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[center]L'industrie oriente les conclusions des études sur les boissons[/center]
LE MONDE | 09.01.07 |
Après l'industrie pharmaceutique, celle des boissons sucrées, fruitées et lactées est suspectée de n'être pas totalement désintéressée dans son financement de la recherche. Un article paru, mardi 9 janvier, dans la revue PLoS Medecine montre que cet appui peut influencer les conclusions des études en nutrition.
Après avoir analysé 206 articles, publiés entre 1999 et 2003, David Ludwig, de l'hôpital pour enfants de Boston (Massachusetts), et ses collègues concluent que, lorsqu'ils sont financés par les industriels, les articles scientifiques portant sur des boissons non alcoolisées ont jusqu'à huit fois plus de chance d'être favorables aux intérêts de leurs sponsors que lorsque les recherches sont conduites sans ce soutien.
L'exemple le plus frappant concerne les études consistant à comparer deux groupes de consommateurs, l'un "bénéficiant" d'un aliment, l'autre non. Aucune de celles financées par l'industrie n'a abouti à des conclusions défavorables au produit, alors que 37 % des études non financées par ce biais apportaient des estimations négatives.
David Ludwig avance des explications qui valent aussi pour le secteur pharmaceutique : "Les sponsors industriels pourraient ne soutenir que les études dont ils croient qu'elles présenteront leurs produits sous un jour favorable, ou ceux de leurs concurrents de façon défavorable."
Autre possibilité : les chercheurs concevraient leurs recherches de façon à respecter les intérêts financiers de leurs sponsors, l'industrie pouvant mettre son veto sur des résultats défavorables. Enfin, certains articles de synthèse, tirés de colloques financés par l'industrie, pourraient refléter les orientations d'organisateurs ayant omis d'inviter des chercheurs aux vues dissidentes.
PRESSIONS
Faut-il donc condamner tout financement industriel de la recherche en nutrition ? Martijn Katan (université d'Amsterdam), à qui PLoS Medecine a demandé un commentaire, ne le pense pas. "C'est grâce à l'expertise d'Unilever que nous avons découvert l'effet d'acides gras insaturés sur le risque cardio-vasculaire", note-t-il. Mais les chercheurs traitant avec l'industrie peuvent être soumis à des pressions, reconnaît-il, "et ont besoin d'aide pour y résister".
Pour cela, les codes de conduite et les déclarations d'intérêt ne sont peut-être pas suffisants. "En dernier ressort, l'augmentation des financements gouvernementaux et indépendants (...) diluera tout biais résultant des recherches financées par l'industrie", estime David Ludwig.
Une conclusion à laquelle souscrit Pascale Briand, directrice générale de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), dont la part de financement privé "est réduite au maximum" - 5 à 7 % selon les années. Pour l'analyse de risque, l'Afssa table sur l'autocontrôle au sein des comités d'évaluation. Et, au besoin, sollicite des experts issus d'industriels concurrents. Pour Pascale Briand, il faut se garder de "diaboliser le cofinancement industriel, tout en restant vigilant".
Hervé Morin