par Valiere » 16 Nov 2004, 00:24
voici la partie action
Débat sur l’action :
Il porte sur deux points :
- grève en janvier ou en décembre ?
- quelle plate-forme ?
Débat assez hallucinant…
Le SNES a une conférence téléphonique avec ses sections académiques ce soir, son BN est pour la grève en décembre depuis octobre. Il y a des signes de frémissement : syndicalisation, affluence aux réunions (exemple : plus de 200 personnes à Marseille vendredi), sensibilité au rapport Thélot. Il pense qu’il faut maintenant aller à la grève, d’autant plus que le projet de loi d’orientation passe en conseil des ministres en décembre : on ne peut rater cette échéance. Raffarin a donné le fond de la loi d’orientation : c’est le rapport Thélot, qui doit être un axe de mobilisation important. Si le BDFN ne décide pas aujourd’hui, alors de fait ça veut dire que la FSU ne décidera pas d’action pour décembre.
Le débat est très vif. Le SNES rencontre l’approbation du SNASUB (administratifs) : il faut une grève en décembre, car c’est le seule moment où on peut encore peser sur des questions comme la décentralisation, la précarité, le budget… il faut parler de tout ça dans la plate-forme, avec la loi d’orientation et la loi en préparation sur la Fonction Publique. Tous ces éléments font partie d’un tout qui énerve beaucoup les personnels. Aller à la grève dans un cadre Fonction Publique si possible, en intersyndicale de l’éducation sinon, et la FSU doit prendre ses responsabilités (y aller seule) si rien de tout cela n’est possible.
Le SNUEP (enseignement professionnel) intervient dans le même sens, en critiquant très durement « l’unité à tout prix » et sans contenu : ils iront en décembre avec les syndicats de la FSU qui le feront, y compris pour une manif nationale.
L’UNATOS est aussi pour la grève en décembre : si possible y aller dans un cadre Fonction publique. Leur souci est visiblement lié à des problèmes sur la décentralisation : ils ne remettent pas en cause le cadre global des transferts des TOS (dixit), mais en revanche les modalités les inquiètent : il pourrait y avoir une remise en cause des trois « cadres d’emplois » prévus pour accueillir les TOS dans la Fonction Publique Territoriale.
Les sections départementales présentes sont plus partagées : il y a des discussions entre les syndicats. Le Nord et le Pas de Calais penchent pour une grève en décembre, et proposent aussi une manif nationale. Les Bouches-du-Rhône (Beauquier) sont aussi pour une grève en décembre, et il vend la mèche en disant benoîtement : « si on ne peut pas y aller tous ensemble, il ne faut pas que des gens s’interdisent de commencer »…
Il apparaît de plus en plus qu’on se dirige vers une action dispersée de la FSU, et que l’on cherche à enrober ce fait consternant.
L’EE-FSU indique elle-même qu’elle est divisée (les clivages en son sein recoupent les divisions des Syndicats Nationaux) : tout le monde est d’accord sur une grève, on ne peut se quitter aujourd’hui avec des grève différentes, il faut intégrer dans nos déclarations publiques un mot d’ordre de grève (sans précision de date), et s’exprimer publiquement en ce sens dans les jours suivant le passage de Fillon à la télé.
Nous sommes plusieurs (Jack Lefebvre pour le PRSI, moi pour l’Emancipation, Sophie Zafari de l’EE-SNUipp, Catherine Méry de la section de l’Oise…) à considérer qu’une action dispersée est catastrophique pour la FSU et pour la suite des choses. Jack Lefebvre du PRSI pointe le fait que le débat ne porte pas seulement sur le calendrier, mais aussi sur le contenu : il faut être nets sur le rapport Thélot et son analyse, car ce sera le centre de la loi d’orientation. Les positions d’autres syndicats sur le rapport Thélot posent problème.
Laurent Zappi (EE-SNUipp) pense qu’il y a trois possibilités : une grève en décembre, une en janvier, ou une « dynamique » (sic) : des secteurs s’engagent plus tôt pour alimenter cette « dynamique » (on rebaptise « dynamique » cette grève en ordre dispersé…) ; le tout est de replacer la grève dans un « dispositif d’action » sur le long terme, car on ne se limite pas à des grèves de 24 heures.
Sophie Zafari (EE-SNUipp) pense au contraire qu’une grève en ordre dispersé serait la pire des choses. Bernard Collongeon (EE-SNES) est en désaccord avec elle : il ne s’agirait pas d’une grève en ordre dispersé, mais ce serait un « plan d’action fédéral » avec des gens qui ne partent pas en même temps, mais qui partent dans le même sens : le mieux serait qu’on parte ensemble début décembre suite aux annonces de Fillon, mais on peut prévoir une autre étape tous ensemble en janvier , en profitant alors du « plus » fédéral que procurerait l’action de toute la FSU…
Le SNEP (profs d’EPS), quant à lui, est plutôt contre une grève en décembre : on est en train de construire à partir de la réactivité des collègues sur différents sujets. Il faut quand même s’interroger sur la stratégie unitaire : est-ce que les sept fédérations de fonctionnaires mettent le ministre de la Fonction Publique en difficulté ? Pas vraiment, ce sont plutôt les fédérations qui sont en position difficile.
