La catastrophe d'AZF

Re: La catastrophe d'AZF

Message par com_71 » 28 Sep 2017, 14:02

LO 27 9 2017 a écrit :AZF – Toulouse : Total doit être condamné

Le 21 septembre ont eu lieu les commémorations de l’explosion de l’usine AZF qui, en 2001, avait dévasté les quartiers populaires de Toulouse, faisant plus de trente morts, des milliers de blessés et des dizaines de milliers de sinistrés.

Des sinistrés ont refusé de se joindre à la commémoration officielle qui regroupait les autorités locales et les représentants de Total, une commémoration rassemblant les victimes avec les coupables. Cette année encore, à l’appel de l’Association des sinistrés du 21 septembre, de l’association Plus jamais ça, et de sinistrés de la cité du Parc et du grand Mirail, c’est au Rond-point du 21 septembre qu’une centaine de personnes se sont regroupées. Les banderoles réclamaient la condamnation de Total, coupable de négligences en matière de sécurité dans sa filiale.

Cette culpabilité a été mise en évidence lors de chacun des procès, en particulier lors du second procès en appel de 2012, condamnant le directeur et la filiale. Ce jugement ayant été cassé, le troisième procès en appel qui s’est déroulé au printemps 2017 a montré une nouvelle fois comment les dirigeants de Total essaient de se disculper : « On ne sait pas ce qui s’est réellement passé. » Comme le disait une sinistrée lors du procès : « Et que penser de la direction d’un grand groupe international comme Total, qui affirme sans rire après plus de quinze ans d’investigations, de recherche, qu’elle ne sait toujours pas pourquoi une de ses usines a explosé en dévastant une ville entière ? Ils ne savent pas ? Eh bien, cela signifie que ces gens-là sont dangereux, et qu’il faut au minimum leur enlever l’accréditation de diriger des entreprises de catégorie Seveso 2. »

Correspondant LO
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Re: La catastrophe d'AZF

Message par Plestin » 29 Sep 2017, 05:40

Total aura vraiment tout fait pour orienter la piste des enquêteurs soit vers un prétendu acte terroriste, soit vers un "arc électrique" dû à l'usine SNPE d'à côté etc. et pour démontrer qu'il n'est pas possible qu'un dérivé chloré ait été entreposé avec les nitrates du bâtiment de stockage qui a explosé, parce que forcément le cariste l'aurait senti (effet irritant, lacrymogène etc.) Le dérivé chloré (un produit pour la désinfection des piscines) est fortement incompatible avec les nitrates. Total a en tout cas réussi son coup, plein de gens à travers tout le pays sont persuadés que c'est un attentat qu'on a caché (et des milliers de salariés du groupe Total, en particulier des cadres, se sont fait consciemment ou pas les colporteurs de cette thèse).

Du côté des enquêteurs, et spécialement ceux de la police, ils semblent s'être surtout intéressés à ce qui s'est passé pendant les dernières heures avant l'explosion, un peu comme sur une scène de crime (d'ailleurs mal protégée pendant les heures qui ont suivi l'accident).

Peut-être que l'explication se trouve dans le dernier bulletin LO paru avant l'explosion (donc, une ou deux semaines avant). Il y est fait état d'une fuite de dérivés chlorés, sous forme de poussière qui s'infiltre partout, jusque dans la salle de contrôle, où le personnel a dû aller à l'infirmerie "avec des yeux de myxomatosés" ou quelque chose comme ça. Des poussières, ce sont des solides, et pour les nettoyer on les ramasse. Ensuite, on les met bien quelque part. Il est tout à fait possible d'avoir utilisé des sacs. Comme le produit est très lacrymogène, on l'a probablement neutralisé (plus ou moins bien) avec un autre. Ensuite, avec la cascade de sous-traitance qui caractérisait ce site, l'un de ces sacs de "déchets" entreposé quelque part, puis déplacé a très bien pu se retrouver, mal vidé, dans un autre secteur de l'usine stocké avec les nitrates. La neutralisation insuffisante du produit en aurait laissé suffisamment d'actif pour déclencher une réaction, mais pas suffisamment pour alerter le cariste, l'effet lacrymogène ayant disparu.

