(AP a écrit :jeudi 10 mai 2007, 21h14
Les "débadgés" de Roissy se font restituer leurs badges
PARIS (AP) - Le préfet de Seine-Saint-Denis a procédé ces derniers jours à la restitution de badges d'accès à l'aéroport francilien de Roissy aux derniers salariés de la plateforme qui en avaient été privés fin 2006, ont rapporté jeudi les avocats des "débadgés" s'étonnant de l'absence d'explications.
"Les derniers bagagistes de Roissy qui avaient vu leur retrait de badge confirmé par le tribunal administratif au vu des notes de l'UCLAT (Unité de coordination de lutte anti-terroriste) stigmatisant un comportement activiste et dangereux se voient restituer les habilitations ces derniers jours", a annoncé Me Eric Moutet, l'avocat de la CFDT dans un communiqué.
Ces restitutions, même aux personnes pour lesquelles le retrait avait été confirmé en justice, prouvent, selon l'avocat que la "dangerosité plaidée par le ministère de l'Intérieur et la préfecture (...) n'était que du vent". Certains "débadgés" ont cependant été licenciés entre-temps et certains sont sans emploi à ce jour, précise-t-il.
Cette affaire reviendra lundi devant le tribunal correctionnel de Bobigny saisi par une citation directe du MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples). Il doit vérifier lundi si l'association a versé sa consignation et fixer le cas échéant une date d'audience, a-t-on appris de source judiciaire.
"Certains bagagistes se constitueront partie civile", a annoncé Me Moutet.
Quand l'affaire viendra au fond, le parquet de Bobigny communiquera au tribunal correctionnel le contenu de l'enquête préliminaire diligentée à l'automne par le procureur de la République, a-t-on précisé de source judiciaire. Le tribunal disposera ainsi du dossier complet, a-t-on ajouté de même source.
"Les seules investigations effectuées par le parquet sur la plainte de la CFDT ont consisté en des auditions de quelques minutes", fustige Me Moutet, qui dénonce aussi l'interdiction faite par le procureur à la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations), qui s'était auto-saisie de ce dossier, de poursuivre ses propres investigations.
"Le procureur de la République de Bobigny a fait savoir à la HALDE le 21 mars 2007 qu'il ne donnait pas son accord à la mise en oeuvre des pouvoirs d'investigations de la Haute Autorité compte tenu de l'enquête en cours et de la citation directe devant le tribunal correctionnel", a rétorqué le parquet dans un communiqué.
"La HALDE conserve évidemment la possibilité d'intervenir puisqu'en vertu de l'article 13 de la loi du 30 décembre 2004, les juridictions pénales peuvent, à la demande écrite de la Haute Autorité, ou de leur propre initiative, l'inviter à présenter des observations, y compris à les développer oralement lors de l'audience", précise le parquet.
Soixante-douze salariés de confession musulmane travaillant depuis des années dans la zone sécurisée de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle se sont vus retirer en septembre dernier leurs badges d'habilitation par le sous-préfet de Seine-Saint-Denis.
Lors de l'entretien préalable à ce retrait, ils disent tous avoir été questionnés sur leurs pratiques religieuses: le respect du ramadan, le mois de jeûne sacré pour les musulmans, la fréquentation ou non d'une mosquée, le port du voile par leur femme, un éventuel pèlerinage à la Mecque...
Saisis de l'affaire, les syndicats ont alors intenté plusieurs actions en justice. Une plainte pénale pour "discrimination" a été déposée au tribunal de grande instance de Bobigny et avait donné lieu à l'ouverture de l'enquête préliminaire.
Le tribunal administratif, saisi en référé, avait annulé certains retraits jugés abusifs et confirmé d'autres. Les retraits étaient justifiés par l'existence de notes blanches de l'UCLAT, l'Unité centrale de lutte antiterroriste, faisant état de liens suspects des salariés avec les milieux salafistes.
L'ancien ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, a justifié à plusieurs reprises le retrait des habilitations affirmant qu'"il y avait des éléments précis qui nous appelaient à leur interdire l'entrée" à la zone sécurisée de Roissy. AP