Le dernier (?) bouqun de Gould

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par lavana » 03 Jan 2007, 17:53

Je ne sais pas si Canardos va se dévouer pour lire le bouquin. Moi je n'ai pas les compétences et le prix est rebutant.

Je mets seulement la conclusion de l'article du Monde qui m'a fait penser à Canardos (et à ses critiques envers Gould)

L'article du Monde

La Structure de la théorie de l’évolution vient couronner son oeuvre, elle porte l’écho de toutes les querelles et de tous les combats auxquels son auteur a pris part. De là sans doute qu’il irrite autant qu’il fascine aussi nombre de ses lecteurs. Il se montre, à l’occasion, partial ; il pratique outre mesure l’autocélébration. Mais c’est aussi pourquoi, malgré sa masse, ce livre est si intensément vivant.

Dominique Lecourt, in Le Monde, 15 septembre 2006.
lavana
 
Message(s) : 9
Inscription : 30 Juin 2003, 14:05

Message par canardos » 03 Jan 2007, 18:31

effectivement j'avais l'intention de l'acheter, mais j'ai retardé moi aussi vu le prix...

et maintenant que les étrennes sont passées....

en plus apres il faudra que je le lise.....
canardos
 
Message(s) : 18
Inscription : 23 Déc 2005, 16:16

Message par lavana » 03 Jan 2007, 21:18

En attendant d'ouvrir une souscription pour acheter le bouquin de Gould, un article de La Recherche dans lequel en conclusion l'auteur s'interroge sur Gould comme beaucoup de monde.

Je mets la conclusion en italique et en préambule pour ceux qui auraient la flemme de tout lire.


Comment, en fin de compte, juger les apports de Gould à la connaissance de l'évolution et à l'histoire de la vie, tels qu'ils sont présentés dans La structure de la théorie de l'évolution ? Je n'ai pas pu m'empêcher de penser que ces éléments très divers ne parvenaient pas à s'intégrer dans une théorie cohérente ; mais, justement, Gould nous lègue un paradoxe qui explique peut-être pourquoi il en a été ainsi. Il nous explique en effet que l'un de ses principaux thèmes de recherche a porté sur l'importance des caractéristiques non-adaptatives de l'évolution, comme les écoinçons et sur l'effet exercé sur le cours de l'évolution par des accidents comme les extinctions de masse dues à des impacts d'astéroïdes. Du fait de leur nature même, ces phénomènes ne peuvent s'intégrer dans une théorie de l'évolution, mais ils demeurent néanmoins essentiels dans la vision de Gould. S'il a raison, l'évolution serait alors un champ scientifique où ne pourrait s'appliquer une grande théorie globalisante. Ce serait déconcertant, mais c'est très plausible.

L'article :

a écrit :Une critique du dernier ouvrage de Stephen Jay Gould


Un nouveau darwinisme - Tim Flannery

Cet article est paru le 23 mai 2002 dans The New York Revue of Books. Il a été traduit et adapté par la rédaction de La Recherche.

" The Structures of Evolutionary Theory ", publié aux Etats-Unis au printemps dernier, est bel et bien le livre-testament de Stephen Jay Gould, décédé à New York le 20 mai 2002. Le célèbre paléontologue a consacré sa vie à bâtir, à partir du darwinisme, une nouvelle synthèse sur la façon dont l'évolution donne forme au monde vivant. Dans son dernier ouvrage, il fait notamment le point sur ses divergences théoriques d'avec son grand rival, Richard Dawkins. Les deux hommes sont mis en scène par Tim Flannery, à partir d'un exemple tiré du livre : dans la mare évolutionniste, Stephen Jay Gould, " poisson médiocre ", serait bien plus adapté à la survie en eaux troubles que Richard Dawkins, " poisson optimal "...

La théorie de l'évolution élaborée par Charles Darwin a notamment ceci d'étonnant qu'elle a été formulée sans s'appuyer sur deux types d'arguments qui auraient pourtant été bien utiles : les données fossiles, encore bien maigres à l'époque, et la connaissance des mécanismes de l'hérédité. La solidité de cette théorie, désormais connue sous le nom de darwinisme et fondée presque uniquement sur des principes premiers, a suscité l'admiration de générations de biologistes. Mais, au fur et à mesure des découvertes en paléontologie et en génétique, elle les a aussi conduit à se demander si ces nouveaux éléments ne justifieraient pas une révision de la théorie.

