mais cette révolution, paradoxalement certains athées comme le biologiste Testard voire certains révolutionnaires comme la LCR qui avait refusé de voter au Parlement Européen pour l'autorisation de ces recherches, sont moins prets à l'accomplir et semblent davantage prets à respecter les interdits de l'église catholique sur l'embryon que certains médecins catholiques...
c'est au pied du mur qu'on voit le maçon...
dans le Monde:
a écrit :
[center]Claude Sureau, professeur de gynécologie-obstétrique[/center]
[center]La révolution copernicienne de cellules souches humaines[/center]
LE MONDE | 21.10.06 |
Le développement des recherches sur les cellules souches humaines conduira-t-il, selon vous, à de profonds bouleversements dans la pratique de la médecine ?
Sans aucun doute. Nous vivons depuis une dizaine d'années une époque charnière dans l'histoire de la biologie et de la médecine. Certains évoquent ici, à juste titre selon moi, une révolution copernicienne qui nous amènera inévitablement à remettre en question beaucoup de nos certitudes actuelles sur le sens de la vie et de la personne et, par voie de conséquence, de ce qui précède la personne : l'être prénatal. Si l'on change de focale, cette révolution est en marche depuis 1821, date à laquelle Alexandre Le Jumeau, vicomte de Kergaradec, découvre l'existence du battement cardiaque foetal. On a ainsi commencé à prendre réellement conscience qu'il s'agissait d'un être vivant dans l'utérus de la mère.
Vinrent l'embryologie, l'échographie obstétricale, la procréation médicalement assistée. Et, finalement, la prise de conscience inévitable que l'être prénatal a une réalité qui n'est pas réductible à la réalité de l'être né. D'où cette ambiguïté qui nous fait vouloir protéger, soigner, cet être né et, dans le même temps - avec les cellules souches embryonnaires - devoir accepter l'éventualité de le détruire.
Le Vatican a récemment condamné les recherches sur les cellules souches dès lors qu'elles impliquaient la destruction d'embryons humains. Comment comprendre l'opposition de l'Eglise catholique à ce qui pourrait déboucher sur des avancées thérapeutiques majeures ?
La position officielle de l'Eglise catholique est dans ce domaine on ne peut plus ferme. Sous réserve de possibles évolutions ultérieures, la condamnation dépasse la seule question des recherches sur les cellules souches embryonnaires puisqu'elle englobe la totalité des pratiques de manipulation des gamètes, de fécondation in vitro et de congélation embryonnaire. Et ce, même quand il s'agit de faire naître des enfants dans des couples stables, composés d'un homme et d'une femme en âge de procréer. Cette position repose aujourd'hui pour l'essentiel sur l'instruction Donum vitae (le don de la vie), du cardinal Josef Ratzinger, contre laquelle je m'étais, avec plusieurs scientifiques catholiques, élevé lors de sa publication en 1988.
En d'autres termes, le Vatican est radicalement opposé à toute fécondation hors du corps de la femme. L'une des raisons, absurde selon moi, est que pour recueillir du sperme la masturbation de l'homme est indispensable. Une autre est l'instrumentalisation de l'embryon humain lié à la fécondation in vitro et à la conservation par congélation. Je considère qu'il existe des raisons valables de l'instrumentaliser, mais je comprends les réticences de l'Eglise catholique face à cela et aux conséquences qui pourraient découler de cette nouvelle forme de pouvoir de l'homme sur l'homme.
La religion protestante, bien évidemment, ainsi que les religions juive et musulmane sont beaucoup plus nuancées sur l'utilisation - je dis bien l'utilisation - qui peut être faite des embryons humains. La religion juive invoque ici une période de quarante jours avant que n'apparaisse l'âme. La religion musulmane retient aussi cette période de quarante jours, qui peut aussi être de 120 ou de 15 jours. Il n'est pas inintéressant d'observer que les recherches sur les cellules souches embryonnaires nous conduisent à revenir sur le concept de l'âme ainsi que sur le débat de l'animation médiate et immédiate.
Le développement et les acquis de l'embryologie humaine au cours du XXe siècle n'ont donc en rien entamé la doctrine catholique ?
Nullement, pas plus que l'évolution des techniques et des pratiques. On pourrait pourtant raisonnablement penser que ces évolutions, et tout particulièrement le développement de l'échographie obstétricale et de l'assistance médicale à la procréation, devraient conduire à revoir les concepts sur lesquels repose la doctrine catholique.
Dans un entretien récemment accordé au Monde, Mgr Elio Sgreccia, président de l'Académie pontificale pour la vie, affirme que l'opposition du Vatican est "frontale et définitive". Est-ce à dire que les ponts sont à jamais coupés entre le Vatican et une large fraction de la communauté scientifique internationale ?
