Schneider Electric

Message par Screw » 30 Nov 2004, 07:07

a écrit :
Chez Schneider Electric, l'informatique ne répond plus
En grève depuis quinze jours, les ingénieurs dénoncent l'externalisation du service.


Par Alice GERAUD

mardi 30 novembre 2004 (Liberation - 06:00)

trois filles tendent des téléphones portables allumés à bout de bras en direction de la salle. Au bout du fil, des employés de Schneider Electric isolés sur les 24 autres sites français du groupe écoutent le déroulement de l'assemblée générale des grévistes du département informatique de Schneider. Depuis deux semaines, ces derniers occupent les sites du groupe à Grenoble, où sont employés les deux tiers des informaticiens français de la société. La direction de ce spécialiste de l'appareillage électrique (74 000 salariés et 8,8 milliards d'euros de chiffre d'affaires) leur a annoncé, en juin 2003, sa décision d'externaliser la totalité de son service informatique pour la confier au groupe Cap Gemini. Au 1er février 2005, la quasi-totalité des 380 informaticiens français, sur les 800 que compte Schneider Electric dans le monde, doit se retrouver employé par Cap Gemini.

«Révolution». La pilule n'est pas passée. Le 15 novembre, ils ont donc décidé de poser leurs souris, jusqu'à obtenir les compensations et garanties demandées. Pour la plupart d'entre eux, il s'agit de leur première grève. Dominique, récemment mandaté CGT, explique : «Il n'y avait parmi nous aucune culture du syndicalisme. L'individualisme a toujours dominé. D'ailleurs, on n'a jamais vraiment été solidaire des mouvements sociaux chez Schneider. L'annonce de l'externalisation a constitué une vraie révolution. Pour la première fois, les informaticiens se sont sentis directement concernés.» En 2003 est constitué un groupe d'action, en marge des organisations syndicales traditionnelles. «On ne voulait surtout pas de récupération politique», résume Dominique. A trois mois de l'échéance, le mouvement s'est durci. Les informaticiens ont d'abord décidé d'occuper leur principal site dans le centre d'affaires de Grenoble. Après la fermeture de ces locaux par la direction la semaine dernière, ils sont allés s'installer un peu plus loin, dans les bureaux d'un centre d'appel Schneider à Eybens, dans la banlieue grenobloise. Depuis jeudi dernier, les bureaux, occupés 24 heures sur 24, vivent au rythme des AG. La direction a coupé l'accès aux réseaux informatiques et aux téléphones. Chaque nuit, une quinzaine de personnes dorment sur place.

«Pas des casseurs». Ici pourtant, pas de matelas qui traînent, de familles venues camper solidairement. A dix heures du matin, la table du petit déjeuner est débarrassée et nettoyée. On sort sur le parking pour fumer une cigarette. «C'est la loi Evin», explique sur le ton de l'évidence un fumeur retranché sous la pluie. Rachid, élu CGT, veille scrupuleusement à la bonne tenue des lieux. «On n'est pas des casseurs. On ne détruit pas l'outil de travail.» Les grévistes ont pourtant les moyens de véroler de quelques clics le système informatique de toute l'entreprise. Mais ils s'y refusent. «Les ordinateurs, ce sont nos bébés», explique Dominique, en touchant délicatement du doigt l'écran devant lui. Mais l'arme des grévistes est tout aussi redoutable : la passivité.

Depuis quinze jours, ils n'assurent plus la maintenance. «C'est comme une bagnole, si on ne change pas les durites, ça pète», résume un technicien. Selon les employés grévistes, le réseau commence à donner de sérieux signes de faiblesse. Les pannes, non réparées, s'accumulent. Personne n'est là pour répondre aux postes qui «plantent», aux mots de passe oubliés. Personne non plus pour les antivirus. En temps normal, le site occupé par les grévistes reçoit 1 500 appels quotidiens pour régler les problèmes des clients professionnels de Schneider. Les lignes coupées, aucun appel n'aboutit. Dominique appelle ça «le principe de la métastase». La mise en place d'un important logiciel d'échange de données prévu cette semaine a été reportée. «Aucun lien» avec cette grève, avance, de son côté, la direction de Schneider Electric, qui dit avoir simplement noté «quelques problèmes pour la lecture des mails».

«Mobilité». Hier, sur le site occupé à Grenoble, 107 salariés sur 180 votants ont décidé de poursuivre la grève, contre l'avis de la CFDT. Dimanche, les directions de Cap Gemini et de Schneider Electric avaient accepté une ultime négociation. La réunion a eu lieu à Lyon, aucun dirigeant ne s'étant déplacé sur les sites grenoblois depuis le durcissement du conflit. Des propositions ont été faites à l'intersyndicale. Elles prévoient la garantie des emplois sans mobilité durant un an à compter de l'externalisation, et différentes compensations financières. Insuffisant pour les informaticiens qui ont rejeté hier ces propositions à près de 80 %. «Un an ? Le contrat passé avec Cap Gemini est de dix ans. Que va-t-il advenir de nous après cette période ?» s'interroge Michel, trente-cinq ans chez Schneider, dont vingt-deux au département informatique. Comme la plupart de ses collègues, Michel redoute le passage d'une grande entreprise (une «industrie», précise-t-il) à une société de service qui, pour lui, rime avec «précarité», «mobilité» et «perte des garanties sociales». «Ici, on avait la convention métallurgie, c'est pas n'importe quoi !»

La moyenne d'âge des informaticiens Schneider est de 45 ans. La moyenne d'ancienneté, dix-huit ans. Beaucoup ont été «formés maison» dans les années 80. Avec l'assurance d'un métier d'avenir. «On ne s'en faisait pas, on était dans une bulle confortable, plutôt bien payés, bien traités par la direction et même premiers à être climatisés !» rigole, un peu jaune, Dominique. Hier, alors qu'elle venait de voter la reconduction de la grève, une jeune informaticienne lâche : «J'ai découvert ce qu'était le mépris dans le travail.»
Screw
 
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