(sur le site du PTB - parti belge de tradition maoïste a écrit :Volkswagen Forest: que penser du référendum ?
On en discute ferme partout, de ce référendum chez VW Forest. Dans les médias traditionnels, il est beaucoup question d'un avenir pour l'Audi, des têtes brûlées parmi les syndicalistes, etc. Mais que s'est-il passé exactement, ces derniers jours ? Et quelle est l'attitude du PTB ? Vous aussi, réagissez ci-dessous.
Section PTB Volkswagen 02-03-2007
Depuis la reprise du travail chez VW Forest, début janvier, les travailleurs essaient de toutes les façons possibles d'obtenir des certitudes à propos de l'avenir de leur usine. Les seules « certitudes » qu'ils ont toutefois obtenues après sept semaines de lutte ont été la prime en cas de départ volontaire, la prépension à partir de 50 ans (sous les conditions du Pacte des générations, il est vrai) et le maintien de 2200 emplois.(*)
Mais le plan industriel est à tout le moins inachevé et incertain. Il y a eu la vague promesse d'un nouveau modèle Audi, tout aussi vague, à partir de 2009 et la promesse également de produire 84.000 véhicules par an durant deux ans, bien qu'on ne sache pas encore très bien de quel modèle il s'agira… Puis, il y a surtout eu la demande de la direction d'Audi de réduire les coûts salariaux de 20 %.
Durant les premières semaines de janvier et février, l'incertitude est demeurée quant aux volumes de production et aux modèles. Fin janvier, quand la direction a brusquement décidé de clôturer les listes d'inscription pour les primes, il s'en est suivi aussitôt une grève spontanée avec, comme principale revendication : nous voulons être fixés pour de bon sur ce que l'avenir réserve à ceux qui resteront.
C'est ce dont s'est servi Verhofstadt pour rendre les travailleurs eux-mêmes responsables de l'éventuelle fermeture de l'usine. Mais, tant que l'avenir au sein de VW n'était pas clair, les travailleurs voulaient encore avoir la possibilité de s'en aller… Et beaucoup se sont alors demandé : ne vont-ils quand même pas fermer l'usine, finalement, puisqu'il n'y a rien d'écrit noir sur blanc ? C'est grâce à cette action, en fin de compte, qu'aujourd'hui, il y a quand même quelque chose sur papier…
Jeudi dernier, les directions d'Audi et de VW sont arrivées avec leur déclaration d'intention, dans laquelle l'avenir de l'usine _ volumes de production et certitude d'emploi pour 2200 travailleurs _ passe par une réduction de 20 % des coûts salariaux (allongement du temps de travail de 35 à 38 heures, les 20 minutes de pause à midi ne seront plus payées, perte de la prime d'ancienneté, de la prime de fin d'année, etc.).
En conclusion de la réunion _ qui ne s'est terminée qu'aux petites heures, vendredi matin _, Audi exigeait un accord des syndicats pour lundi matin à 9 h, au cours d'un conseil d'entreprise extraordinaire. Sans quoi la production des nouveaux modèles pourrait très bien s'expatrier et s'installer dans l'ancienne usine Seat en Espagne. Un gros chantage, à coup sûr, mais avec un enjeu très réel : la fermeture définitive de l'usine de Forest.
Vu qu'on ne travaille pas le vendredi, à Forest, les travailleurs ont dû attendre lundi matin pour être informés collectivement. La chose n'était même pas prévue, au départ : les syndicats chrétien et libéral ont décidé de signer telle quelle la déclaration d'intention ; au syndicat socialiste, il y a eu davantage de voix en faveur d'une assemblée générale au cours de laquelle les travailleurs seraient au moins dûment informés. Mais, du fait qu'Audi était pressé, il n'y a finalement rien eu de prévu.
Naturellement, coups de fil et mails n'ont pas cessé durant le week-end, de sorte que bien des travailleurs ont été au courant de la situation. Comme par hasard, c'est le moment qu'a choisi VW pour divulguer ses bénéfices de 2006. « Le groupe VW-Audi-Skoda a doublé ses bénéfices. De 1,12 milliard d'euros en 2005, ils sont passés à 2,75 milliards d'euros en 2006. L'objectif de VW étant d'arriver à un bénéfice de près de 6 milliards d'euros en 2008. A la Bourse de Francfort, on constate une augmentation de 7,87 % pour les actionnaires... ».
