
Cachot, boulot, dodo, et pas le Smic
Une plainte devant les prud'hommes a été déposée par une détenue des Baumettes.
Par Michel HENRY
samedi 03 juillet 2004
Une détenue des Baumettes, à Marseille, a décidé d'attaquer son employeur aux prud'hommes pour faire respecter la règle «à travail égal, salaire égal». En détention, Violette Martinez fabrique des emballages en carton pour des parfumeurs, mais n'est payée que 3 euros de l'heure, contre 7,19 euros pour le Smic. L'inspecteur du travail venu enquêter après un accident du travail a rappelé l'article 140-2 du code du travail : «A travail égal, salaire égal.» Du coup, l'avocat de Violette, Me Jean-Marc Montanaro, réclame des indemnités pour «non-respect du droit du travail sur une employée en état de faiblesse du fait de sa situation carcérale». L'affaire sera examinée par les prud'hommes le 29 septembre.
Problème : son action a-t-elle des chances d'aboutir ? L'entreprise marseillaise pour qui elle travaille en doute. Pour cette société, l'employeur, c'est l'administration pénitentiaire. L'entreprise a simplement passé un contrat de concession de main-d'oeuvre avec l'administration, et s'estime dégagée des responsabilités d'un employeur. Elle juge les prud'hommes incompétents. C'est ce que son patron a expliqué, lors de l'audience de conciliation, le 21 juin, pour laquelle la détenue avait obtenu une permission de sortie. «Je suis concessionnaire depuis 1987, c'est la première fois qu'il m'arrive une chose pareille, affirme le patron. Y a des gens qui veulent m'emmerder. Cette personne perturbe la totalité du système pénitentiaire et je l'ai d'ailleurs retirée de mon atelier.» L'entreprise s'en tient à son contrat : «Je reçois une facture de l'administration qui fait les fiches de paye», assure le patron. La pénitentiaire défend le même raisonnement : s'il y a un employeur, c'est elle.
Mais pour Me Montanaro, il y a bien un lien de subordination avec l'entreprise, «critère numéro un d'un contrat de travail». «D'abord, il y a une contremaîtresse, personne extérieure à la détention, salariée de l'entreprise, qui chapeaute l'activité des détenus, explique l'avocat. De plus, un courrier de l'entreprise à Mme Martinez choisit son poste, la quantité de travail à fournir, le salaire de base, les primes éventuelles.» Pour Me Montanaro, «il est logique que celui qui bénéficie de l'activité des salariés soit considéré comme l'employeur».
Là encore, le patron conteste : «En prison, on a des contraintes particulières, notamment sur le personnel. Il est imposé, je ne le choisis pas, qu'il soit valable ou pas.» Il affirme «s'y retrouver car les détenus sont payés à la pièce», mais s'il fallait respecter le Smic, ce ne serait plus possible : «Dans ce cas, je retire mes machines, assure le patron. De moins en moins de sociétés veulent travailler en prison. Il y a trop de contraintes. En Italie, ils ont voulu mettre des salaires comme à l'extérieur. Résultat : il n'y a plus de travail dans les prisons italiennes.»
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