a écrit :Assurance-chômage
Une bataille juridique dangereuse Les opposants à la convention Unedic ont déposé plusieurs recours devant les tribunaux et le Conseil d’État. La plupart des jugements doivent être rendus ce mois-ci. Le mois d’avril sera décisif pour l’avenir de l’Unedic. Dans les semaines qui viennent, le Conseil d’État rendra sa décision sur les recours déposés par trois associations de chômeurs (AC, MNCP, Apeis), qui demandent l’annulation de l’arrêté d’agrément de la convention d’assurance-chômage signée le 20 décembre 2002. Parallèlement, ces trois associations et la CGT Chômeurs ont déposé plus de 170 plaintes devant 21 tribunaux pour « rupture abusive de contrat ». Plusieurs audiences auront lieu en avril et les jugements seront prononcés dans les semaines suivantes.
Les associations de chômeurs ont saisi le conseil d’État sur une question de respect de la procédure d’agrément et non sur le fond de l’accord. En effet, l’arrêté fixant la composition du Conseil supérieur de l’emploi – qui donne son avis sur toutes les conventions avant l’agrément du ministère de l’Emploi – n’a pas été mis à jour par les gouvernements successifs depuis 1990. Cet argument a déjà été utilisé l’an dernier pour contester le protocole d’accord sur le régime des intermittents du spectacle. « Tous les prétextes sont bons pour s’attaquer à l’Assurance-chômage, même lorsque les faits incriminés sont totalement étrangers à la convention elle-même, dénonce Michel Mersenne, secrétaire confédéral. Une annulation, qui serait de la seule responsabilité de l’État, aurait des conséquences lourdes, surtout au plan financier, sans rapport avec ce qui justifie les requêtes des plaignants. » En effet, l’annulation de l’agrément obligerait l’Unedic à rembourser aux salariés et aux employeurs la hausse de cotisation appliquée depuis le 1er janvier 2003, soit un coût de 2,25 milliards d’euros. Pour les prestations, les 850 millions d’euros d’économies réalisées en 2003 par la réduction des durées maximales d’indemnisation seraient réduites à néant. Elles représentent 2,8 milliards d’euros en 2004 et 2005. Sur le plan administratif, l’annulation de l’agrément conduirait à une situation extrêmement complexe. Les Assedic devraient reconstituer les dossiers de 1,5 million d’entreprises, 16 millions de salariés et 4 millions d’allocataires. Pire, « dans ce scénario extrême, l’effet produit serait inverse à celui recherché par les associations de chômeurs car, dans l’immédiat, cette annulation, en créant un vide juridique, pourrait priver les demandeurs d’emploi d’allocations de chômage ! ».
Pour l’État, cela signifierait la prise en charge de l’emprunt de l’Unedic auprès des banques, soit 4 milliards d’euros. Et l’ANPE perdrait 470 millions d’euros, soit un tiers de son budget, payés par l’Unedic au titre de la mise en œuvre du Pare.
Les recours devant les tribunaux procèdent d’une autre logique. Les plaignants soutiennent que le Pare est un contrat entre les demandeurs d’emploi et l’Assurance-chômage, contrat rompu abusivement, selon eux, par la convention du 20 décembre 2002.
Polémiques sur le terme “ contrat ”. « Les rapports existants entre les allocataires et les institutions de l’assurance-chômage ne sont pas régis par un contrat mais par les textes législatifs et réglementaires en vigueur », rappelle Michel Mersenne. En l’occurrence, le Code du travail et le règlement de l’Unedic, comme le précise le formulaire que doivent remplir les demandeurs d’emploi lorsqu’ils s’inscrivent aux Assedic. La jurisprudence affirme que les conditions de durée de versement et de revalorisation des allocations, déterminées par les accords collectifs, ne constituent pas un droit acquis pour les demandeurs d’emploi (décision du Conseil d’État du 10 juillet 1987). Cependant, « cette jurisprudence est ancienne et le risque d’un changement n’est pas à exclure, prévient Michel Mersenne. Et cela, nous le saurons bientôt ».
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Décryptage613 000 personnes concernées sur deux ansL’an dernier, l’Unedic prévoyait que 613 000 demandeurs d’emplois seraient concernés par une réduction de leur durée d’indemnisation, de 1 jour à 8 mois maximum, entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2005, dont 180 000 dès le 1er janvier dernier. Le chiffre précis des chômeurs sortis du système d’indemnisation du fait de l’adaptation de leurs droits au nouveau dispositif a pu être vérifié début mars.
Ce sont 215 000 personnes qui ont effectivement été concernées au 1er janvier. Dans le courant du mois de janvier, 49 800 allocataires en activité réduite ont également vu leurs droits convertis. L’écart avec les estimations de l’Unedic s’explique par une mauvaise conjoncture en 2003, ce qui a réduit le taux de reclassement initialement prévu. La réduction moyenne de durée d’indemnisation s’établit à 3,5 mois, loin des chiffres (de 7 à 14 mois) annoncés par les opposants à la convention.
Pour en savoir plus : lire l'interview de Michel Jalmain «
« Les attaques font le jeu du patronat »» (2 avril 2004)
Frédéric Delaporte © CFDT (mis en ligne le 2 avril 2004)