Mais il y avait également beaucoup d'indignation quant au fait que les syndicats avaient l'intention de signer l'accord sans consulter les travailleurs. C'est avant tout pour cette raison que, lundi, la pause du matin s'est tout de suite mise en grève : les travailleurs voulaient en savoir plus sur cette déclaration d'intention et sur la possibilité de s'exprimer eux-mêmes à son sujet. Le conseil d'entreprise s'est donc déroulé dans une ambiance très houleuse et a même été interrompu plusieurs fois du fait que quelques centaines de travailleurs étaient pour ainsi dire à ses portes. Finalement, la direction se déclarait prête à attendre un jour de plus, histoire de laisser le temps aux syndicats de préparer un référendum. Avec, comme question : « tes-vous disposé, oui ou non, a poursuivre la collaboration avec Audi ? » Aux conditions mentionnées dans la déclaration d'intention, bien entendu ! Le texte de la FGTB se termine comme suit : « Ceci, c'est la réalité du monde du capital et du travail. Cette restructuration est l'arme ultime du capital pour imposer ses volontés aux travailleurs. Aujourd'hui, nous avons le choix entre la peste et le cholera. Accepter un recul social ou ne plus avoir d'avenir pour les 2200 postes de travail dans cette entreprise ! Ce choix n'en est pas un. On nous met le dos au mur avec un revolver sur la tempe. C'est survivre ou mourir ! Le suicide collectif n'est pas un choix syndical ! Nous optons pour la survie ! Car alors seulement nous aurons la possibilité de rassembler nos forces pour assurer l'avenir. Et nous en aurons bien besoin. »
Le référendum : vous continuez avec Audi, oui ou non ?
Dans ce référendum, tenu le 27 février, trois quarts des travailleurs ont voté pour la survie de leur usine et pour le maintien de leur emploi. Aucun d'entre eux n'a voté pour une réduction des coûts salariaux de 20 % ni pour un allongement du temps de travail (de 35 à 38 heures par semaine). Tout le monde savait parfaitement bien que l'un n'allait pas sans l'autre et que la direction de VW-Audi exerçait un grossier chantage. Et la plupart des gens sont dégoûtés. « Nous avons dû renoncer aux fruits de trente ans de lutte syndicale, mais quelle est l'alternative ? J'ai voté non », dit un ouvrier du Borinage, cet après-midi à la porte, « mais je peux parler à l'aise : en fait, je `peux' prendre ma prépension si je veux _ mais je ne le veux pas, car je ne veux pas aller travailler ailleurs à un salaire plus bas. Je peux très bien comprendre mes collègues qui ont voté oui. Commencez un peu à chercher du boulot dans notre région ! Et à quelles conditions ? Je comprends très bien aussi le point de vue de la délégation syndicale. Il y en a eu, comme toujours, pour critiquer le syndicat et dire : comment osez-vous défendre une saignée de 20 % ? Ma réponse (et je suis un affilié ordinaire du syndicat) a été la suivante : mettez-vous un peu à la place de nos délégués, ils doivent décider, ici même, du boulot et de l'existence de 2.200 familles. Naturellement, le résultat du référendum Audi va peut-être inciter la direction à aller encore plus loin, peut-être pensent-ils déjà : nous aurions même pu demander 30 %... En tout cas, l'ambiance dans l'usine est effrayante, en ce moment. Car tout le monde se rend compte, évidemment, que nous allons en baver encore plus au cours des années à venir : plus d'heures, plus de flexibilité et moins de salaire. Par exemple, chaque année, j'ai droit à une prime d'ancienneté de 1000 euros : elle tombe, tout simplement, fini ! Aussi, ce matin, avons-nous appris que quelques délégués combatifs en ont assez et quittent l'usine. Je me sens comme abandonné car, aujourd'hui, nous avons besoin d'eux plus que jamais. »
Un militant syndical raconte qu'en ce moment, il hésite de partir. « J'en ai déjà discuté avec ma femme, elle est d'accord, mais je vais encore y réfléchir durant une journée. D'un côté, j'en ai plus qu'assez. J'en ai tellement marre, ici. Mais je me rends compte que ce n'est sûrement pas mieux ailleurs, en admettant que je trouve quelque chose. Et qu'ils vont avoir besoin de tous les gars combatifs, ici, à l'avenir. »