Je n'ai pas absolument tout lu de l'enquête, mais cette hypothèse-là n'a jamais été évoquée.

Il y a eu aussi une expertise post-explosion demandée par le CHS-CT, et celle-ci a fait état de nombreuses failles dans le système. Ses conclusions qui mettaient en évidence le fait que les conditions d'un accident étaient réunies, ont été ensuite refusées par les syndicalistes du CHS qui ont réécrit leur propre version.

https://www.humanite.fr/node/272104

Le traumatisme de l'accident AZF a été énorme et beaucoup de syndicalistes CGT (à part quelques-uns, dont les militants LO et fraction LO) ont basculé dans la défense de Total par crainte que l'usine ne ferme définitivement ! Pourtant, tout le monde savait que Total considérait avoir trop de sites dans sa filiale AZF et qu'il comptait en fermer. S'il avait eu le choix, il aurait sans doute préféré garder Toulouse et fermer Rouen (et d'autres sites plus petits), mais bon, puisque Toulouse a explosé, il n'allait pas reconstruire le site et donc... Va pour garder Rouen ! En plus, il se trouvait que dans le site toulousain la direction avait donné à un syndicaliste des responsabilités en matière de sécurité et cela a dû participer aussi à la paralysie syndicale. En tout cas, le syndicat s'est fait le complice de la direction dans cette affaire.

Aujourd'hui, dans l'industrie chimique, on continue de parler de "syndrome AZF" lorsque quelque part, un syndicat a peur de mettre sur le tapis un sujet touchant à la sécurité des installations par crainte que cela ne conduise à la fermeture de l'usine ou de l'atelier. Et cette situation n'est pas si rare...
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Re: La catastrophe d'AZF

Message par com_71 » 31 Oct 2017, 15:46

Aujourd'hui, condamnations 16 ans après :
M6info 31 octobre 2017 a écrit :AZF : prison avec sursis pour l'ex-directeur du site, amende maximale pour l'entreprise

Après 16 ans de bataille judiciaire, la Cour d’appel de Paris a condamné mardi l’ancien directeur de l’usine chimique AZF à 15 mois de prison avec sursis pour “homicide involontaire”. La Cour l’a jugé responsable dans l’explosion qui avait fait 31 morts en septembre 2001 à Toulouse. En outre, la société exploitante, également reconnu responsable, a écopé de l’amende maximale...


Et ils se pourvoient en cassation !
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Re: La catastrophe d'AZF

Message par Plestin » 02 Nov 2017, 09:22

Communication de l'Association Henri Pézerat (Travail. Santé. Environnement) qui lutte pour la santé au travail.


Catastrophe industrielle AZF du 21 septembre 2001 à Toulouse

La cour d'appel de Paris reconnaît la responsabilité pénale de Serge Biechlin, PDG, et de la société Grande-Paroisse, filiale à 100 % du groupe Total.


Au regard des manquements relevés aux obligations particulières de sécurité ou de prudence prévues par la loi ou le réglement :
- l'insuffisance dans l'identification et l'évaluation des risques
- les défaillances dans la maîtrise des procédés par des consignes écrites
- l'insuffisance dans la formation et l'information du personnel,
la matérialité de la faute, s'agissant des dégradations ou détériorations involontaires, est incontestablement établie.


Ce 31 octobre 2001 [coquille : lire 2017] le jugement de la cour d'appel de Paris, cité en exergue, recense de façon précise la gravité des manquements qui - étroitement liés au choix stratégique du recours à la sous-traitance par les dirigeants de la firme Grande Paroisse - ont créé structurellement les conditions de possibilité de l'accident industriel. Pourtant, les juges le précisent, la recommandation R288 du Comité technique national des industries chimiques soulignait avant la catastrophe que "l'élimination des déchets doit être considérée comme une opération liée au processus de fabrication et traitée comme telle". En d'autres termes, sur le site AZF de la société Grande Paroisse à Toulouse, la gestion des déchets chlorés et ammonitrés, incompatibles entre eux, n'aurait jamais dû être sous-traitée. Des voix s'élèvent en France depuis plus de trente ans pour demander l'interdiction de la sous-traitance sur les sites à risque, car elle représente objectivement une sous-traitance des risques, ce que nous pouvons considérer comme une mise en danger structurelle permanente de la vie d'autrui.