La structure de la théorie de l'évolution est la dernière de ces tentatives, sans doute la plus accomplie. C'est en fait la somme de l'œuvre de Stephen Jay Gould, qui a consacré sa vie à bâtir à partir du darwinisme une nouvelle synthèse sur la manière dont l'évolution a donné forme au monde vivant. Paléontologue de formation, Gould explique sa motivation en ces termes : " C'est ma tentative la plus achevée au service (...) de la théorie générale. Je suis un enfant des rues de New York ; et si je me suis régalé à regarder les millions de détails et moulures qui décorent les écoinçons des gratte-ciel de Manhattan (…) Je crois que j'ai toujours été plus fasciné par la puissance de la coordination que par le plaisir d'un moment bizarre ; sinon, je n'aurais pas consacré 20 ans de ma vie et le plus long de mes projets à la théorie de la macro évolution au lieu de me laisser absorber par les merveilles de la paléontologie ".
Pour aider le lecteur à comprendre la théorie complexe qu'il développe dans son ouvrage, Gould utilise deux métaphores : le Dôme de Milan et un rameau de corail fossile. Pour Gould, le Dôme est une image de la théorie de l'évolution de Darwin car sa construction a fait appel à des moyens qui ajoutent notablement à sa structure mais laissent parfaitement identifiables la forme et l'intention originales. Même chose pour le corail fossile découvert près de Messine et dont l'illustration est publiée dans La vana speculazione disingannata dal senso, ouvrage publié en 1670 par Agostino Scilla. Il revêt pour Gould une signification particulière parce que ses branches symbolisent l'articulation de sa propre théorie. Ainsi, le tronc et chacune des branches du corail représentent les divers niveaux hiérarchiques du darwinisme. Le tronc est la théorie darwinienne proprement dite, celle de l'évolution par la sélection naturelle. Les trois premières ramifications représentent les trois principes fondamentaux de la logique darwinienne, que Gould appelle respectivement " l'action (la branche centrale), l'efficacité (la branche gauche), et la portée (la branche droite). " Les trois principes ainsi mis en valeur sont ceux mêmes de la thèse de Darwin, pour qui l'évolution produit des espèces nouvelles par le jeu de la sélection naturelle (efficacité) qui agit sur des individus (action), aboutissant à de petites modifications qui s'accumulent dans le temps (portée).
Pour en revenir à " The Structures of Evolutionnary Theory ", l'ouvrage n'apparaîtra pas fondamentalement nouveau aux yeux de nombreux lecteurs : la plupart des arguments présentés par Gould à l'appui de sa synthèse sur l'évolution ont déjà été publiés dans divers articles et discutés au cours de divers échanges depuis un quart de siècle. Mais c'est la première fois qu'ils sont réunis. Le livre commence par une partie historique, réflexion commentée sur le développement des idées relatives à l'évolution depuis trois cents ans. Gould présente une revue remarquablement complète de la littérature : de grands savants comme Richard Owen, Georges Cuvier et Étienne Geoffroy Saint-Hilaire y côtoient de nombreux autres auteurs de moindre renommée mais certes non dénués d'intérêt et de valeur. Le propos de l'auteur est centré sur une exégèse du travail de Darwin, où ce dernier est présenté avec beaucoup d'insistance comme un gradualiste : il concevait l'évolution comme le résultat d'innombrables petites modifications accumulées sur de longues périodes de temps. À ce commentaire, fait suite une discussion des idées du " brillant et excentrique cousin " de Darwin, Francis Galton, qui s'était opposé à ce gradualisme en imaginant que les espèces apparaissaient de manière pratiquement instantanée. Galton illustrait cette idée par la métaphore du polyèdre : c'est une forme en équilibre stable lorsqu'il est posé sur l'une quelconque de ses facettes mais qui, s'il est perturbé, passe rapidement d'une position d'équilibre (d'une facette) à une autre. Aux yeux de Galton, les espèces étaient stables, sans modification ni évolution jusqu'à ce qu'il se passe quelque chose : alors, elles se transformaient rapidement en une nouvelle espèce (stable à son tour). Gould trouve dans Galton un prédécesseur intellectuel car sa théorie des équilibres ponctués est plus proche du polyèdre de Galton que du gradualisme de Darwin.

L'un des aspects les plus surprenants de la pensée évolutionniste, auquel Gould attribue beaucoup d'importance, repose sur le fait que l'idée darwinienne de sélection naturelle doit beaucoup aux arguments économiques développés par Adam Smith dans La richesse des nations. L'économie idéale, d'après Smith, bien que structurée et équilibrée, apparaîtrait " naturellement " comme une conséquence directe de l'interaction des individus qui ne cherchent à agir qu'au mieux de leurs intérêts particuliers. De là, la célèbre métaphore de la " main invisible ". On sait qu'à la fin des années 1830 Darwin a consacré beaucoup de temps à l'étude de Smith. Gould va jusqu'à dire que " fondamentalement, la théorie de la sélection naturelle est une transposition à la nature de la théorie économique d'Adam Smith ". Et il ajoute que " si la théorie d'Adam Smith ne fonctionne pas en économie ", elle s'applique admirablement à " la nature amorale ".

