a écrit :Education : les lycées de banlieue lancent la contestation
Une affiche accrochée à la grille d'entrée invitant les lycéens à " éviter les rassemblements ", la ronde régulière de voitures de police : aux abords du lycée Eugène-Delacroix à Drancy (Seine-Saint-Denis) il n'y avait, mercredi 26 mars au matin, pratiquement plus de signes des tensions des jours précédents. A deux reprises, " Delacroix " avait été la cible d'intrusions de lycéens venus de Bobigny pour pousser leurs camarades à bloquer leur établissement et à manifester, à la fois contre les suppressions de postes prévues à la rentrée 2008 et la réforme du bac professionnel. Ce dérapage isolé s'est greffé sur la grogne des enseignants, qui s'étend, surtout en Ile-de-France. Cet établissement, qui compte 1 700 élèves, devrait perdre l'année prochaine deux postes. Un moindre mal qui rend la mobilisation dans ce lycée " un peu difficile ", reconnaît Cédric Benyounès-Maynard, professeur de sciences physiques, en poste depuis dix ans.
a écrit :RÉFÉRENCES : EFFECTIFS.
L'éducation nationale emploie 1 134 792 agents (France métropolitaine et outre-mer) dont 848 835 enseignants du secteur public.
SUPPRESSION DE POSTES.
A la rentrée 2008, 11 200 postes devraient être supprimés, dont 8 830 dans les collèges et lycées. Selon le syndicat majoritaire du second degré, Snes-FSU, plus de 30 000 emplois d'enseignants auraient disparu entre 2003 et 2008.
L'académie de Créteil, qui couvre le Val-de-Marne, la Seine-Saint-Denis et la Seine-et-Marne, scolarise environ 850 000 élèves, dont 384 000 dans les collèges et lycées.
Initialement 637 suppressions dans le second degré (collèges et lycées) avaient été annoncées.
DÉPARTS : 14 000 sont prévus en 2007 dans le premier degré et 18 000 dans le second degré.
12 000 postes d'enseignants du premier degré et 10 000 postes dans le second ont été ouverts au concours en 2007.
5 000 postes (premier et second degré) ont été supprimés à la rentrée 2007.
" NUIT CITOYENNE FESTIVE "
A quelques kilomètres de là, au lycée professionnel Alfred-Costes à Bobigny, l'ambiance est plus morose. Depuis quatre semaines, cet établissement de 600 élèves se bat contre la suppression annoncée de 10 postes sur 69. Les quelques débordements des jours passés font craindre à Jean-Christophe Daveiga, professeur d'arts graphiques, " une récupération négative " de la mobilisation lycéenne. " Certains élèves s'enferment dans leur propre caricature de "sauvageons", mais la grande majorité ne sont pas sur cette ligne. Depuis un mois, ils ont vu les enseignants se mobiliser et pris conscience qu'avec moins de postes, on ne pourra plus offrir la même qualité. " Pour aller à l'encontre des clichés et " positiver " la mobilisation, les parents d'élèves et les enseignants ont prévu, jeudi soir, d'organiser une " nuit citoyenne festive ".
Comme à Alfred-Costes, beaucoup d'établissements de banlieue cherchent à se faire entendre par tous les moyens. Une intersyndicale, comprenant principalement la FSU, FO, la CGT et SUD a appelé les enseignants à faire grève jeudi 27 mars dans l'académie de Créteil. Quant aux organisations lycéennes, la FIDL et l'UNL, elles ont toutes deux appelé les lycéens à manifester jeudi à Paris et dans les grandes villes. Blocages, rassemblements devant les inspections académiques, occupations nocturnes... la grogne prend des formes diverses et tourne selon les jours, établissement par établissement, rendant difficile la juste mesure de la mobilisation. Au rectorat de Créteil, on assure que le mouvement des enseignants et des lycéens est " en nette diminution " malgré " une radicalisation dans certains endroits ". Les services académiques dénombraient mercredi soir " une dizaine d'établissements perturbés ou bloqués " contre " 45 il y a une semaine ". En dépit de cette sérénité de façade, l'évolution de ces mobilisations locales est surveillée de près par le ministère de l'éducation.
" Chaque année, les syndicats nous disent qu'on ne peut pas aller plus loin dans les économies, que cette fois, l'os est atteint... ", remarque l'entourage du ministre de l'éducation, Xavier Darcos, pour souligner que la politique consistant à " réduire la voilure " budgétaire se heurtera à ce type de protestations. Pour autant, M. Darcos reste dans une position compliquée : très au fait de la réalité des tensions subies par le monde enseignant, il ne souhaite pas, à l'heure des débats internes au gouvernement sur les arbitrages budgétaires pour 2009, donner le sentiment que la chasse aux postes est indéfiniment ouverte dans l'éducation. " La question de la suppression de postes en 2009 n'est pas tranchée ", déclarait-il le 20 mars 2008 à l'occasion d'un " chat " sur le site du Monde. S'il se montre confiant sur le bac professionnel en trois ans, une réforme soutenue par le syndicat majoritaire dans les lycées professionnels, M. Darcos semble avoir renvoyé à des jours meilleurs ses projets concernant le bac général : il n'y a " aucun projet de fusion ou de refonte des filières du lycée ", assurait-il lors du même " chat ".
Luc Cédelle et Catherine Rollot