par Louis » 05 Juil 2003, 09:20
Le mouvement de grève que nous venons de connaître au niveau de l'Education nationale est un moment qui a quelque chose d'historique, d'une part dans sa détermination, puisque dans certaines régions celui-ci a couvert plusieurs mois de l'année scolaire et les mois de mai et juin dans plusieurs milliers d'école, d'établissements et de services. Ce mouvement de grève aura aussi été exceptionnel dans la mesure où dans de nombreux départements, il aura été vraiment un mouvement intercatégoriel avec notamment l'engagement de nombreux TOS et précaires (les plus bas salaires de l'Education nationale) aux côtés des autres personnels dans la grève reconductible. Ce mouvement de grève aura été également exceptionnel dans ses formes d'organisations, car même si les formes de structuration unitaire ont pu être différentes d'un département à un autre, il semble qu'un sentiment a dominé durant deux mois dans l'Education nationale. Ce sentiment mis en pratique par des milliers de grévistes dans les Assemblées Générales est celui qui dit : « la grève appartient aux grévistes ».
De cette évidence, des dizaines de milliers de grévistes, dans l'unité, indépendamment d'un esprit de chapelle syndicale, ont tiré la force de multiplier les initiatives, y compris interprofessionnelles, pour le renforcement et l'extension de la grève. Malgré l'ostracisme maintenu par les directions syndicales traditionnelles au niveau national et dans certaines régions à leur égard, les militants de SUD-Education ont pleinement participé à ce mouvement et à son auto-organisation.
Notre participation à la grève reconductible, aux manifestations, actions et réunions qui l'ont accompagnée nous conforte dans notre idée d'un syndicalisme de lutte capable d'affirmer que la régression sociale ne se négocie pas, et capable de se mettre au service de la construction de la lutte. Dans les autres secteurs publics (SNCF, Impôts, Poste, France Télécom, EDF, Hôpitaux, collectivités territoriales, équipement…) mais également dans des entreprises privées, des milliers de salariés, au-delà de leur appartenance syndicale, ont affirmé par leur participation à des grèves et à des tentatives de reconduction parfois sur plusieurs semaines, vouloir en découdre avec la politique libérale du gouvernement inspirée par le MEDEF et l'ensemble des officines du libéralisme mondialisé.
A ce stade du mouvement, aucune de nos revendications n'a été satisfaite. En matière de décentralisation, nous affirmons qu'il n'y a eu aucune avancée significative, le texte n'est pas retiré et doit être débattu au parlement en septembre… Rien n'a non plus été obtenu concernant les emplois-jeunes qui sont, de fait, licenciés. La disparition du statut de mi-se, pourtant combattue dès le mois de septembre a été confirmée, et le nouveau « statut » d'assistant d'éducation (dénoncé par les personnels ainsi que par toutes les organisations syndicales) rajoute encore un peu plus de précarité dans l'éducation nationale. En matière de retraite, le projet du gouvernement est minoritaire dans le pays, mais Fillon et Raffarin n'ont rien lâché, si ce n'est des miettes à la direction confédérale de la CFDT dont la trahison n'aura surpris personne.
Nous avons tous conscience que ce mouvement a trouvé sa limite dans le fait que les directions syndicales traditionnelles au niveau national, et parfois au niveau local, n'ont pas été à la hauteur de l'enjeu. Dans l'éducation nationale, l'intersyndicale nationale (dont SUD Education a toujours été exclu) a de fait organisé la fin de la grève, au lendemain de la table ronde du 10 juin et à la veille des épreuves du bac, alors même que rien de significatif n'avait été obtenu. L'absence d'appel clair à la grève autour des examens (une grève ne peut avoir pour objectif que d'aboutir à un blocage, laisser planer une ambiguïté à ce sujet revient à ne pas soutenir et à ne pas organiser la grève), ainsi que l'absence de riposte et de discours clairs contre les scandaleuses pressions ministérielles à l'encontre des grévistes (mises en demeure, menaces…) a été dommageable à la poursuite du mouvement. Au niveau interprofessionnel, même si nous savons que la réalité de l'activité syndicale au sein des entreprises privées s'est largement dégradée face à la répression patronale et au cassage des statuts lors des vingt dernières années, nous restons persuadés qu'une véritable généralisation de la grève dans l'ensemble du secteur public aurait donné confiance aux équipes syndicales dans de nombreuses entreprises privées. Même si la grève générale ne se décrète pas, nous sommes bien persuadés qu'elle peut se construire, et les directions syndicales opposées aux projets du gouvernement n'ont pas, ensemble, donné ce signal, pas même au soir de l'énorme journée de grève interprofessionnelle du 13 mai, pas même au soir du 25 mai, jour où un million de manifestants ont convergé vers Paris.
