Roselyne Rouger, 62 ans, factrice à Neuilly, raccroche après 463 jours de grève
Le conflit entre La Poste et une partie des facteurs des Hauts-de-Seine a pris fin ce lundi après quinze mois de désaccords. Roselyne Rouger en était, depuis le premier jour.Levallois, 2 juillet 2019. « Je ne verrai plus jamais l’humain de la même manière », confie Roselyne, qui s’est investie à 100% dans ce mouvement social. LP/C.-E.AKPar Charles-Edouard Ama Koffi
Le 2 juillet 2019 à 19h18, modifié le 2 juillet 2019 à 19h44
Elle n'est pas très grande, même plutôt frêle. Elle a pourtant une combativité à ne surtout pas sous-estimer.
Roselyne Rouger, 62 ans dont 33 à La Poste, a commencé la grève dès le premier jour, le 26 mars 2018, « à cause des conditions de travail qui deviennent de plus en plus dures ». En arrêtant de distribuer le courrier à Neuilly, où elle a toujours officié.
Comme ses collègues, elle reprendra le travail ce jeudi. Non sans une certaine nostalgie, après tant de mois d'assemblées générales et de nouvelles amitiés.
« Je ne suis pas plus contente que ça de reprendre le travail, confirme-t-elle. Ce qui me chagrine, c'est de perdre ce collectif. En grève, on était tous pareils : blancs, noirs, jeunes ou moins jeunes. J'ai d'ailleurs découvert des garçons géniaux, de la génération de mon fils de 27 ans, qui m'ont véritablement émue lorsqu'ils prenaient la parole en assemblée générale, explique-t-elle les yeux brillants. On a tous fait un pas l'un vers l'autre pour mieux se connaître. J'ai vraiment été boostée par cette grève. Je ne verrai plus jamais l'être humain de la même manière. »
«Quand on fait grève, il faut lutter»Roselyne était de toutes les assemblées générales, de toutes les manifs, de toutes les négociations, de tous les coups d'éclat. « Un jour à 6 heures du matin à Boulogne, un autre à 7 heures dans à Châtenay-Malabry… On allait dans les bureaux de poste pour informer les autres de l'avancée des négociations », raconte la sexagénaire, qui a mené une « grève active ». « Quand on fait grève, pour moi, ça ne sert à rien de rester chez soi. Il faut lutter », appuie-t-elle.
1500 euros de salaire en moinsDepuis mars 2018, Roselyne, qui vit seule à Levallois, a donc dû se passer de son salaire de 1 500 € mensuels.
Et faire des choix : « Je suis allée rendre visite une seule fois à mon fils qui habite dans la région de Lyon, alors que j'y allais un week-end sur deux, raconte-t-elle. On ne va pas se voiler la face, passer de 1 500 € par mois à zéro, pour moi comme pour les autres, ça a été difficile. Cependant, j'ai le privilège de ne pas avoir 20 ans et un peu d'argent de côté. Disons que je n'étais à moins 1 000 sur mon compte qu'à partir du 15 du mois. »
Les facteurs ont aussi pu compter sur la caisse de solidarité, financée par des anonymes. « Plein de gens nous ont aidés. Le plus jeune donneur avait 17 ans et la plus âgée 84 ans, c'est incroyable, raconte Roselyne. On s'est aussi beaucoup entraidés ».
«Il va falloir un certain temps pour évacuer»Le syndicat SUD PTT 92 est parvenu à négocier 54 jours de salaire payés à la fin du mois de juillet pour tous ceux qui ont fait grève depuis le début du conflit. Roselyne concède : « Après quinze mois, c'est une belle victoire ».
Mais malgré le protocole de signature et la reprise du travail annoncée, elle ne décolère pas contre sa direction.
« Je n'ai plus envie d'être gentille et de faire tout ce qu'on me demande en plus de mon travail, lâche-t-elle. Les petits services, les heures en plus non payées, c'est terminé pour moi. Même si je dois me faire violence car j'aime mon métier, je ne le ferai plus ». Roselyne s'est sentie « méprisée » pendant ce conflit : « Il va falloir un certain temps pour l'évacuer. »