Dans la deuxième partie de l'ouvrage, l'auteur revient sur les trois principes de la logique darwinienne tels qu'ils se présentent dans le débat contemporain sur l'évolution. Ici, ce sont Gould et ses collaborateurs qui tiennent le devant de la scène en tant que reformulateurs de deux de ces trois principes. Avec leur théorie des équilibres ponctués, Niles Eldredge et Stephen Jay Gould apportent une nouvelle vision du principe d'action. À leurs yeux, il constitue en effet un socle théorique pour l'idée selon laquelle la sélection agirait sur les espèces et non pas seulement sur les individus. Quant au principe d'efficacité, les développements de Gould et d'E.S.Vrba sur la " contrainte interne " demandent également qu'il soit révisé parce que les deux auteurs en sont venus à remettre en cause l'omnipotence de la sélection naturelle sur la formation des espèces. Enfin, pour ce qui est du troisième principe, celui de portée, Gould considère " n'y avoir rien apporté de bien nouveau " même s'il estime avoir contribué à la remise en cause du gradualisme darwinien par sa contribution à la compréhension des extinctions de masse et des événements catastrophiques. Tout du moins, " J'ai expliqué [ces phénomènes] de manière plus approfondie qu'auparavant ".

La discussion autour du concept d' " équilibres ponctués " et de ses développements théoriques autour de la sélection d'espèce constitue le gros morceau de cette seconde partie. C'est en 1971 que Gould et Niles Eldredge ont forgé le terme d'équilibre ponctué qu'ils ont utilisé dès l'année suivante dans une de leurs publications. Leur objectif était notamment d'expliquer un phénomène fréquemment repéré dans l'étude des fossiles : une espèce apparaît soudainement et persiste ensuite inchangée pendant très longtemps avant de s'éteindre. Cela a été le cas dans des domaines très divers, depuis les créatures marines comme les coquillages ou les oursins jusqu'aux mammifères et aux oiseaux. Selon la théorie de l'équilibre ponctué, ces espèces apparaîtraient relativement vite (en quelques dizaines de milliers d'années), mais les modalités de ces apparitions soudaines - et leur réalité même - donnent lieu à d'âpres débats. Une explication inverse postule que ces espèces auraient évolué beaucoup plus lentement, mais ailleurs que dans l'espace étudié, et que leur apparition " soudaine " résulterait en réalité d'une migration. Comme en témoigne le polyèdre de Galton, l'idée d'équilibres ponctués n'était pas entièrement neuve en paléontologie, mais elle a été formulée par Eldredge et Gould de manière cohérente et au bon moment. Pourtant, même parmi les adeptes de la théorie, le débat a fait rage quant à sa signification, et beaucoup se demandent si elle remet vraiment en cause le gradualisme de Darwin : après tout, des dizaines de milliers d'années laissent quand même à une espèce le temps d'évoluer " graduellement ". Mais la plupart des chercheurs reconnaissent que cette idée a eu l'inestimable intérêt de pousser les paléontologistes à examiner les fossiles avec une rigueur et une attention aux détails qui faisaient largement défaut jusqu'alors.

En particulier, la notion d'équilibres ponctués a forcé les paléontologistes à s'intéresser non seulement à l'origine des espèces mais aussi à leur persistance souvent longue, sans modification au fil des séries fossiles. Avant cette théorie, le phénomène était pris comme allant de soi, alors qu'il pose un très curieux problème. L'un des meilleurs exemples fournis par Gould concerne les mammifères de la chronofaune de White River dans l'ouest américain (formée en particulier d'animaux apparentés aux rhinocéros, aux porcs ou aux chameaux) : ils ont traversé pratiquement sans modification une période marquée par des changements climatiques considérables. Pendant cette période, les forêts tropicales du Nebraska sont devenues des savanes boisées et la température moyenne annuelle a chuté de 13° C. Des révélations de ce genre nous rappellent combien il nous reste encore à apprendre sur le passé de notre planète. La lecture de Gould sur les équilibres ponctués donne l'agréable sentiment qu'aux yeux même de l'auteur, un problème aussi fondamental que celui de la manière dont les espèces apparaissent puis persistent au cours des temps géologiques n'est pas complètement résolue.Quittons principe d'action, équilibres ponctués et sélection d'espèce pour une discussion du deuxième principe fondamental du darwinisme, celui d'efficacité. Gould centre son propos sur l'importance des contraintes historiques et structurelles en matière de développement, et sur le curieux phénomène de l'écoinçon et de l'" exaptation " dont l'écoinçon est un exemple. Son idée maîtresse : de nombreuses caractéristiques des organismes vivants ne résultent pas de la sélection naturelle mais de phénomènes contingents ou de la nature même de ces organismes. L'un des exemples favoris de Gould est celui du mamelon chez l'homme et du clitoris chez la femme. Leur fonction n'est pas leur raison d'être mais ils sont là parce qu'ils sont nécessaires dans le plan fondamental de l'organisme qui différencie l'homme et la femme.

