Des footballeurs font congeler des cellules souches de leurs nouveau-nés, espérant qu'elles puissent servir de kit de réparation. Pur fantasme.
Cinq joueurs professionnels du Championnat d'Angleterre auraient fait congeler du sang de cordon ombilical de leurs enfants nouveau-nés, dans une banque privée spécialisée de Liverpool. Il leur en coûte environ 1 500 €, et quelques centaines de plus, chaque année, pour la conservation. Avec l'espoir avoué, pour certains d'entre eux, d'utiliser ce sang riche en cellules souches comme « kit de réparation » en cas de blessures, a annoncé, dimanche, le journal britannique Sunday Times. Thierry Henry ferait partie de ces joueurs, mais, à la différence de ses camarades, il n'aurait fait stocker ces cellules qu'en cas de besoin pour son enfant.
La pratique n'est pas nouvelle. Depuis quinze ans, les structures privées de conservation de sang de cordon ombilical ont proliféré aux États-Unis et au Royaume-Uni. Un succès lié à la puissance des fantasmes liés aux cellules souches et à la politique commerciale discutable de ces établissements. « C'est une expérimentation, s'avance Paul Griffiths, directeur de CryoGenesis International (Liverpool). Les cellules souches sont injectées directement dans le genou, et, parce qu'elles ont le même code génétique, elles aident à la reconstruction. »
Très douteux. Si les cellules extraites de sang ombilical peuvent remplacer une greffe de moelle osseuse dans le traitement de certaines leucémies et maladies sanguines (surtout pour les enfants), les techniques qui permettraient de contrôler leur transformation en cartilage ou en cellules musculaires sont loin d'être maîtrisées et banalisées.
Publicité mensongère
« La manipulation des cellules souches embryonnaires comporte des risques, notamment de cancer et de leucémie », note le Pr Eliane Gluckman (Hôpital Saint-Louis, Paris), la pionnière des greffes de cellules de cordon. On notera également que les cellules du bébé n'ont pas le même code génétique que celles du papa....
« Ce qui me choque, c'est la publicité mensongère, renchérit le généticien Axel Kahn. Il y a un mercantilisme de l'espoir. Alors qu'on manque de dons de cordon, anonymes et gratuits en France et en Europe. » Ceux-ci sont gérés par des organismes publics liés à des hôpitaux et rigoureusement contrôlés.
Dans un avis rendu en 2004, mais toujours d'actualité, le groupe européen d'éthique des sciences auprès de la Commission européenne émettait les plus grandes réserves sur l'intérêt de ces structures privées. Le seul bénéfice éventuel concernerait des enfants dont le type sanguin HLA est rare. Mais s'ils étaient atteints par une maladie génétique du sang, leurs cellules ne leur seraient d'aucune utilité.
Pour l'heure, aucune banque privée de ce type n'existe en France. Un médecin des Pyrénées tente, depuis deux ans, d'en monter une à Oloron-Sainte-Marie, mais il a apparemment le plus grand mal à trouver des investisseurs.
Ouest-France du mercredi 30 août 2006