Je ne connaissais pas cette méthode de stérilisation utilisée dans l'agro-alimentaire.
(LeMonde.fr a écrit :Des associations se mobilisent contre l'irradiation des aliments en France
LE MONDE | 04.03.05 | 14h44 • MIS A JOUR LE 04.03.05 | 15h01
Un collectif organise, samedi 5 mars, des manifestations devant sept usines qui pratiquent l'ionisation de certains produits alimentaires. La question de l'innocuité de cette technique de stérilisation suscite une polémique dans le milieu scientifique.
Quel est le point commun entre des cuisses de grenouille, de la gomme arabique, des herbes aromatiques et des abats de volaille ? Ils ont sans doute été soumis, avant de se retrouver dans l'assiette du consommateur, à un traitement peu connu, appelé "irradiation" ou "ionisation" et destiné à les débarrasser de germes nocifs pour la santé. Mais cette technique de stérilisation suscite depuis des années une polémique dans le milieu scientifique, relancée depuis plusieurs mois en Europe.
Samedi 5 mars, sept manifestations sont prévues - notamment devant les usines de Marseille (Bouches-du-Rhône), de Pouzauges (Vendée) ou encore d'Orsay (Essonne) -, à l'appel de nombreuses associations (Les Amis de la Terre, Attac, Confédération paysanne, Nature et progrès, Public Citizen, Sortir du nucléaire, etc.) réunies dans un Collectif français contre l'irradiation des aliments. "Il s'agit d'abord d'informer les consommateurs, indique Morgan Ody, de Public Citizen. On irradie une partie de leurs aliments sans que personne ne le sache."
À PETITE ÉCHELLE
De surcroît, l'ionisation se pratique parfois frauduleusement. Selon le rapport de la Commission européenne sur "le traitement des denrées alimentaires par ionisation pour l'année 2002", quatre Etats membres ayant effectué des contrôles sur des compléments alimentaires ont découvert que 29,4 % des produits avaient été irradiés, alors même que le traitement n'en est pas autorisé.
En fait, connue depuis les années 1950, la technique de l'irradiation est pratiquée à assez petite échelle. Elle consiste à soumettre des produits à des rayonnements ionisants afin d'inactiver ou de tuer les micro-organismes qu'ils peuvent contenir, par exemple salmonelles ou Listeria, qui sont très toxiques. Elle évite les inconvénients d'autres techniques de stérilisation : la pasteurisation chauffe le produit, ce qui peut en modifier les caractéristiques gustatives ou olfactives, le bromure de méthylène attaque la couche d'ozone stratosphérique.
Cependant, ses opposants critiquent le fait que l'irradiation diminue le taux des vitamines des aliments et ne détruit pas les virus qui s'y trouvent éventuellement présents. "C'est exact, répond Peter Neyssen, directeur d'Isotron France, un des deux industriels français de l'ionisation. Mais cela est aussi vrai des autres techniques de stérilisation." Les industriels soulignent qu'aucune instance officielle n'a jugé l'ionisation dangereuse. Un comité d'experts mixte entre l'Organisation mondiale de la santé (OMS), l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) des Nations unies a notamment publié un avis en 1980, confirmé en 1997, indiquant que le procédé est "sans danger pour le consommateur et adéquat d'un point de vue nutritionnel".
Cet avis est cependant contesté à cause de la participation de l'AIEA au comité : "Depuis 1959, écrit le collectif, la responsabilité première de la recherche sur les applications pratiques de l'énergie atomique à des fins pacifiques a été confiée à l'AIEA", qui manquerait d'objectivité puisque cette agence a pour mission de promouvoir l'énergie nucléaire.
LE DÉBAT RELANCÉ
Le débat sur l'innocuité de l'irradiation des aliments a été relancé par une étude scientifique publiée en 2002 par plusieurs laboratoires français et allemands relevant d'instituts tels que le CNRS ou l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). L'étude a porté sur des molécules appelées 2-alkylcyclobutanone (2-acb), et produites par l'ionisation des aliments contenant des matières grasses. Les chercheurs ont montré que la 2-acb était toxique pour les bactéries et pour les cellules humaines et stimulait les tumeurs cancéreuses de rats. "Il s'agit d'études en laboratoire qu'on ne peut extrapoler à l'homme, dit Dominique Burnouf, un des chercheurs, qui appartient à l'Institut de biologie moléculaire et cellulaire (CNRS) de Strasbourg. Il faudrait poursuivre d'autres études. Mais les financements nécessaires manquent." De fait, rien n'est venu infirmer ou confirmer depuis 2002 l'interrogation posée sur les 2-acb.
Le débat se poursuit alors que la réglementation européenne est déjà très restrictive. En 1999, la Commission a adopté deux directives limitant le nombre de produits alimentaires pouvant être irradiés, et imposant que le traitement d'un produit soit signalé au consommateur. "L'étiquetage imposé a dissuadé les industriels, qui craignaient les réactions des consommateurs", dit Peter Neyssen. "La majorité de notre activité, indique Gilles Daneyrolle, directeur des ventes de Ionisos, à Dagnieux (Rhône), concerne la stérilisation des matériels médicaux"- une application de la technique qui n'est pas contestée. L'ionisation des aliments ne représente que 1 % du chiffre d'affaires de Ionisos, 1 % également de celui d'Isotron France. Selon la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, alors qu'on irradiait en France 17 000 tonnes d'aliments en 1994, en 2002, on ne le faisait plus que sur 5 000 tonnes.
Mais la technique est très utilisée aux Etats-Unis et semble se développer dans les grands pays du Sud. Or le Codex alimentarius, une instance de référence de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), a rendu en juillet 2003 un avis favorable à l'ionisation, l'Europe pourrait donc être attaquée devant l'OMC en raison de sa législation restrictive.
Des incertitudes qui préoccupent les associations.
Hervé Kempf
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Une technique utilisée pour les aromates, les abats, les fruits secs...
Irradiation ou ionisation.
Les deux termes désignent la même technique de stérilisation. Les promoteurs de la technique préfèrent dire "ionisation" et les critiques "irradiation". La technique peut s'appliquer aux aliments, mais aussi aux matériels médicaux et aux emballages.
Deux méthodes sont utilisées.
Le rayonnement gamma et les électrons accélérés. Le rayonnement gamma est constitué de photons ("grains d'énergie") pouvant traverser la matière. Ils sont produits par un élément radioactif, tel que le cobalt 60. Les électrons, ou rayonnement bêta, sont produits par des machines électriques. Ils sont moins pénétrants que les rayons gamma.
Radioactifs ou pas.
Les aliments sont soumis à un rayonnement de source radioactive, leur structure chimique est légèrement modifiée, mais ils ne sont pas rendus radioactifs.
Les produits concernés.
En France, l'ionisation est autorisée pour les herbes aromatiques, les oignons, ail et échalotes, la gomme arabique, les viandes de volaille, les légumes et fruits secs, les abats de volaille, les cuisses de grenouille, les crevettes. L'indication "traité par ionisation" doit être portée.
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 05.03.05