Pour Gould, la contrainte historique -définie comme l'héritage de tout ce qui s'est passé dans une lignée biologique, y compris ses gènes- joue un rôle important. Mais d'autres facteurs -c'est évident- jouent aussi un rôle, dont le moindre n'est pas l'écologie. Gould attaque à ce propos la théorie écologique des " pics adaptatifs " de Theodosius Dobjansky parce qu'elle laisse trop de place à la sélection naturelle et à l'écologie. Pour illustrer sa position, il prend l'exemple des chiens et des chats. Selon Dobjansky, il y a des chats et des chiens, types bien distincts, et sans pratiquement rien d'intermédiaire, parce qu'il existe des niches écologiques pour des créatures du type chien ou du type chat mais pas pour des types intermédiaires. Gould, au contraire, estime que les deux espèces distinctes doivent leur existence à la contrainte historique, qui se traduit par les héritages distincts qu'elles ont reçus d'une créature ancestrale qui était à la fois de type chien et chat.

Il est assez simple de mettre à l'épreuve ces deux théories antagonistes. Si l'écologie est responsable, il serait raisonnable de s'attendre à ce que d'autres groupes de mammifères aient engendré, au fil de leur évolution, des formes de type chat et de type chien sans grand chose entre les deux. Or c'est justement ce que l'on constate. Aussi bien en Amérique du sud qu'en Australie, les marsupiaux ont donné naissance à des espèces de type chien et de type chat, alors que les carnivores de Madagascar (qui sont apparentés au furet) ont donné naissance au Fossa (cryptoprocta ferox), un mammifère à l'allure de chat qui occupe dans l'île la niche écologique de ce félin. Voilà un bon argument en faveur de la théorie de Dobjansky, au moins dans cet exemple.

Si le terme d'exaptation est inconnu de certains lecteurs, c'est parce que Gould et Vrba ne l'ont créé que récemment, en 1982. Pour s'en tenir à la définition de Gould, le mot désigne " le choix, au temps actuel, d'utiliser à certaines fins des éléments initialement destinés à d'autres fonctions (ou à aucune) ". À titre d'exemple, il cite le cas d'un lézard africain dont la tête extrêmement plate constitue une adaptation à la vie dans des crevasses mais permet aussi à l'animal de mieux glisser. Les écoinçons, terme d'architecture que Gould a transposé en biologie, sont une forme extrême d'exaptation dans la mesure où ils peuvent ne résulter en aucune manière de la sélection naturelle. Comme les écoinçons de la surface interne du dôme d'une cathédrale, ils ne sont là que comme conséquence de la structure d'un dôme reposant sur quatre points d'appui. Et pourtant, que ce soit chez l'escargot, les mammifères ou d'autres animaux, on trouve des structures de type écoinçon qui ont acquis une fonction.
Le meilleur exemple est sans doute celui de l'escargot, sujet fétiche de Gould. Certains groupes d'escargots ont choisi l'ombilic (un tube autour duquel s'enroule la coquille) comme chambre pour protéger leurs œufs. L'ombilic doit exister pour que la coquille puisse s'enrouler, mais il n'avait pas de fonction interne propre jusqu'à ce que quelques espèces le choisissent comme chambre à œufs. Beaucoup plus loin dans l'ouvrage, Gould explique combien, face à l'adaptation déterministe censée tout expliquer, il tient à cette idée du rôle des propriétés intrinsèques des organismes (comme les écoinçons) parce qu'elle laisse une certaine place à l'individualité et à l'humanité dans sa propre vision du monde.