« C'est une bonne chose d'avoir organisé ce référendum, nous devons en finir avec cette situation où les travailleurs considèrent leurs délégués comme les gens qui vont leur retirer les marrons du feu, car c'est vraiment devenu un gros problème, ici. Aussi n'ai-je pas de problème avec le résultat du vote, même si j'aurais voulu que ça se passe autrement », explique un jeune délégué. « Nous nous sommes laissé faire. D'après moi, ce n'étaient que des menaces. Audi aurait pu se retirer depuis longtemps, avec toutes ces actions des semaines précédentes. »
Mais plusieurs autres délégués n'en sont pas aussi sûrs : « Nous n'avions en effet pas d'autre choix. Si l'usine ferme, ce sera encore bien plus grave. Et les travailleurs pensent manifestement la même chose, c'est assez logique. Mais, en premier lieu, naturellement, nous devons insister sur le côté dégueulasse de toute cette situation : c'est pour les milliards d'euros de bénéfice d'Audi, de VW et de leurs actionnaires qu'on nous presse ici comme des citrons. Mais ce n'est pas le moment de baisser la tête. S'en aller, pour moi, ce n'est pas une option, par conséquent. »
Le noyau PTB de Volkswagen n'a pas appelé à voter pour ou contre. C'était aux travailleurs, sur base du plus d'information possible, qu'il revenait de faire un choix pour l'avenir. Nous soutenons ce choix. On ne peut qu'applaudir au fait en soi que les travailleurs ont obtenu un référendum et qu'ils ont décidé eux-mêmes.
Nous pensons aussi qu'en effet, il n'y avait pas d'alternative en ce moment. Les rapports de forces n'y sont pas, ils vont devoir être reconstruits au cours des prochaines semaines, mois et années, dans une usine où 2000 emplois sont passés à la trappe et où, en quelques semaines, les 2200 travailleurs restants se sont retrouvés dans d'autres ateliers, équipes et secteurs. Il va falloir lutter autour de chaque point et de chaque virgule des prochaines CCT qui concrétiseront les restrictions sur les coûts. Il va aussi falloir de la solidarité de la part des autres usines et secteurs en Belgique _ le fait qu'une direction impose une réduction des coûts de 20 % ainsi qu'un allongement du temps de travail sans compensation salariale est en effet particulièrement inquiétant.
Et, pour finir, il est nécessaire, et de toute urgence, que se constitue une collaboration, au niveau européen, des délégations et forces de gauche, afin d'arrêter cette spirale négative du démantèlement social.
(*) La procédure suivie ne concorde absolument pas avec la procédure Renault, qui stipule qu'il faut chercher en premier lieu comment on peut sauver le plus grand nombre d'emplois possible. Chez VW, on a d'abord négocié autour des primes et on a même ouvert la liste d'inscription pour les primes avant qu'il y ait quoi que ce soit d'écrit sur l'avenir de l'entreprise même.
Autrement dit le référendum a été la concrétisation d'un accord tacite entre la direction et les syndicats. Face à cela des révolutionnaires pouvaient avoir des problèmes tactiques : voter contre, ne pas participer au vote, ou encore se dire qu'ils n'avaient pas un poids suffisant pour donner une consigne explicite...
En tout cas pas, je crois, faire comme l'a fait le PTB, ne pas dénoncer la manoeuvre de la direction et ne pas se ranger résolument du côté des ouvriers qui la ressentait, en voulant voter non ou en étant méfiants envers ce référendum.
Là encore des révolutionnaires ne s'en remettraient pas à une quelconque initiative des bureaucraties syndicales et des forces dites de gauche qui leur sont liées, mais diraient que, pour l'avenir, tout dépend des luttes que seront capables de mener les travailleurs eux-mêmes et que l'attitude des uns et des autres ne peut être jugée que par rapport à l'aide (ou plus vraisemblablement aux entraves) qu'ils apportent à l'organisation de cette lutte ou à la propagande dans sa direction.