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Le mouvement tel qu'il était pouvait-il déboucher sur une grève générale ? Certains, en particulier parmi ceux qui se sont le plus engagés dans le mouvement, l'ont pensé et exprimé en faisant découler, de la nécessité de la généralisation de la grève pour vaincre, la conclusion qu'une grève générale était possible, voire inscrite dans l'évolution de la mobilisation. D'autres en ont tiré de l'amertume à l'égard de la CGT, accusant explicitement son secrétaire général, Thibault, de porter une responsabilité déterminante dans le fait de ne pas avoir appelé ouvertement à la grève générale. Mais la direction de la CGT ne mérite ni tant d'honneur ni tant d'indignité. La CGT est, comme les autres confédérations, un syndicat réformiste. Pas plus que les autres, elle n'a pour perspective la confrontation radicale de la classe ouvrière avec la bourgeoisie et son Etat. C'est une perspective qu'elle rejette au contraire, intégrée qu'elle est dans l'Etat de la bourgeoisie et dans ses institutions. Sa direction peut être plus ou moins radicale dans son langage et dans ses propositions suivant les circonstances, mais elle ne vise pas la mobilisation générale du monde du travail sur le terrain de ses intérêts fondamentaux. Et, lorsque cela se produit, elle freine des quatre fers. La CGT a fondamentalement les mêmes limites que les syndicats dont la direction assume ouvertement la collaboration avec l'Etat de la bourgeoisie, comme la CFDT ou aussi FO. La principale différence réside dans le fait que la CGT compte dans ses rangs bien plus de militants et qui sont bien plus sensibles aux aspirations des travailleurs qui les entourent et qu'en conséquence, la politique et même la tactique choisies par sa direction dans une lutte donnée ont bien plus d'importance pour le développement de cette lutte que ce que disent et font la CFDT, FO, sans même parler de SUD. La CGT n'a pas mis consciemment tout en oeuvre pour favoriser la généralisation de la grève, et c'est le moins qu'on puisse dire. Dans certains secteurs, comme la RATP ou chez les cheminots, à certains moments, notamment les jours qui ont suivi le 13 mai, elle s'est franchement opposée à ceux qui proposaient de prolonger la journée nationale par des grèves reconductibles. Par ailleurs, alors qu'en 1995, la CGT avait fait sien l'objectif du retrait pur et simple du plan Juppé, cette fois-ci, elle ne s'est fixé pour objectif que "de nouvelles négociations" pour "une autre réforme". Tout cela a compté, bien sûr, et a pesé sur les consciences, à commencer par celle des militants de la CGT eux-mêmes. Les ambiguïtés dans l'objectif fixé et les atermoiements dans l'action ont été des freins pour l'élargissement de la grève, à l'intérieur en tout cas du service public. Mais personne ne peut sérieusement affirmer que même si la CGT avait appelé à la grève générale, le gros de la classe ouvrière, les travailleurs des entreprises privées, de l'automobile, de la métallurgie, de la chimie, auraient suivi. La responsabilité de la CGT en tant que principale confédération syndicale se situe, pour une large part, bien en amont de ces semaines de lutte. Une grève générale ne se déclenche pas en appuyant sur un bouton. Cette idée, juste sur le fond, a aussi bien souvent servi de justification à des directions syndicales qui, de toute façon, ne voulaient pas une mobilisation générale du monde du travail et avaient plus l'habitude d'appuyer sur le frein que sur un bouton. La responsabilité de la CGT réside dans sa stratégie qui, depuis plusieurs années, s'aligne de plus en plus sur celle de la CFDT pour prôner une "stratégie de négociation", au lieu de fixer comme objectif clairement annoncé la riposte générale du monde du travail et au lieu de proposer des actions allant clairement dans le sens de cet objectif, chaque action étant destinée à préparer la suivante. Prôner la négociation sans une mobilisation générale des travailleurs signifie inévitablement qu'on se prépare à cautionner des mesures que le patronat et le gouvernement veulent imposer. Cette stratégie de la CGT, qui remonte à bien avant le mouvement, s'est prolongée pendant celui-ci. Si la CGT avait mis en oeuvre tous ses moyens militants pour tenter de généraliser le mouvement, il est vraisemblable que celui-ci aurait été plus ample et, peut-être, plus durable, au moins dans le service public. Il ne se serait pas nécessairement étendu