Ce site reproduit la chronique du sympathique Alain Ray :
a écrit :Stéphane Paoli :
Alain Rey, j’avais pas envie de conclure sans tout de même vous redonner quand même la parole ; il se trouve que sans que nous nous soyons concertés, le mot que vous aviez choisi ce matin pour finir c’était "perturbation" ; ô combien !
Alain Rey :
Oui ça me paraissait s’imposer parce que non seulement les situations sociales sont perturbantes et perturbées, mais que le mot "perturbation", qui vient de "turbare" (en latin "troubler"), concerne aussi les psychologies ; et il est certain qu’il y a une certaine façon de traiter les gens, ou de les non traiter plus exactement, qui conduit à des perturbations aussi bien psychologiques qui se traduisent par des comportements d’affrontement, et les comportements d’affrontement sont nécessaires si on veut faire avancer les choses ; parce que sinon on est justement dans le comportement qui est ridiculement considéré comme prise d’otages, alors que très souvent, la prise d’otages se fait dans le sens opposé ; c’est-à-dire qu’on est pris en otages quand on n’a pas d’argent, on est pris en otages quand on est mal traité, et non pas quand on décide de faire grève même si c’est un peu perturbant, en effet, et ennuyeux pour les utilisateurs et les usagers, qui ne sont pas des gens neutres et qui, eux aussi, ont leurs propres problèmes.
Donc, de toute façon, perturbation de la société c’est peut-être inévitable, mais on est vite conduits à réfléchir sur la nécessité de rétablir non pas l’ordre, parce que c’est le pire, mais un certain calme, à la fois psychologique et moral ; et je faisais remarquer que, par un hasard bizarre aujourd’hui, "perturbation", qui est un mot qui a été imposé comme mot courant (avant il était très savant et très rare) par la météo ; eh bien, nous en avons l’exemple, "Vent et pluie sur Télumée Miracle" * c’était un très beau roman de Scharz-Bart sur une jeune femme antillaise ; je crois qu’en ce moment, nous sommes tous, les français et les européens, et d’autres pays encore pires, pris par ce genre de perturbations générales. Voilà.
* Petite erreur d’Alain Rey puisque le véritable titre du livre de Schwarz-Bart est " Pluie et vent sur Télumée Miracle" (Paris : Seuil, 1979).