L'Union syndicale SOLIDAIRES, systématiquement mise à l'écart par les autres directions syndicales, n'a pas pu peser sur elles au niveau national dans le sens d'une amplification de la grève. Un appel clair à la grève générale au soir du 13 mai, une clarté revendicative notamment sur la question des 37,5 annuités pour tous, public et privé, et de l'abrogation des lois Balladur, a crédibilisé l'apparition de SOLIDAIRES aux yeux de nombreux grévistes. Cet appel a encouragé les militants à s'investir dans ce sens au niveau local, occasionnant l'amplification des cortèges SUD et Solidaires dans les manifestations, la multiplication des contacts et initiatives interprofessionnelles. Cet investissement dans la grève a crédibilisé le projet syndical que nous portons, permis le renforcement de certains syndicats SUD et accéléré la mise en place d'unions SOLIDAIRES au plan local.
Nous savons aussi que nous avons en face de nous un gouvernement qui ne veut rien lâcher, aidé en cela par des médias nationaux rompus aux thèses libérales. Il est prêt à la criminalisation du mouvement syndical, il est prêt à la répression et il l'a montré dans de nombreuses villes durant deux mois de grève. L'incarcération de José Bové est en ce sens un signal donné à tous les syndicalistes et à une certaine radicalité du mouvement que nous venons de vivre.
Toutes les structures de lutte mises en place par les grévistes au cours de cette grève sont autant d'acquis de ce mouvement et la Fédération SUD-Education, réunie en Conseil Fédéral le 26 et 27 juin à Saint Denis, appelle tous les personnels à les maintenir en place et à multiplier les réunions intercatégorielles et interprofessionnelles dès la rentrée de septembre, afin d'envisager ensemble de reprendre le chemin de la lutte, car la régression sociale ne se négocie pas.
Saint Denis, le 4 juillet 2003
Prélèvement de jours de grève
La fédération des syndicat SUD Education tient au préalable à demander, pour tous les grévistes, le paiement intégral des jours de grève : en effet le gouvernement a toujours refusé toute réelle discussion sur l'essentiel des revendications (décentralisation des atoss, licenciement des emplois-jeunes, suppression des mi-se, retraite…) ; le déclenchement et la poursuite de la grève sont donc de son entière responsabilité.
Si des prélèvements doivent être effectués (et cela a déjà commencé à se faire) la fédération des syndicats SUD Education exige qu'ils se fassent pour tous selon les mêmes règles : pour toutes les catégories de personnels, dans tous les départements, tant en terme de décompte que d'étalement des prélèvements. En effet, l'absence de réelle négociation à ce sujet - contrairement à ce qui a pu se faire les dernières années - ne peut qu'entraîner des disparités de traitement inacceptables.
. Enfin, la fédération des syndicats SUD Education appelle les personnels à ne collaborer en aucune manière avec l'administration (IEN, chefs d'établissements, services gestionnaires…) dans cette tâche.
Saint Denis, le 4 juillet 2003
Fédération des syndicats SUD Education
À, FAEN, FERC-CGT, FSU, SGEN-CFDT, UNSA Education
Saint Denis, le 4 juillet
Camarades,
Dans votre déclaration commune du 27 juin 2003 vous faites part de votre volonté de faire « à la fin de l'été un bilan commun » et réaffirmez votre « engagement à faire aboutir l'ensemble des revendications sur lesquelles les personnels se sont mobilisés » ainsi que votre « opposition totale au transfert des personnels TOS aux collectivités territoriales ».
Nous partageons cette opposition, ainsi que l'ensemble des revendications portées par les personnels tout au long de ce mouvement.
Localement, sur la base de ces revendications, l'unité des personnels et des organisations syndicales a pu se faire, dans la lutte, dans quasiment tous les départements. Au niveau national vous nous avez cependant systématiquement tenu à l'écart de toutes vos réunions, et n'avez même jamais répondu à nos courriers et demandes de rencontre. Face à la détermination du gouvernement, cette attitude - pour laquelle nous n'avons d'ailleurs jamais eu la moindre explication - est totalement injustifiable : il conviendrait, « pour faire aboutir l'ensemble des revendications sur lesquelles les personnels se sont mobilisés », de rechercher l'unité syndicale la plus large, sur la base bien sûr de ces revendications.
C'est pourquoi nous souhaiterions vous rencontrer pour discuter ensemble des processus à envisager pour permettre la reprise de la mobilisation à la rentrée, par exemple en étant associés aux prochaines rencontres que vous devez sans doute avoir programmées ou ne manquerez pas de programmer.
Dans l'attente de votre réponse Syndicalement Pierre Sigalas Secrétaire fédéral
Fédération des syndicats SUD Education
17, boulevard de la Libération - 93 200 Saint-Denis / tél : 01 42 43 90 09 / e-mail : SUD Éducation