pour autant aux entreprises privées. Mais tous les travailleurs auraient eu alors une perspective susceptible de leur inspirer confiance dans les luttes. Si nous parlons de la CGT, c'est en raison du poids et du rôle particuliers que cette centrale syndicale conserve parmi les travailleurs. La direction de la CFDT, elle, a abandonné le mouvement dès le premier appel du pied du gouvernement. Après sa honteuse signature d'un accord avec Fillon, dans la nuit du 14 au 15 mai, son secrétaire général, Chérèque, est devenu le porte-parole officieux du gouvernement. Quant aux autres syndicats, aussi bien FO que SUD, ils ont pu d'autant plus facilement tenir un langage radical, y compris en répétant les appels à la grève générale, qu'ils n'avaient pas le poids et le crédit pour que leur appel puisse être pris au sérieux. Pour en revenir à la CGT, sa tactique pendant le mouvement a été d'accompagner ce dernier pour ne jamais se couper de ses éléments les plus actifs qui étaient bien souvent ses propres militants et adhérents. Cette politique, qui consistait au fond à "surfer" sur le mouvement sans chercher systématiquement la généralisation et l'approfondissement de celui-ci, s'est concrétisée par les attitudes les plus diverses et parfois les plus contradictoires de ses responsables locaux. Les appels radicaux pour la généralisation du mouvement côtoyaient des comportements qui étaient de véritables douches froides pour les hésitants. Les confédérations syndicales, et plus particulièrement la CGT, ont cependant contribué, bien malgré elles, à certains égards, à développer le mouvement. Pour ne prendre que cet exemple, la journée de manifestations du 25 mai, un dimanche, a été, à l'origine, de toute évidence un contre-feu allumé par la direction confédérale, d'une part, pour limiter la portée du 13 mai et, surtout, pour que cette journée du 13 mai ne se prolonge pas par des grèves, un peu, comme il y a près de 40 ans, un certain 13 mai 1968 s'était prolongé les jours suivants pour déboucher sur la grève générale. Néanmoins, une fois le 13 mai passé, le 25 mai est devenu un nouvel objectif auquel pouvaient se raccrocher tous ceux qui voulaient la continuation du mouvement. Et quelles qu'aient pu être les arrière-pensées des dirigeants confédéraux en appelant à des journées nationales de grèves et de manifestations, celles-ci ont constitué des objectifs intermédiaires permettant au mouvement de se développer. Ainsi, le fait même que les journées nationales soient massivement suivies obligeait les confédérations syndicales (CFDT mise à part) à prévoir d'autres journées qui relançaient le mouvement, montrant à ceux qui étaient en lutte qu'ils n'étaient pas isolés. Accuser la CGT de ne pas avoir appelé à la grève générale est compréhensible lorsqu'il s'agit d'un militant de la grève, surtout cégétiste, déçu parce que le mouvement n'est pas allé jusqu'où il espérait qu'il aille. Venant de certains appareils syndicaux concurrents de la CGT, comme SUD, ou de certaines organisations gauchistes, c'est souvent intéressé et surtout non seulement inepte mais aussi défaitiste. Si la grève générale dépendait des chefs syndicaux réformistes, ce serait à désespérer de l'avenir ! [/quote] Tout ce texte ayant comme vocation principale, pour une fois je suis d'accord avec Wolf, de dédouaner la CGT de sa politique Effectivement, je ne crois pas non plus aux greves "presse bouton" ou il suffirait de lancer le mot d'ordre pour qu'il soit aussitot repris Mais est ce que c'était cela qui était en jeu dans cette lutte ? Je crois que non, et qu'en particulier une fraction significative des gens en lutte étaient pour déborder le cadre des sempiternelles journées d'actions, et passer a plus fort De ce point de vue, LO n'a décrit le camps de ceux qui pronaient la greve générale comme stratégie nécessaire de riposte aux attaque de la droite et de la bourgeoisie que comme des gauchistes ou des "oportunistes" voulant cacher leur politique de complaisance sous des atours d'allure "radicale" Du point de vue des mouvements réels on a pas constaté (en tout cas, pas moi) de montée en puissance de groupes comme la ltd ou speb (bien que tout a fait justement, les cas de ces deux organisations soient tout a fait différent) Donc la question que je pose est ; le 'gauchisme" est il un probleme d'actualité ?? Et si non, pourquoi en parler précisément aujourd'hui ???
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