Certains grévistes critiquent l'attitude de Lutte ouvrière
LE MONDE | 27.05.03 | 13h06
Ce parti est suspecté de vouloir contrôler la coordination nationale des enseignants
Lutte ouvrière (LO) tente-t-elle de placer sous son contrôle le mouvement dit des assemblées générales d'établissements en grève en Ile-de-France ? Autrement dit, la formation d'Arlette Laguiller qui, parmi ses cadres politiques expérimentés, compte de nombreux enseignants de la région parisienne, est-elle en train, à partir de ce bastion, de susciter une coordination nationale à sa main ?
La polémique monte en tous cas. Et transparaît à mots couverts sur le site Internet " le réseau des bahuts" dont se sont dotées les AG départementales d'établissements scolaires en grève. Les auteurs des contributions mises en ligne s'interrogent. Dans l'une d'elles, Serge Chamelot, un professeur en grève depuis le 29 avril, écrit ainsi : " il n'est pas question pour moi de montrer du doigt une organisation plutôt qu'une autre, mais gardons bien en tête qu'un groupe constitué et solide, quel qu'il soit et même s'il a fait et fait encore beaucoup pour l'existence de ce mouvement, ne peut espérer en prendre le contrôle". Dans les réunions, le ton se fait toutefois moins diplomatique. Il arrive désormais que dans les AG d'Ile-de-France les militants de LO soient directement interpellés sur leur attitude.
" Le problème est surtout francilien car en province, les choses se passent bien" explique Pierre Sigalas, l'un des responsables fédéraux de Sud-Education. " Quand le mouvement a pris, les militants de LO se sont proposés au niveau de la coordination Ile-de-France pour faire le boulot, organiser les assemblées générales. Au début, tout se passait bien", poursuit-il. Selon M. Sigalas, les choses se sont gâtées à deux occasions. " Le soir du 13 mai, on s'est réuni et on a été plusieurs à suggérer une assemblée générale interprofessionnelle, c'est à dire élargie aux autres secteurs. Et là, on a vu les militants de LO combattre en groupe la proposition. On en a déduit qu'il y avait un enjeu pour eux et qu'ils avaient peur d'être dilués", déclare-t-il. Le débat est monté d'un cran lorsqu'une coordination nationale a été lancée et que s'est posée la question de son fonctionnement. " On est un certain nombre à défendre l'idée que les assemblées générales de grévistes de toute la France envoient à la coordination nationale des représentants élus et dûment mandatés. LO s'arc-boute sur le principe suivant : votent ceux qui sont présents, selon le mode un présent, un vote. Or, la coordination nationale se réunit chaque semaine à Paris. On arrive à des aberrations où le vote de cinquante militants LO d'Ile de France qui assistent à toutes les réunions a plus de valeur que celui de quatre représentants de Toulouse qui représentent pourtant 500 à 600 personnes en grève" estime-t-il. Samedi 24 mai, lors de la dernière AG de la coordination nationale durant laquelle est proposé un système de mandatement. "LO a bourré la salle. Sur 400 personnes présentes, on s'est retrouvé avec plus de 200 participants de la région parisienne dont une centaine de cette organisation qui ont fait repousser le mandatement" affirme-t-il.
Ces accusations font bondir à Lutte ouvrière qui soutient depuis le début le mouvement de grève dans l'éducation nationale et y consacre de longues pages dans sa presse. La formation d'extrême gauche estime injuste la polémique en cours. "LO n'a jamais fait d'OPA sur quoi que ce soit. Ce n'est pas notre genre" proteste Henriette Mauthey, l'une des ses responsables. " Tout cela est complètement faux. On n'a jamais non plus bourré de salle"indique pour sa part Michèle Pohyer, militante de LO, enseignante du 93 en grève qui participe depuis quelques temps à la coordination nationale. "Il y a une sorte de crispation sur nous, mais qui ne correspond à rien. C'est une péripétie du mouvement" ajoute-t-elle. Et d'assurer : " Nous ne sommes absolument pas opposés au vote par mandatement. Simplement, au vu de la diversité de ce mouvement, le vote par présent est plus efficace".
Caroline Monnot