Réglement REACH sur les produits chimiques : dernière phase

Réglement REACH sur les produits chimiques : dernière phase

Message par Plestin » 17 Oct 2017, 09:57

REACH signifie, en anglais, Enregistrement, Evaluation, Autorisation et restriction des substances CHimiques. C'est un réglement mis en place à l'échelle de l'Union européenne et entré en vigueur à partir de 2007, visant (théoriquement) à clarifier la situation de chaque produit chimique vis-à-vis des questions d'environnement et de sécurité. Répondant en théorie à des préoccupations sanitaires, il est devenu au fil du temps un outil au service des entreprises les plus puissantes.

Au début, la perspective d'une mise en place de REACH a déclenché une levée de boucliers chez les industriels, qui ont commencé à se plaindre et à crier à la distorsion de concurrence entre les entreprises installées en Europe et les autres.

Leurs remarques ont été entendues, et d'une part, toute une série de produits (potentiellement dangereux) ont été exclus de l'évaluation, d'autre part, les importateurs de produits chimiques (fabriqués en Chine, en Inde ou ailleurs) ont été soumis aux mêmes obligations.

En pratique, les entreprises ont une période limitée pour déclarer les substances chimiques qu'elles souhaitent faire enregistrer (celles non enregistrées seront interdites). Ensuite, toutes celles qui sont intéressées par un produit chimique donné, doivent financer des études plus ou moins importantes pour évaluer avec précision le risque. (Certains produits particulièrement dangereux par exemple cancérogènes ou toxiques pour la reproduction font l'objet d'une réglementation particulière). Le coût total de l'étude est partagé entre les entreprises d'un même panel, à hauteur de leur part de marché (je crois). Une fois les études réalisées, le produit concerné est enregistré et seules les entreprises qui ont participé ont le droit de le vendre (pour éviter les petits malins qui ne se lanceraient qu'une fois les études faites afin de ne pas avoir à les payer, à moins peut-être de payer à nouveau quelque chose). C'est donc aussi un outil protectionniste, au sens où cela protège relativement de l'arrivée de nouveaux acteurs sur le marché, même si ce n'est pas protectionniste vis-à-vis d'une entreprise chinoise qui aurait participé au financement des études.

Donc, après avoir vidé REACH d'une partie de sa substance, les industriels en ont fait une sorte d'outil protectionniste.

La démarche REACH a connu plusieurs étapes :

- Une phase de pré-enregistrement avec clôture en décembre 2008 (beaucoup d'entreprises ont fait la démarche au dernier moment, cela a été une vraie cacophonie et quelques arrangements ont dû être trouvés).
- Une première phase d'enregistrement pour les substances produites en quantités supérieures à 1.000 tonnes ainsi que certaines substances dangereuses particulières, avec date butoir en décembre 2010.
- Une seconde phase d'enregistrement pour les substances produites en quantités comprises entre 100 et 1.000 tonnes, avec date butoir en juin 2013.
- Une troisième phase d'enregistrement pour les substances produites en quantités comprises entre 1 et 100 tonnes. C'est en cours, avec date butoir en juin 2018.

Cette 3ème phase s'intéressant à des quantités relativement petites, cela concerne bien davantage les PME que les étapes antérieures. Et cela va visiblement devenir un facteur d'élimination de certaines d'entre elles.

L'ECHA (Agence européenne des produits chimiques) vient de publier une enquête sur les intentions des PME à propos de l'enregistrement de ces substances. 730 entreprises ont répondu. Les résultats sont édifiants :

- De nombreuses PME envisagent de réduire leur production ou leurs importations de façon à passer sous le seuil des 1 tonne ou d'abandonner certaines substances.
- 35 % des répondants ont indiqué envisager de réduire de 10 % leur portefeuille de produits chimiques.
- 16 % envisagent de le réduire de 20 %.
- 14 % envisagent de le réduire de 30 %.
- 3 % envisagent de le réduire de 40 %, etc.
Et 11 % prévoient de le réduire de 100 %, autrement dit d'abandonner toute leur activité chimique.

La raison principale de ces abandons provient du coût de la procédure d'enregistrement : selon l'ECHA, rien que les Lettres d'accès pour intégrer les forums d'échanges d'informations sur une substance vont de 25.000 à 250.000 euros, une somme hors de portée pour de nombreuses PME qui ont tout un catalogue de produits à faire enregistrer.

Il est possible que cette enquête serve surtout à faire en sorte que quelques aides financières aillent aux PME, mais ce qui est frappant, c'est de voir à quel point les groupes les plus puissants vont pouvoir utiliser cet outil qu'est REACH - avec son fort ticket d'entrée à payer - pour éliminer les plus faibles et disposer ensuite d'une position renforcée sur le marché.

Quant aux questions de santé publique, elles sont au second plan. Avec REACH, on connaît mieux les effets nocifs de certaines substances, ce qui peut guider les précautions d'emploi à mettre en oeuvre, mais elles ne sont pas interdites pour autant (à part quelques-unes). Peut-être même que sur certaines substances il y a régression, les nouvelles études (menées comment ?) pouvant aussi aboutir à "l'absolution" injustifiée d'un produit concernant un risque donné.
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Re: Réglement REACH sur les produits chimiques : dernière ph

Message par Plestin » 09 Avr 2019, 08:20

Selon InfoChimie du 3 avril 2019, l'ECHA (European Chemicals Agency, agence européenne des produits chimiques) reproche aux industriels de "ne pas accorder assez d'attention lors de la constitution de leurs dossiers d'enregistrement REACH."

En 2018, l’agence européenne des produits chimiques a vérifié la conformité de 286 dossiers d’enregistrements, dont la plupart visaient des substances potentiellement préoccupantes. Les informations contenues dans les dossiers sont sensées permettre aux autorités de déterminer si la substance est cancérogène, mutagène et toxique pour la reproduction, ou si elle est persistante, bioaccumulable et toxique. Or dans 211 cas, l’Agence a dû demander aux déclarants des informations complémentaires prouvant que la substance était utilisée de manière sûre. Et ces chiffres de non-conformité sont similaires d’année en année précédentes, selon l’Echa qui déplore ces manque d’éléments dans la majorité des dossiers.


Mais le meilleur est à venir.

D’ailleurs une analyse approfondie est actuellement en cours du côté des industriels pour comprendre le pourquoi de ce phénomène et surtout identifier les domaines dans lesquels les données fournies sont insuffisantes. Le Cefic (patronat européen de la chimie) explique, par exemple, qu’une analyse préliminaire suggère que de nombreux déclarants devraient mieux justifier l’utilisation de solutions de remplacement aux tests de produits chimiques sur animaux.


Ainsi, on assiste à un engouement soudain pour les tests de toxicité qui se passent d'essais sur les animaux. C'est bon pour l'image des chimistes... mais surtout, si on n'est pas trop rigoureux sur les solutions utilisées à la place, on a moins de risques de découvrir un effet nocif de la substance chimique sur les êtres vivants !
Plestin
 
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