Qui peut dire l'avenir ? Je suis absolument convaincu qu'au sein de l'Eglise catholique de nombreuses personnes ne partagent pas cette analyse, qui ne correspond pas à des articles de foi, à l'infaillibilité pontificale. Il nous faut bien, ici, faire la part entre la doctrine, très importante, et la morale journalière. Il faut en outre souligner, pour ce qui est de la France, le rapport parlementaire, remarquable autant que courageux, récemment remis au premier ministre par le professeur et député UMP (Val-de-Marne) Pierre-Louis Fagniez, qui témoigne d'une évolution considérable des esprits au sein de l'actuelle majorité. Attendons désormais les réponses à ces questions des candidats à l'élection présidentielle et le réexamen, en 2009, de la loi de bioéthique. Je trouve que l'architecture législative française de bioéthique est beaucoup trop imprégnée des présupposés de la doctrine catholique et de la conception jacobine de l'Etat. La grande question, ici, est de savoir - pour reprendre une remarquable formule du Père Riquet - s'il appartient aux chrétiens d'imposer ou non, par le moyen de la loi, leurs convictions à ceux qui ne les partagent pas.
Les cellules souches embryonnaires peuvent être obtenues de différentes manières...
On peut, comme le permet la loi française de bioéthique de 2004, obtenir des lignées de cellules souches embryonnaires humaines à partir de la destruction d'embryons âgés de cinq jours obtenus par fécondation in vitro, conservés par congélation et ne faisant plus l'objet d'un projet parental. Mais on peut aussi imaginer obtenir ces mêmes lignées à partir de la technique du clonage par transfert du noyau d'une cellule prélevée sur une personne au sein d'un ovocyte préalablement énucléé. Sans méconnaître la nécessité de travailler sur les premières, j'ai plus de sympathie pour les secondes.
En tant que catholique, je considère que l'objet cellulaire résultant du transfert nucléaire n'est pas l'équivalent d'un embryon issu de la fécondation d'un ovocyte par un spermatozoïde. Imaginons un instant que les hasards de la technique aient fait que l'on ait pratiqué le transfert nucléaire et obtenu des lignées de cellules souches humaines avant la création de la brebis Dolly. Que se serait-il passé ? Tout le monde aurait applaudi et personne n'aurait parlé ici d'embryon.
La législation britannique autorise la création, très encadrée, d'embryons humains à des fins de recherches scientifiques. Y êtes-vous favorable ?
Oui. En cela je me désolidarise totalement de l'opinion aujourd'hui dominante dans les Académies de médecine et des sciences. Il faut savoir que la France, comme une très large majorité de pays européens, prohibe formellement de telles pratiques. C'est également le cas du Conseil de l'Europe dans le cadre de la convention d'Oviedo de 1997, texte que la France n'a curieusement toujours pas ratifié.
Nous sommes ici dans une gigantesque erreur d'interprétation. La formule "créer des embryons humains pour la recherche" conduit immanquablement à évoquer l'embryologiste fou qui va se livrer à d'invraisemblables travaux de tératologie expérimentale, créer des chimères homme-animal ou je ne sais quoi encore. Or il n'est nullement question de tout cela.
Quelle recherche justifierait à vos yeux la création d'embryons humains ?
L'un des problèmes parmi les plus préoccupants d'aujourd'hui est celui posé par la congélation, durant 5, 10, 15 ou 20 ans, d'embryons humains conçus par fécondation in vitro et destinés à être implantés dans un utérus féminin. Je considère ces embryons comme étant des êtres humains, et le fait d'avoir des êtres humains congelés me met mal à l'aise. Je ne suis pas le seul, comme en témoignent les réticences de ceux qui, dans certains cas, sont amenés à détruire ces embryons. L'une des solutions serait de congeler les ovocytes. Cette congélation n'est pas aujourd'hui une technique maîtrisée. Pour vérifier que cette cellule sexuelle féminine a gardé son caractère fonctionnel après décongélation, il n'y a pas d'autre solution que de chercher à la féconder. Si vous réussissez, qu'avez-vous créé, sinon un embryon pour la recherche qui ne sera jamais implanté mais uniquement étudié ?
Les Etats européens non britanniques, à l'exception de la Belgique et de la Suède, n'ont pas compris ou pas voulu comprendre de quoi il retournait ni l'ampleur des enjeux scientifiques et médicaux. Toutes les recherches, capitales, sur les cellules sexuelles et sur les malformations congénitales sont, de fait, interdites. On bloque ainsi la création d'une médecine et d'une recherche sur l'embryon, et ce, alors même que, du fait des progrès du diagnostic et de la crainte de poursuites judiciaires, le nombre des interruptions médicales de grossesse ne pourra aller qu'en augmentant.
Il y a en outre beaucoup d'hypocrisie, pour le législateur, à accepter la destruction à des fins scientifiques d'embryons déjà constitués devenus "orphelins", tout en interdisant la constitution d'embryons aux mêmes fins. Autoriser aujourd'hui la "création-destruction" d'embryons humains, c'est nous donner les moyens de prévenir, demain, la mort de foetus ou de nouveau-nés.
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Claude Sureau Professeur de gynécologie-obstétrique, membre du Comité national d'éthique, ex-président de l'Académie nationale de médecine
Propos recueillis par Michel Alberganti et Jean-Yves Nau Illustration François Supiot