dans le journal du CNRS:
a écrit :
[center]Un nouvel indice de l'alcoolisme[/center]
Un nouvel indicateur de l'alcoolisme découvert dans le cerveau de certains patients : c'est ce que l'équipe d'Angèle Viola, chargée de recherche au Centre de résonance magnétique biologique et médicale (CRMBM)1 de Marseille, dirigé par Patrick Cozzone, vient de révéler. Le marqueur en question ? Le scyllo-inositol, une molécule qui s'avère être présente dans le cerveau de personnes alcooliques et absente de celui des autres. C'est grâce à la spectrométrie de résonance magnétique (SRM) que les chercheurs ont découvert ce sucre complexe. « Cette technique est une des nombreuses applications médicales de la résonance magnétique nucléaire, explique Patrick Cozzone. La plus connue et la plus utilisée restant l'imagerie par résonance magnétique, qui fournit des images anatomiques du corps humain d'une très grande qualité. La SRM, elle, révèle les réactions chimiques qui se produisent dans les tissus et permet d'obtenir un profil métabolique de la zone étudiée. » Au CRMBM, les chercheurs examinent grâce à cette technique non invasive toutes sortes de neuropathologies, et notamment les encéphalopathies dues à un alcoolisme chronique sévère.
« C'est ainsi que nous avons repéré un signal surnuméraire dans le profil métabolique du cerveau de personnes souffrant d'encéphalopathie alcoolique et en période de consommation active d'alcool. » Un signal surnuméraire ? Soit la présence d'une molécule supplémentaire inconnue jusqu'alors. « L'équipe d'Angèle Viola a mis dix-huit mois à la caractériser et à l'identifier : il s'agit du scyllo-inositol », poursuit Patrick Cozzone. Mais à quoi correspond cette molécule ? Comment arrive-t-elle dans le cerveau des alcooliques ? En temps normal, le glucose, le carburant du cerveau, est utilisé par une voie métabolique productrice d'énergie appelée glycolyse. Mais chez les alcooliques, la glycolyse est perturbée. Le glucose est alors métabolisé par une autre voie et transformé d'abord en myo-inositol, puis en son isomère, le scyllo-inositol, qui se retrouve donc de façon inopinée dans le cerveau des alcooliques chroniques.
Dans leurs prochains travaux, les chercheurs tenteront de savoir si le scyllo-inositol est un simple marqueur ou s'il peut s'avérer toxique en lui-même. Un signe peu encourageant : « Nous avons déjà remarqué que sa répartition n'est pas égale dans le cerveau et qu'il est plus concentré dans certaines régions comme la région occipitale ou le corps calleux. L'endroit même où se trouvent les sièges d'altérations dans les cas d'alcoolisme chronique », avance Patrick Cozzone. « Mais nous avons constaté aussi qu'après sevrage, le scyllo-inositol pouvait diminuer, il y a donc réversibilité du phénomène », conclut le chercheur sur une dernière note plus optimiste.
Julie Coquart
1. Centre CNRS / Université Aix-Marseille-II.