Il faut également relever le rôle déterminant de l'alerte syndicale, dans la critique des conditions d'intervention des travailleurs sous-traitants sur le site avant l'accident, et surtout de l'expertise CHSCT ayant permis la reconstitution des faits, expertise réalisée par le cabinet Cidécos à l'issue de l'accident.

L'association Henri Pézerat est solidaire du mouvement - toulousain et national, syndical et associatif - des victimes professionnelles et environnementales de la catastrophe AZF, et au delà, de toutes les victimes d'accidents du travail, de maladie professionnelle et/ou environnementale. En dépit des ordonnances de cet automne et en cohérence avec ce jugement, l'association se mobilise aux côtés des réseaux en lutte pour que les CHSCT demeurent cette instance représentative spécifique, disposant des droits d'alerte, d'enquête et de recours à l'expertise. Et nous continuerons le combat pour que l'arrêt de la cour d'appel de Paris de ce 31 octobre 2017 concernant la catastrophe d'AZF fasse jurisprudence, non seulement concernant des accidents d'ampleur exceptionnelle comme celui-là, mais pour toutes les formes d'atteintes professionnelles et environnementales liées à la criminalité industrielle.

Contacts :
Philipe Saunier : 06.08.03.45.33
Annie Thébaud-Mony : 06.76.41.83.46


Cette histoire de sous-traitance et de manque de formation et d'information du personnel me fait penser à une autre, survenue il y a quelques années à l'usine Total Petrochemicals de Gonfreville-l'Orcher (Le Havre).

Sur ce site classé Seveso II seuil haut (présentant un danger maximal d'explosion, d'incendie ou d'émanation toxique), une entreprise sous-traitante s'occupait de travaux d'aménagement et creusait le sol avec une pelleteuse. Le gars tombe sur un gros objet qui lui semble bizarre. Il descend, prend l'objet dans ses bras et l'apporte à son chef : "chef, j'ai trouvé ça, qu'est-ce que c'est ?" Le chef est devenu vert. C'était un obus de la 2ème guerre mondiale...

Dans une ville aussi lourdement bombardée que Le Havre, connaître ce risque devrait faire partie du B.A.-BA de la formation de ceux qui creusent le sol.
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Re: La catastrophe d'AZF

Message par Plestin » 18 Déc 2019, 11:00

18 ans après l'explosion d'AZF Toulouse, la condamnation de Grande-Paroisse en appel (en 2017) est confirmée en Cassation.


https://www.20minutes.fr/justice/267715 ... -usine-azf


Toulouse : La filiale du groupe Total définitivement condamnée pour la catastrophe de l’usine AZF

JUSTICE Dix-huit ans après l’explosion de l’usine AZF, Grande Paroisse et le directeur de l’usine sont définitivement condamnés après une décision de la Cour de cassation

Béatrice Colin

Publié le 17/12/19


En rejetant le pourvoi en cassation de la filiale de Total ce mardi, la Cour de cassation a confirmé la condamnation définitive du directeur de l’usine AZF et de sa maison mère, Grande Paroisse.
Après trois longs procès, ce qui en fait une des affaires les plus chères de l’histoire judiciaire française, les associations de victimes ont salué « une victoire ».
Elles indiquent toutefois que, dix-huit ans après, les leçons n’étaient toujours pas tirées en matière d’installations classées Seveso.


Le 21 septembre 2001, l’usine AZF explosait à Toulouse​, faisant 31 morts, des milliers de blessés et d’énormes dégâts. Dix-huit ans après, la Cour de cassation vient de clore le volet judiciaire de cette catastrophe.

