29 mars 2011 - grève à la poste

Message par françois marcel » 28 Mars 2011, 18:13

deux articles tirés des Echos de ce jour, qui parlent de la situation à la Poste et qui donnent les raisons de cette journée de grève à laquelle tous les syndicats représentatifs appellent dans le pays : productivité accrue, mal-être, accidents du travail en hausse, congés maladies en hausse, suppressions d'emploi, fermetures de centres, de bureaux, etc...

a écrit :
28/03/11 | 18:05 | Renaud Honore
La Poste : les syndicats veulent mobiliser pour dénoncer le «mal-être» social

La CGT, Sud, la CFDT et la CFTC appellent mardi à une grève unitaire, rejoints également par FO, l'Unsa et la CFE-CGC. Les syndicats appellent à une remise en question des nombreuses réorganisations effectuées depuis quelques années.
Le sujet prend une ampleur grandissante au sein de l'entreprise. Les syndicats de La Poste appellent mardi à une journée nationale de grève afin de dénoncer les restructurations en cours du groupe public et le malaise social qui en découle. Des manifestations sont prévues un peu partout en France, dont une à Paris qui doit s'achever devant le siège de l'entreprise.[B]
Dans leur texte commun, la CGT, Sud, la CFDT et la CFTC écrivent ainsi qu'une «course effrénée à la réduction des coûts a des conséquences néfastes sur la santé des postières et des postiers», parlant de «mal-être au travail». D'autres organisations de salariés -FO, l'Unsa et la CFE-CGC -ont également appelé à la mobilisation. «Nous demandons la prise en compte de la souffrance au travail», explique Jacques Dumans (FO).
Cette thématique du «malaise social» est apparue au grand jour avec une lettre signée en mai 2010 par des médecins du travail du groupe public, qui mettait en cause la politique de la direction et ses conséquences sur la santé des postiers. La méthode a été peu appréciée par la direction et même par certains syndicats. Mais elle intervenait après une dégradation réelle de certains indicateurs sociaux. Entre 2003 et 2009, le nombre de journées d'absence par agent pour accidents de service a augmenté de 34%, tandis que la hausse est de 12% depuis 2006 pour les arrêts maladie par agent.
Les syndicats mettent cette situation sur le compte des nombreuses réorganisations lancées par le groupe pour faire face au déclin de son métier historique, le courrier. Les effectifs de la maison mère ont été réduits de 280.800 agents en 2004 à 236.930 l'an dernier, grâce essentiellement au non remplacement des départs à la retraite. Cette cure d'amaigrissement s'est accompagnée d'une mutation profonde du métier de facteur, alors que celui-ci n'avait guère évolué depuis vingt ans.
[B]Une charge de travail alourdie?

Au coeur de ces changements, on trouve notamment le nouveau principe de «sécabilité»: désormais, quand un facteur est absent, sa tournée est répartie entre tous ceux présents. Les syndicats estiment que cela a entraîné l'alourdissement excessif de la charge de travail, et surtout une démultiplication des heures supplémentaires non payées. Une information judiciaire a d'ailleurs été ouverte dans le Doubs contre le groupe public pour «travail dissimulé». La direction répond que le volume de travail des facteurs n'a pas varié. Pour tenter de désamorcer les tensions, elle a annoncé mi février 4.000 embauches et la création de délégués locaux d'établissement. «Pas suffisant», ont répondu en substance les syndicats.
Ces derniers espèrent, avec ce mot d'ordre, réussir à mobiliser des postiers plutôt tièdes lors des dernières grèves nationales. Le groupe public fait face depuis plusieurs années à de nombreux conflits locaux, parfois très virulents. En revanche, les grèves contre la réforme des retraites en 2010 et contre le changement de statut en 2008 et 2009 avaient connu des succès mesurés (entre 15% et 27% de mobilisation pour le conflit sur le statut).
RENAUD HONORE

