronomie. Grâce aux luminosités absolues et apparentes des étoiles, on peut, en utilisant la relation Période-Luminosité, mesurer les distances entre la Terre et les galaxies très éloignées.

De nature effacée, Henrietta Leavitt a été moins reconnue à l’époque que ses collègues Fleming et Cannon. Elle décéde en 1921 suite à un cancer, dans l’indifférence du monde académique. En 1924, le mathématicien suédois Gösta Mittag-Leffler, ignorant sa mort, a essayé de la nominer pour le Prix Nobel, mais en vain : on ne peut pas recevoir le Prix Nobel à titre posthume. L’astéroïde (5383) Leavitt ainsi qu’un des cratères de la lune ont été nommés en son honneur.
Découverte des pulsars : Jocelyn Bell Burnell

Leavitt n’était pas la seule a avoir “raté” le prix Nobel dans l’histoire des sciences. Mais il y a pire : se faire “voler” le prix Nobel par son directeur de thèse.
Jocelyn Bell

Jocelyn Bell

C’est ce qui est arrivé à Jocelyn Bell (1943). Cette jeune Irlandaise passionnée d’astronomie effectuait alors une thèse à l’université de Cambridge. Son travail était de réaliser une antenne gigantesque pour détecter les quasars, des sources de rayonnement quasi-stellaire découverts récemment.

Or, après plusieurs mois d’observation, Jocelyn Bell découvre un signal étrange. Ce signal n’est ni un scintillement d’étoile ou de quasar, ni une interférence humaine. Elle en avertit son directeur de thèse, Antony Hewish. Mais ce dernier ne la prend pas au sérieux.

Cependant, plusieurs mois plus tard, le même signal se manifeste à nouveau en novembre 1967. Après que Hewish soit convaincu de la réalité du signal, Jocelyn Bell décide de découvrir elle-même son origine. Elle détecte des signaux similaires en d’autres endroits du ciel, et remarque en plus que chacun d’eux est périodique. Venant de tant d’endroits différents, ces signaux ne peuvent qu’avoir une origine naturelle. Jocelyn Bell vient de découvrir les pulsars (contraction de pulsating stars, étoiles tournantes en français).

Un prix Nobel a été décerné pour cette découverte, mais c’est Antony Hewish qui le reçoit, pas Jocelyn. Cette injustice a provoqué l’ire de grands noms de la science comme Fred Hoyle. Elle a même incité de Margaret Burbidge (cfr. ci-dessous), à démissionner de son poste de directrice de Greenwich pour migrer en Amérique, terre plus favorable aux femmes de sciences à l’époque.

Jocelyn Bell n’a jamais contesté l’attribution de ce prix. Elle a d’ailleurs reçu d’autres récompenses pour sa découverte. Donc pourquoi se plaindre? Après tout, dit-elle, elle n’était qu’une étudiante à cette époque. Mais c’est de son propre chef, et non sous les ordres de Hewish, qu’elle a décidé d’étudier les pulsars. Quoi qu’en dise son ancien patron, Jocelyn Bell méritait son prix Nobel.
Nucléosynthèse stellaire, matière noire et collisions de galaxies : Margaret Burbidge et Vera Rubin

Terminons par trois autres découvertes impliquant des femmes astronomes au siècle dernier.
Les B²FH

Les B²FH

En 1957, quatre chercheurs publient un article considéré comme un monument de l’astrophysique : « De la synthèse des éléments dans les étoiles ». Ils y expliquent comment les étoiles synthétisent les éléments chimiques (nucléosynthèse stellaire). Que ce soit l’oxygène, le carbone, le fer…et même l’uranium, tous ces éléments viennent des étoiles. Cet article est plus connu sous le sigle B²FH, acronyme de noms des auteurs dont une femme : Margaret Burbidge, Geoffroy Burbidge (son mari), William Fowler et Fred Hoyle. C’est cette même Margaret Burbidge (1919) qui a démissionné de son poste de directrice à Greenwich pour protester contre la non attribution du prix Nobel à Jocelyn Bell.
Vera Rubin

Vera Rubin

Mentionnons enfin l’œuvre d’un astronome remarquable : Vera Rubin (1928). En étudiant les galaxies et leurs mouvements, elle et son collègue Kent Ford ont démontré deux choses. La première est qu’il y a autour des galaxies une matière invisible, la matière noire, qui empêche par gravitation que leurs étoiles soient éjectées. Vera Rubin en conclut que 90% de la matière de l’univers serait de la matière noire. La deuxième chose qu’elle a démontrée, c’est que certaines galaxies résultent de la fusion de deux ou plusieurs galaxies après collision. Grâce à ces découvertes, Vera Rubin a reçu entre autres la médaille d’or de la Royal Astronomical Society en 1996. Rubin a été une des rares femmes a avoir pu conjuguer vie professionnelle et vie de famille, grâce à un mari compréhensif et à quatre enfants très vite débrouillards. Tous les quatre ont également obtenu des doctorats en sciences.
Les livres d’histoire sont sélectifs

Les femmes astronomes loin d’être des « oiseaux rares », ont apporté de grandes contributions en ce domaine. Mais pourquoi n’en parle-t-on presque jamais dans les livres scolaires, ni même dans les cursus universitaires en astronomie et/ou en astrophysique?

Certaines mauvaises langues pourraient affirmer que la plupart de leurs découvertes ne valent rien comparé à celles de leurs contemporains, d’où leur absence. Mais ce n’est pas si sûr. Les femmes ont été longtemps moins bien considérées que les hommes. Il en serait de même pour leurs découvertes, malgré que certains pairs masculins aient pu reconnaître leurs valeurs.

Les livres d’histoire à l’école sont sélectifs et reflètent ainsi plus les valeurs de la société contemporaine que les faits du passé. Les découvertes faites par des hommes sont de grande valeur pour la science. Mais celles faites par des femmes le sont également. C’est la structure patriarcale de l’époque qui a plus ou moins plongé ces dernières dans l’oubli.

Aujourd’hui, les femmes astronomes sont bien plus nombreuses, et elles sont bien plus reconnues dans leur travail. Mais si les humiliations du passé ne sont plus d’actualité, les préjugés sexistes existent toujours. Si l’on croit cet article de la revue Nature, une femme scientifique est en moyenne moins bien payée pour un même poste qu’un homme. De plus, pour un même CV, la candidature serait moins bien considérée pour un postulant avec un nom féminin comparé à un postulant avec un nom masculin.

Mais tout peut encore s’améliorer. D’ailleurs, il ne manque pas de modèles féminins pour inciter les filles à faire des sciences. Citons par exemple ces 5 portraits de femmes astronomes du site Discov-her. Si vous connaissez d’autres femmes astronomes remarquables, d’aujourd’hui ou d’hier, mettez-moi au courant. J’en serai ravie.

Pour ceux qui souhaitent en savoir plus, je vous invite à visionner cette conférence présentée par Yaël Nazé, une femme astronome bien de chez nous.

http://www.scienceballade.com/femmes-astronomes-histoire



Conférence donnée à l'IAP le 5 janvier 2010, par Yaël Nazé, astrophysicienne à l'Université de Liège.que l'on trouve ici:

http://www.canal-u.tv/video/cerimes/l_a ... minin.9525


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