Après trois procès, le 31 octobre 2017 la cour d’appel de Paris avait condamné le directeur de l’usine, Serge Biechlin, à 15 mois de prison avec sursis et 10.000 euros d’amende pour « homicides et blessures involontaires », ainsi que Grande Paroisse, la filiale de Total, à 225.000 euros d’amende. Le pourvoi en cassation formulé par la défense vient en effet d’être rejeté ce mardi.

Procès le plus cher de l’histoire judiciaire

« Une victoire du pot de terre contre le pot de fer », ont réagi les associations de victimes, riverains et syndicats de salariés. « C’est un soulagement et une victoire », ont reconnu les parents de Rodolphe Vitry, mort dans l’explosion de l’usine. Comme d’autres parties civiles, ils sont contents qu’il y ait une reconnaissance de l’origine chimique de l’explosion due à un mélange de produits incompatibles et la condamnation de Total à travers sa filiale.

Une thèse mise en doute tout au long des trois procès par les avocats de la filiale de Total. « C’est un arrêt un peu décevant », a réagi l’un d’eux auprès de l’AFP, Daniel Soulez-Larivière, jugeant que dans ce dossier « un peu monstrueux ».

« Total a déployé des moyens colossaux depuis le début. C’est d’ailleurs un des procès les plus chers de l’histoire judiciaire française, si ce n’est le plus cher », relève pour sa part Stella Bisseuil, l’avocate de l’association de familles endeuillées. Pour elle, cette affaire AZF, « c’est celle d’un accident qui arrive par un détail, là c’est dans la poubelle et la gestion des déchets, ces petites choses qui échappent à la vigilance », plaide-t-elle.

« Ce sont bien les manquements délibérés dans l’organisation de l’usine, notamment dans la procédure de traitement des déchets industriels du site et la généralisation de la sous-traitance qui sont les causes avérées de l’explosion », a indiqué Philippe Saunier de la Fédération CGT des industries chimiques.

Des leçons pas tirées

Près de deux décennies plus tard, à l’aune des incendies de Lubrizol et de la raffinerie Total du Havre, samedi dernier, ces questions demeurent intactes pour certaines parties civiles. Selon les associations de victimes et riverains, les leçons de la catastrophe AZF n’ont toujours pas été tirées en matière d’usine Seveso. « Entre 2016 et 2018, on a enregistré 25 % d’accidents supplémentaires sur les installations classées, et dans le même temps, les inspections de ces sites sont passées de 30.000 à 18.196 », relève Denis Molin, du collectif Plus jamais ça ni ici, ni ailleurs.

Si la cause chimique est reconnue définitivement par la justice, le directeur de l’usine peut faire appel de sa condamnation auprès de la Cour européenne des droits de l’Homme. « Si elle est saisie, elle examinera seulement s’il a eu droit à un procès équitable », explique Stella Bisseuil.


Il reste malgré tout que c'est la gestion du groupe Total qui est en question et que dans cette affaire le directeur n'est qu'un lampiste qui n'a fait qu'appliquer dans l'usine les pratiques du groupe en matière de gestion de la sous-traitance et des déchets industriels. Ses supérieurs de l'époque sont épargnés. Et qui condamnera la politique de diversion du groupe Total pour avoir renvoyé l'enquête sur des fausses pistes (les industriels d'à côté, l'ouvrier arabe "terroriste"...) et même altéré la scène du crime ?
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Re: La catastrophe d'AZF

Message par Zorglub » 18 Déc 2019, 22:08

Je plussoie Plestin.
Il n'a pas été creusé que l'incurie manifeste venait de Total. Sur l'obstruction de la CEI, la commission d'enquête indépendante (sic, indépendante de l'Etat) de Total dont le rôle était de dédouaner. S'ils avaient pu trouver des témoins d'interventions extra-terrestres, ils auraient défendu cette piste.
On pourrait parler de La Mède, Feyzin et j'en oublie, puis, tout récemment, l'incendie de Gonfreville-l'Orcher. Comment une pompe qui chauffe a pu avoir de telles conséquences dans une raffinerie (la plus grande de France) bardées normalement de capteurs ?
Sans même parler de Total dans le monde...

Néanmoins une victoire dont notre défunt camarade J.F. Grelier est pour quelque chose.
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