Le troisième principe darwinien, la portée, est abordé de manière plus rapide que les deux autres. Gould parle à ce sujet de l'existence d'événements apparemment aléatoires comme les extinctions de masse et autres catastrophes similaires. Il explique que ces faits sont " plus fréquents, plus rapides, plus intenses et plus différents " que Darwin ne l'avait jamais imaginé. Plus encore, leur découverte représente une avancée importante dans le cadre de la logique darwinienne car ils contribuent encore à affaiblir l'idée de gradualisme.

Comment, en fin de compte, juger les apports de Gould à la connaissance de l'évolution et à l'histoire de la vie, tels qu'ils sont présentés dans La structure de la théorie de l'évolution ? Je n'ai pas pu m'empêcher de penser que ces éléments très divers ne parvenaient pas à s'intégrer dans une théorie cohérente ; mais, justement, Gould nous lègue un paradoxe qui explique peut-être pourquoi il en a été ainsi. Il nous explique en effet que l'un de ses principaux thèmes de recherche a porté sur l'importance des caractéristiques non-adaptatives de l'évolution, comme les écoinçons et sur l'effet exercé sur le cours de l'évolution par des accidents comme les extinctions de masse dues à des impacts d'astéroïdes. Du fait de leur nature même, ces phénomènes ne peuvent s'intégrer dans une théorie de l'évolution, mais ils demeurent néanmoins essentiels dans la vision de Gould. S'il a raison, l'évolution serait alors un champ scientifique où ne pourrait s'appliquer une grande théorie globalisante. Ce serait déconcertant, mais c'est très plausible.

(1) Richard Dawkins, Climbing Mount Improbable (Viking, 1996), p.180.

(Encadré)
" J'ai atterri ". Quand un garçonnet timide du Queens devient le scientifique préféré de l'Amérique.

I have landed (" J'ai atterri ") est le dixième et dernier volume de l'intégrale des essais de Gould, dont la plupart ont été écrits pour le magazine Natural History. Ces essais ont conduit des millions de lecteurs, du président de société au détenu à se passionner pour les merveilles de l'évolution. Depuis vingt-cinq ans, Gould a écrit pour Natural History un essai par mois sans se laisser interrompre, comme il dit, " par le cancer, l'enfer, les crues ou les " World Series " de baseball". Entre temps, il est aussi parvenu à écrire pour Science, Time, le New York Times ou la New York Review, et pour des catalogues de livres anciens, sans compter dix monographies sur divers aspects de l'évolution.
Dans l'introduction, Gould évoque sa fascination pour les coïncidences numériques. Dans des travaux antérieurs, ces coïncidences concernaient souvent le baseball, mais il s'agit ici d'affaires beaucoup plus personnelles. Le titre de l'ouvrage vient de la coïncidence entre la date d'arrivée du grand-père de l'auteur à New York le 11 septembre 1901 et le pèlerinage interrompu de Gould à Ellis Island le terrible jour du centenaire de cette date. Les publications de Gould sont marquées par d'autres coïncidences numériques : son trois centième essai a paru dans le numéro du millénaire de Natural History, suivi en 2002 par son dixième recueil d'essais et sa dixième monographie. Lorsqu'il en a pris conscience, il a " perçu la double magie de ce délai exact de vingt-cinq ans (le quart du carré de notre base numérique décimale) entre deux coïncidences curieuses et fortuites survenues dans le cours de sa vie ". Il en a conclu que " quelque chose [lui] envoyait l'ordre de poursuivre [sa] marche ".
Le nouveau recueil d'essais nous laisse entrevoir la pensée - et même l'expérience personnelle - de l'un des scientifiques préférés de l'Amérique. Gould s'est construit une admirable deuxième carrière en tant qu'historien et philosophe des sciences, et c'est cet aspect qui domine dans cet ouvrage. Les sujets abordés vont de la nature de l'excellence aux idées freudiennes sur le développement mental et à la brève amitié entre Karl Marx et le biologiste E. Ray Lancaster (" l'association la plus étrange de l'évolution ").
Dans les dernières lignes de l'essai qui donne son titre au recueil, Gould évoque " son rêve d'enfance, qui paraissait si éloigné de toute possibilité de réalisation à un petit garçon timide du Queens : devenir un scientifique et apporter, par son propre travail, ne serait-ce que la plus petite addition à la connaissance de l'évolution et de l'histoire de la vie ". Personne ne peut contester à Gould d'y être parvenu, et beaucoup auront été inspirés par sa particulière étincelle de génie en tant qu'essayiste et vulgarisateur de la passion scientifique.
lavana
 
Message(s) : 9
Inscription : 30 Juin 2003, 14:05


Retour vers Sciences

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 1 invité