Le SNUipp lui, est pour une grève en janvier (comprendre : contre une grève en décembre) : ils sont dans une campagne « thématique » centrée sur « l’école pour tout le monde », avec des initiatives publiques, une semaine d’action unitaire sur la direction d’école (sic) , etc… air connu : il faut une grève en janvier à partir des cartes scolaires et dans le prolongement de l’opération « carton rouge » (donc centrée sur le budget), « à construire dans l’unité la plus large avec l’intersyndicale ». Il ne faut pas rater une grève au moment où le débat s’ouvre (comprendre : en janvier), et se donner le temps du débat et de construite un « plan d’action » (décidément…). L’argument ultime du Snuipp (aussi bien UA qu’EE) : attention à ne pas se polariser sur une grève contre le rapport Thélot, mais plutôt sur les contenus réels que Fillon annoncera : le « socle commun » version Raffarin pourrait ne pas plaire au SGEN et à l’UNSA, ils peuvent évoluer sur le sujet.
Le fond du débat entre les syndicats nationaux :
- pour certains (Snuipp) on peut encore attendre une évolution plus critique du SGEN et de l’UNSA sur la loi d’orientation, donc il faut se donner le temps et jouer le cadre de l’intersyndicale : on attend les déclaration de Fillon, si elles sont provocatrices elles permettront qu’ils évoluent et de rapprocher les points de vue.
- pour d’autres (SNEP, SNES) : ce que dira Fillon ne va pas faire bouger beaucoup le SGEN et l’UNSA, la question de l’unité syndicale est relativisée car elle se ferait sur un contenu minimaliste en particulier en ce qui concerne la loi d’orientation. UNSA et SGEN veulent surtout pour l’instant « squeezer » la question du rapport Thélot, et pour cela avancent la perspective d’une action en janvier sur le seul budget.
Le SNES indique nettement les choses : nous allons nous réunir avec les sections académiques, même en prenant en compte le fait que le SNUipp est d’accord pour une grève en janvier, le SNES ne changera probablement pas d’avis… il faut par contre se mettre d’accord dès maintenant pour voir comment on annoncera ça publiquement.
A partir de ce moment, la question n’est plus de savoir si la FSU partira ou non en ordre dispersé ; elle le fera, reste à savoir comment elle « habillera » cela en n’ayant l’air de ne désavouer ni les uns (grève en décembre) ni les autres (grève en janvier) (Springfields Marin, EE-FSU : « on doit sortir avec un accord sur ce que chacun dira à propos de l’attitude des autres syndicats ») . Gérard Aschiéri tente sans succès une synthèse : la FSU ne peut appeler à une grève en décembre, mais quoiqu’il arrive on doit construire une action « unitaire » (= de toute la FSU) en janvier : le CDFN du 1er décembre élaborera ce plan d’action…
Le débat reprend, il y a de plus en plus d’agressivité :
- certains (SNUipp) insistent pour que ce soit le CDFN qui annonce une position sur l’action : comme on sera à quelques jours de la grève du SNES de début décembre, c’est une manière de passer par profits et pertes cette grève du SNES en n’en parlant pas, et donc en indiquant implicitement qu’elle ne s’intègre pas dans ce fameux « plan d’action »… il faudrait donc annoncer au CDFN un « plan d’action » sans parler précisément de grève (ce qui revient à désavouer le SNES pour rallier implicitement la position du SNuipp) ! Le SNUipp fait ensuite machine arrière en acceptant de dire qu’il faudra bien annoncer une grève…
- d’autres (SNES, SNESup, SNEP) ont le point de vue inverse : il faut dès maintenant annoncer un plan d’action faisant référence à la grève de manière générale, sans avancer de date si préciser s’il y aura une ou plusieurs grèves. Dans son expression, la FSU doit soutenir tous ceux qui sont dans l’action, qu’ils décident une grève en décembre ou en janvier.
La tension va crescendo, finalement le SNES quitte le BDFN avant la fin : certains membres du BDFN proposent que le SNES diffère l’annonce de sa grève au lendemain du passage de Fillon à la télé (soit le 19 novembre). Claudie Maertens et Bernard Boisseau demandent si cela pourrait faire bouger la position des autres syndicats (comprenez le SNUipp), et le secrétaire général du SNUipp indique en substance que non (au passage, prise de bec entre les UA et les EE-SNUipp, ces derniers considérant que le mandat du SNUipp d’une grève en janvier – et pas avant - pourrait être assoupli). Les représentants du SNES s’en vont alors. Aschiéri se demande de manière un peu désabusée comment ne pas donner à l’extérieur une impression d’impuissance de la FSU en sortant de cette réunion (question judicieuse !) : il va donc faire un texte sur le sujet, qu’il fera circuler avant d’envoyer aux sections départementales. La secrétaire générale du SNASUB intervient avec justesse : il est décevant qu’au niveau fédéral on ne puisse rien faire, avec une grève en janvier ce sera plus dur de réagir sur des questions comme la décentralisation ou les salaires; la FSU est incapable d’une grève unitaire, en tout cas en décembre, et pense pouvoir être crédible en allant voir les autres syndicats alors qu’en interne on n’est pas capables de se mettre d’accord entre nous ? « On est désemparés, et on n’a pas le poids des gros syndicats de la fédération pour pouvoir faire prendre en compte notre point de vue ».