Vladimir Poutine prêt à faire des concessions face à la colère des retraités
Devant les défilés qui ont mobilisé des milliers de personnes dans tout le pays, le président russe a proposé, lundi 17 janvier, de restaurer la gratuité des transports et promis une hausse des pensions
Moscou correspondance
"Les grandes villes de Russie se sont enfin réveillées : les manifestants bloquent les rues. Le pouvoir ne veut même pas nourrir son peuple." Le discours tenu lundi 17 janvier au soir par Edouard Limonov, écrivain et chef du Parti national bolchevique, devant un groupe de jeunes militants, avait le ton d'une "répétition de la révolution".
Depuis près d'une semaine, ces jeunes sont aux côtés des milliers de retraités qui protestent contre la suppression de leurs avantages sociaux. "Le gouvernement ne pourra peut-être pas changer la loi, mais il va devoir donner plus d'argent", a expliqué l'écrivain.
De fait, le président Vladimir Poutine a réagi aux protestations dès la soirée de lundi. "Le gouvernement et les régions n'ont pas rempli jusqu'au bout l'objectif dont nous avions parlé c'est-à-dire qu'en prenant des décisions, on n'aggrave pas la situation de ceux qui ont besoin de l'Etat", a-t-il rappelé devant ses ministres réunis.
La loi supprimant la gratuité des transports, de certains médicaments et des avantages en nature, entrée en vigueur le 1er janvier, devrait donc connaître quelques ajustements. Le président a proposé un système restaurant indirectement la gratuité des transports, vitale aux yeux des retraités, vétérans, invalides ou militaires. Il a aussi promis une hausse supplémentaire des retraites et leur paiement accéléré.
"CRIME D'ÉTAT"
L'intervention de Vladimir Poutine est aussi une réponse aux critiques de la classe politique. Sans attendre l'examen du dossier par la Douma (la Chambre basse du Parlement) prévu vendredi 21 janvier, les opposants à la loi ont critiqué le gouvernement.
Dans l'après-midi, le chef du parti ultranationaliste Rodina (la Patrie), Dimitri Rogozine, a demandé la "démission du gouvernement et des poursuites contre ceux qui ont été à l'origine de cette provocation à l'égard du pays". Au vu des richesses rapportées par le pétrole et du contenu du fonds de stabilisation (24 milliards de dollars), Irina Khakamada, de l'opposition libérale, a dénoncé un "crime d'Etat".
Preuve d'un certain malaise au sommet de l'Etat, l'image d'un président à l'écoute et prêt à quelques concessions est la seule couverture des événements à laquelle les téléspectateurs de la première chaîne auront eu droit. La chaîne publique n'a pas jugé nécessaire de montrer des images des différentes manifestations de retraités en colère, encore nombreuses lundi dans toute la Fédération.
"POUTINE, DÉMISSION !"
D'autres chaînes de télévision ont montré des manifestants écœurés : "On a dépouillé les retraités !", n'est pas un médecin mais un bourreau !" "Poutine démission !" "Nous sommes prêts à aller jusqu'à la dernière goutte de sang", s'est exclamée une retraitée.
D'Angarsk et Tioumen (Sibérie) à Naltchik (Kabardino-Balkarie au sud) en passant par le centre - Kazan (Tatarstan), Koursk, Penza, Perm -, partout les manifestants ont bloqué la circulation, allant même jusqu'à planter quelques tentes orange, dans un clin-d'œil à la "révolution orange"ukrainienne, comme l'a évoqué la radio Echo Moscou.
Face à la détermination des manifestants, la réponse pourrait aussi venir des régions, poussées à payer le plus rapidement possible les retraites, ou à faire leurs propres concessions. Pour ne pas laisser la méfiance envers l'Etat s'installer.
Madeleine Vatel
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 19.01.05