Confédération CGT : Que veut la direction ?

Message par Louis » 14 Juin 2003, 13:30

Jamais, au cours d'un mouvement social d'ampleur, on a connu autant d'interrogations publiques sur le but de la confédération CGT. Posons le débat.
La CGT porte une responsabilité écrasante dans la bataille des retraites et ses équipes sont en première ligne. Pourtant, les débats sur l'action sont très vifs (SNCF, RATP, La Poste...). Les secteurs combatifs ont besoin de clarté et se demandent si la CGT veut vraiment une lutte pour gagner. Un grand malaise est perceptible : la CGT n'est-elle pas en train de scier la branche sur laquelle elle était assise ?
Beaucoup de militantes et de militants ont encore en mémoire la CGT de 1995 (et l'image de Bernard Thibault), à la fois combative, unitaire (assemblées générales) et même soutenant le processus d'états généraux du mouvement social avec Pierre Bourdieu. Pourtant, soyons précis. En plein congrès CGT de décembre 1995, Louis Viannet s'est refusé à appeler à la grève générale, acceptant seulement "la généralisation" de la lutte. Quant au débouché politique, deux ans après la défaite de la gauche de 1993, Viannet répondait à un "jeune manifestant" qui voulait virer Juppé : "Mais par qui le remplacer ?"
Aujourd'hui, la CGT a anticipé les événements. Le gouvernement aussi: la loi Fillon est la mère de toutes les réformes libérales. Pour Raffarin, reculer, c'est sauter, mais comme un fusible. On voit mal les demi-mesures possibles, avec un Medef aux aguets et une droite revancharde. Le problème stratégique est là : si la CGT se refuse à exiger le "retrait du plan Fillon", c'est parce qu'elle ne veut pas de crise politique aiguë. La CGT espérait que le front avec la CFDT durerait. Naïveté ? Elle se retrouve sans amortisseurs et démunie de marge de manoeuvre. Même l'annulation des décrets Balladur exige une conflagration de très grande ampleur. Le Duigou (Le Monde du 5 juin) l'avoue : "Nous sommes dans une logique de revendication. Nous n'avons pas un objectif politique, celui de battre le gouvernement."
Personne ne demande à la CGT de remplacer la gauche plurielle en faillite. Mais au nom de l'absence de débouché politique immédiat, faut-il autolimiter le mouvement ? Thibault et Le Duigou insistent sur une "autre réforme". Mais qu'est-ce que cela veut dire ? Des aménagements issus du débat parlementaire ? Le calendrier de luttes choisi, hachant et fatiguant les grèves et misant tout sur juin, pourrait le laisser penser. Ce serait mettre le mouvement à la remorque de la pire politique qui soit : politicienne. Deuxième scénario : faire durer l'action, sans tout bloquer, mais sans victoire. C'est exactement ce que dit Le Duigou le 5 juin : "La bataille sera longue. L'objectif est gagnable sur le moyen et le long terme." Autrement dit : faites grève, mais on ne gagnera pas en juin ! Est-ce là une attitude "syndicale", en pleine bataille ?
On a certes le droit de prévoir un mouvement social de longue haleine, avec un objectif centré sur le secteur privé, à condition d'en proposer clairement la stratégie. Il semble que l'orientation profonde de la CGT soit bornée, d'une part, par le choc du 21 avril 2002, avec une démoralisation profonde d'équipes analysant le "populisme" à droite (FN), mais sous-entendu, aussi à l'extrême gauche. Et, d'autre part, puisque le PCF n'est plus l'horizon, il faut faire mûrir une relève crédible. D'où la présence de Thibault au congrès du PS. Sous couvert d'indépendance, le réalisme de l'alternance. Mais contre la loi Fillon, on fait comment ?

Dominique Mezzi.

Louis
 
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