(Libération.fr a écrit :
Epidémie. Les autorités mettent tout en oeuvre pour éviter la propagation.
Ces pèlerinages qui inquiètent le Sénégal en proie au choléra
Par Marie-Laure JOSSELIN
mardi 12 avril 2005 (Liberation - 06:00)
Dakar correspondance
La situation devait être maîtrisée, elle a explosé. Le choléra infeste aujourd'hui presque tout le Sénégal : pas moins de 74 morts et environ 5 500 cas ont été recensés du 28 mars au 8 avril. Et, même si la maladie régresse, les inquiétudes croissent. En cause, la perspective, dans tout le pays, de manifestations religieuses pour célébrer le Maouloud (Gamou, en wolof) qui marque la naissance du prophète Mahomet. Prévu le 20 avril, ce pèlerinage va drainer des milliers de personnes surtout à Tivaouane (région de Thiès, à l'ouest du pays), principal fief de la confrérie musulmane des tidjanes.
Eaux douteuses.
Déjà, le mois dernier, avant le Magal de Touba, qui commémore le départ en exil au Gabon en 1895 du cheikh Amadou Bamba, fondateur du mouridisme une des grandes confréries religieuses du Sénégal , le président sénégalais Abdoulaye Wade avait mis en alerte ses ministères : le choléra est à Touba et il faut l'enrayer avant la venue de plusieurs centaines de milliers de fidèles. Las ! A deux jours du pèlerinage, la maladie des mains sales ravageait la localité avec des pics de trente cas par jour, et les vendeurs d'eaux douteuses continuaient d'arpenter les rues de la ville sainte. Certaines voix réclamaient alors le report du Magal tandis que le calife général des mourides, Serigne Saliou Mbacké, recommandait publiquement à ses disciples de se conformer aux recommandations des services médicaux, s'affichant les mains savonnées près d'une bassine. En Gambie, petit pays enclavé en territoire sénégalais, les autorités ont même préconisé aux pèlerins de ne pas se rendre à Touba. Mais, le 29 mars, la ville sainte faisait le plein de fidèles.
Entre lundi et vendredi dernier, 2 110 nouveaux cas dont 20 décès ont été enregistrés dans le pays. Et, pour la Gambie limitrophe, les craintes s'avèrent fondées. Des responsables d'hôpitaux gambiens font état de quelque 30 cas de choléra et de deux décès signalés depuis que des centaines de ressortissants gambiens sont revenus de Touba. Selon le directeur de la santé publique sénégalaise, Babacar Dramé, le choléra s'est effectivement propagé rapidement en raison de mouvements de personnes et de conditions d'hygiène insuffisantes.
Même si les spots télévisés et radiophoniques, en wolof essentiellement, ne cessent d'être diffusés pour que les gens prennent des mesures de précaution telles que loxou set(mains propres en wolof, la langue locale) ou encore leka gou sela(alimentation saine), le Premier ministre, Macky Sall, a lancé mercredi un comité de gestion de l'épidémie de choléra, sorte de «cellule de crise» afin de renforcer la lutte. «Il est important que les Sénégalais comprennent que le choléra est encore chez nous !» Une phrase clé lancée par le numéro 1 du gouvernement, pour éradiquer une épidémie que l'on n'évoquait plus début mars alors qu'en octobre-décembre 2004 onze personnes étaient mortes et 1 371 cas signalés. Et pour montrer que la maladie n'est pas prise à la légère, surtout à l'approche de nouvelles fêtes religieuses.
Annulation.
Malgré tout, l'implication des chefs religieux dans la lutte contre le choléra est primordiale et certains vont jusqu'à demander purement et simplement l'annulation des grands rassemblements, si la situation s'aggravait dans les dix prochains jours. Pour l'heure, les autorités ont décidé d'interdire la vente d'eau sur la voie publique, et préconisent l'amélioration des conditions d'hygiène dans les gargotes et restaurants de rue.