deuxième article tiré du même journal et du même journaliste :
a écrit :
28/03/11 | 07:00 | mis à jour à 11:10 | Renaud Honore
La Poste, une mutation dans la douleur
La dégradation des conditions de travail sera au coeur de la grève prévue demain au sein de La Poste. Des données internes indiquent une forte hausse des congés maladie depuis quelques années. La conséquence d'une réorganisation sans précédent de l'entreprise.
L'ordre du jour s'annonçait chargé. En arrivant le 20 janvier dernier au siège de La Poste, boulevard de Vaugirard à Paris, les administrateurs du groupe s'attendaient à l'une de ces séances dont on ressort la tête farcie de chiffres. Au menu de ce conseil, le budget 2011, et les premières tendances concrètes des comptes 2010. De quoi contenter les amateurs de tableur Excel. Mais ce rituel comptable fut presque éclipsé par une sortie peu commune, avec le long laïus dans lequel se lança Jean-Paul Bailly en cours de réunion. « C'était très solennel, c'est rare qu'il intervienne de la sorte », raconte un administrateur. Un discours préparé, près de quinze minutes durant lesquelles le patron de La Poste a défendu sa politique sociale, durement critiquée ces derniers mois.
Depuis quelques jours, la presse couvrait abondamment le suicide, le 8 janvier, de Robert Palpant, un postier de cinquante-six ans qui travaillait dans un bureau de Vitrolles. Quelques mois plus tôt, en mai 2010, c'est une lettre incendiaire des médecins du travail qui était arrivée sur le bureau du PDG, et qui accusait La Poste de « créer des "inaptes" physiques et psychologiques ». « Jean-Paul Bailly a très mal vécu ce courrier, car il estime vraiment être un patron social », raconte un cadre de l'entreprise. Lui qui n'aime rien tant que la discrétion se retrouvait sous le feu des projecteurs, accusé de reproduire à La Poste la même politique qu'à France Télécom quelques mois plus tôt. « Tout différencie » les deux entreprises, a-t-il répondu devant le conseil d'administration : « la nature de la concurrence, la dynamique des marchés [...], la nature et la technicité des métiers, la violence de la rupture technologique [...] et la manière de conduire le changement ». Et de conclure, quelques minutes plus tard, tel un père protecteur : « Je pense que La Poste est et restera une "bonne maison", dans laquelle les enfants de beaucoup d'entre vous auront envie de travailler. »
Déclin du courrier
Autour de la table, les administrateurs salariés tirent la grimace. Une « bonne maison », La Poste ? Une plongée dans les bilans sociaux du groupe depuis 2003 indique pourtant une nette dégradation de certains indicateurs de la vie au travail. D'après les calculs des « Echos », le nombre de journées d'absence pour accident de service a ainsi grimpé de près de 34 % entre 2003 et 2009, passant de 2 jours d'absence par agent à plus de 2,7. La pente est moins spectaculaire sur les journées d'absence pour maladie mais reste significative. Après un reflux entre 2003 et 2005, la tendance a de nouveau été à la hausse (+12 %) entre 2006 et 2009. Cette dernière année, il y avait 20,8 jours de congés maladie par agent. « Le phénomène s'explique en grande partie par le vieillissement des postiers », assure Georges Lefebvre, délégué général de La Poste en charge des ressources humaines. Pourtant cette hausse touche bien plus les salariés privés -dont l'âge moyen est de dix ans inférieur -que les fonctionnaires, qui représentaient fin 2009 presque 60 % des effectifs : les contractuels ont eu 20 jours d'absence par agent en 2009, contre 15,1 en 2006 (+ 32 %), tandis que le niveau restait quasi stable pour les fonctionnaires.
Une autre statistique circule, non officielle et nettement plus polémique. La hausse des arrêts maladie ? La partie émergée de l'iceberg, répondent certains syndicalistes, qui évoquent la multiplication des cas de suicide au sein de l'entreprise. « Il y en a eu 71 depuis dix-huit mois », avance Michel Robert, à la CGC. « Entre 60 et 70 depuis un an », évoque un autre représentant de salariés, qui préfère toutefois garder l'anonymat sur cette question. « Ma confédération ne veut pas de communication sur ce sujet, elle estime le sujet complexe et trop délicat », ajoute ce syndicaliste. Il est vrai qu'établir un lien direct entre ce drame humain et les conditions de travail ne va pas toujours de soi. D'autres représentants de salariés sont mal à l'aise face à ces chiffres, qui établissent un parallèle entre les deux anciennes administrations soeurs des PTT. « Le cas France Télécom est complètement différent. Les suicides concernaient là-bas des techniciens à qui on demandait de faire un travail de commercial, ce qui était vécu comme une dévalorisation complète. Par ailleurs aucune mobilité géographique forcée n'est imposée à La Poste », analyse un bon connaisseur de l'entreprise.
