Dans le figaro.

Message par ianovka » 10 Juil 2003, 15:03

J'ai mis en gras quelques trucs.


CITATION
Mardi, la nuit des dupes


Armelle Héliot et Hervé de Saint Hilaire
[10 juillet 2003]



«Grève générale ! Grève générale !» et le sempiternel «Aillagon démission !» ne cessent d'être martelés par la foule très énervée. Massée devant les grilles dans l'étroite rue Palapharnerie, la queue de la manifestation qui, dans l'après-midi a défilé de la gare au Palais des Papes, fait le siège du gymnase Aubanel. C'est là qu'après d'interminables tergiversations la coordination des intermittents du Festival «in» d'Avignon a finalement décidé de réunir l'assemblée générale qui votera à bulletins secrets la poursuite ou non de la grève. Plus de mille personnes dans la salle. Pas seulement les trois collèges ; techniciens, administratifs, compagnies ; qui voteront tout à l'heure et sont un peu plus de six cents. Mais aussi tous ceux que la coordination tolère et laisse même longuement s'exprimer à la très étonnante exception des journalistes qui n'ont même pas le droit de pénétrer dans la cour et qui attendront de 19 heures à 1 heure du matin qu'on consente à enfin leur communiquer le détail du vote. Ce n'est d'ailleurs pas à eux que les grévistes livreront d'abord les résultats, mais à la foule qui explose en exultations débridées.


La grève est reconduite par 350 oui contre 207 non, 54 abstentions, 3 bulletins nuls. Un peu plus tôt dans la soirée, vers 23 heures, Ariane Mnouchkine entourée des soixante-quinze membres du théâtre du Soleil est sortie : «Je ne veux pas participer à cela...», dit-elle, laconique. De son côté, Jan Fabre quitte aussi le gymnase.


Dans la moiteur de la nuit avignonnaise, il flotte comme un parfum d'élection bananière. Où est la démocratie lorsqu'un vote se déroule sous telle pression ? Dans la rue, en attendant, on s'informe, on bavarde, on engage des conversations. On croise le jeune homme qui faisait «le Christ» dans la manifestation, tout fier qu'on le reconnaisse et encore grisé par sa pitoyable facétie. Il n'est même pas intermittent ! Voici un autre jeune homme. Vingt et un ans. Il est farouchement pour la grève. Quitte à saborder le festival. Sa vocation ? «J'avais des copains qui faisaient un peu de théâtre. Je les ai rejoints. J'ai pas de formation mais je me sens bien sur les planches.» Et d'ajouter, très sérieusement : «Dans ce pays, il y a une mauvaise répartition des richesses et il faut bien que les artistes puissent vivre.»


Cela dit, il n'y a pas que les rêveurs d'une vie d'assisté, il n'y a pas que ceux qui pensent l'intermittence comme un mode de vie assez confortable et flou et non comme le moyen d'exercer un art.

Il y a aussi des artistes, des vrais, sincères et réellement inquiets. Ainsi cette jeune femme d'une troupe de la région parisienne qui analyse loyalement le protocole des 26-27 juin et le juge imparfait mais se désole de la grève et des menaces qu'elle fait peser sur le festival.


Au compte-gouttes, par portables interposés ou par les sorties des uns puis des autres, on sait que dedans, l'atmosphère est surchauffée, attisée par des prises de paroles radicales du style de celles que l'on a pu entendre à Utopia cette semaine. Stanislas Nordey est à ce jeu le champion. Vers 1 h 30 du matin, on fuit l'euphorie malsaine de ce qui sonne le glas du festival. Certains sont sonnés. «C'est peut-être le dernier jour...» En cet instant, on se dit que l'on est peut-être en train de vivre, si le mot n'était pas si galvaudé, un moment historique.


Dans les rues désertes, des étudiants avignonnais décrochent des affiches. Pas un chat. A cette heure-là, d'habitude les calades résonnent du pas de festivaliers nombreux. A la Manutention, à l'arrière du Palais des Papes, sous la lune magnifique, Bernard Faivre d'Arcier, accablé, hoche la tête tristement. Il a très bien parlé ce soir, tout le monde en témoigne, devant l'assemblée générale. Mais à cette heure de la nuit, il parle au passé : «Tant d'années de travail foutues en l'air...», dit-il, calmement. «C'est une catas trophe.» Il a rendez-vous dans les minutes qui suivent avec Sylvie Hubac, la directrice de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles, et Laurent Brunner, conseiller technique du ministre de la Culture et de la Communication à l'hôtel d'Europe. La nuit est belle, mais ça a été la nuit des dupes.
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"Le capital est une force internationale. Il faut, pour la vaincre, l'union internationale, la fraternité internationale des ouvriers." Lénine
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ianovka
 
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