Si la comparaison est contestable, il n'en reste pas moins vrai que les postiers ont vu, eux aussi, leur métier se transformer radicalement en moins de dix ans. « Les changements s'accélèrent dans l'entreprise, à cause du déclin du courrier », observe Alain Barrault, secrétaire fédéral CFDT. Victime de la concurrence d'Internet, le métier historique doit s'attendre à voir ses volumes de lettres distribuées fondre de 30 % entre 2008 et 2015. La menace est connue et mobilise l'état-major du groupe. Le mot d'ordre : de la productivité à tous les étages pour amortir ce choc. C'est ainsi que les réorganisations se sont multipliées depuis quelques années. Bureaux regroupés, disparition de certains établissements, et surtout des coupes claires dans les effectifs : la maison mère comptait 280.800 agents en 2004, le chiffre est tombé à 236.930 en 2010, avec 11.700 postes en moins rien que pour l'année 2010 ! Une cure d'amaigrissement qui ne passe par aucun plan social, mais par le non-remplacement des départs en retraite. « Il n'y a pas de management par le stress à La Poste pour pousser des gens vers la sortie. Mais les restructurations sont incessantes, et ne font la plupart du temps l'objet d'aucune négociation collective », regrette Marie-Pierre Liboutet (CFDT).
Les facteurs sont en première ligne de ces bouleversements. Dany Boon aura désormais du mal à faire croire à la fable de l'agent s'arrêtant boire un coup chez l'usager pendant sa tournée. « Le temps de service est désormais quasiment calculé à la seconde près, il s'agit d'une intensification du travail sans précédent », juge Marie-Pierre Liboutet. Un changement radical alors que les facteurs ont joui pendant des années d'une autonomie réelle dans leur métier. Chacun était « propriétaire » de sa tournée, qu'il connaissait comme sa poche et gérait à sa convenance. Celle-ci était même mise aux enchères quand le facteur attitré partait à la retraite, pour savoir qui pourrait en hériter !
La fin de l'autonomie
« Ce pré carré a disparu. Le courrier devient un métier de logistique avec des process très contraignants », raconte un cadre de l'entreprise. Symbole de cette nouvelle ère, la mise en place il y a quelques années de la « sécabilité » : désormais quand un facteur est absent, sa tournée est répartie entre les membres de l'équipe au lieu d'être confiée à un remplaçant. « L'agent n'est plus maître de son organisation du travail qui change toutes les semaines ou presque. C'est mal vécu, surtout par les plus anciens », poursuit ce cadre. Finie l'autonomie, les facteurs doivent donc composer avec une structure plus rigide. Une révolution pour un corps de métier dont les règles n'avaient pas évolué depuis vingt ans. Dans ce contexte, chaque nouveauté, même anecdotique, est vécue comme une agression. Ainsi des vacances d'été, qui doivent désormais être étalées entre juin et septembre, quand l'agent les posait librement en juillet ou en août auparavant. « Les syndicats ont obtenu que la direction réduise drastiquement les contrats précaires. Forcément, ça signifie moins de souplesse l'été pour les agents, qui râlent. Mais on ne peut pas tout avoir... », soupire un représentant de salariés.
Les façons d'être changent, mais ce sont surtout les bouleversements des façons de faire qui expliquent le malaise social. Il y a quelques années encore, le facteur arrivait à son bureau vers 6 h 30, puis partait en tournée vers 9 heures après avoir trié tous ses plis. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, les lettres étant triées la plupart du temps par des machines. « Les agents passent désormais la quasi-totalité de leur temps à l'extérieur, avec des ports de charge plus longs et plus lourds, ce qui accroît grandement leur fatigue », relève Alain Barrault (CFDT). Surtout, la fameuse « sécabilité » est accusée par les syndicats d'entraîner une surcharge de travail pour les facteurs. « Les tournées ont été exagérément allongées, et il y a désormais un gros enjeu sur les heures supplémentaires non payées », explique Anne Chatain, secrétaire nationale CFTC. « La direction a serré la vis, sans doute trop fort », renchérit un cadre.
Courant octobre, une information judiciaire a d'ailleurs été ouverte dans le Doubs contre le groupe public pour « travail dissimulé ». Une procédure lancée à la suite d'un contrôle en mars 2010 de l'Inspection du travail : celle-ci avait constaté que le bureau de Besançon avait refusé « délibérément de mettre en place un système d'enregistrement quotidien des heures réelles de commencement et de fin du temps de travail effectif » du personnel, et avait demandé à l'entreprise de régulariser les heures supplémentaires de trois salariés privés. « C'est symbolique de ce qui se passe partout dans l'entreprise », observe Régis Blanchot (SUD), tandis que Julien Juif (SUD Besançon) avance que le tribunal de Doubs « réfléchit à élargir l'action judiciaire à l'ensemble de la France ».
Face à ces accusations, l'état-major du groupe public répond que ces cas d'heures supplémentaires restent isolés. « Globalement, la quantité de plis distribués par chaque facteur est restée la même ces dernières années », avance Georges Lefebvre, le délégué général du groupe public. En réponse, la direction a également annoncé mi-février une hausse des recrutements en 2011 et la création de délégués locaux d'établissement, pour « accompagner la vie au travail ». Pas suffisant, selon les syndicats, qui ont lancé un appel à la grève pour demain.
RENAUD HONORÉ, Les Echos

françois marcel
 
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