a écrit :Paris, 27 mars 2007
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La respiration géante des solides cristallisés[/center]
Les chimistes du CNRS et de l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines(1) ont découvert une nouvelle famille de solides capables d'augmenter jusqu'à trois fois de volume en absorbant des liquides. Auparavant, seuls des matériaux polymères amorphes approchaient de telles performances. A l'inverse, les solides « à respiration géante » sont cristallisés et leur respiration, qui a lieu à forme globale constante, est réversible. Cette découverte, promise à de nombreuses applications industrielles, est publiée dans la revue Science du 30 mars 2007
Le phénomène de respiration est habituellement associé à la vie. Il se caractérise par une variation réversible du volume des espèces sous l'effet d'un stimulus (gaz, pression, température, irradiation…). Le poumon, par exemple, augmente de 40 pour cent son volume lors de l'inspiration. La matière organique, connue pour sa flexibilité, se prête bien à ce phénomène. A l'inverse, la matière inorganique est très souvent associée à l'idée de rigidité, d'indéformabilité. Les chercheurs de l'Institut Lavoisier (CNRS/Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines), viennent de montrer que la matière hybride (qui associe des entités minérales et organiques) peut se déformer de façon réversible.
Dans le cadre de leurs études sur les systèmes poreux, Gérard Férey et son équipe de l'Institut Lavoisier(1) ont découvert une nouvelle famille de dicarboxylates métalliques trivalents, qui présentent des propriétés de respiration sans précédent. Suivant la nature de l'entité organique, la variation de volume lorsque l'on plonge ces solides dans un solvant (eau, méthanol, etc.) peut dépasser 300 pour cent. Seuls quelques polymères amorphes approchent de telles performances. À l'inverse des polymères, les nouveaux solides sont cristallisés. Les chercheurs ont déterminé leur structure cristallographique dans chaque état (solvaté ou non) et expliqué le mécanisme de la respiration. Cette dernière se fait à forme globale constante, sans rupture apparente de liaisons à l'échelle atomique. La réversibilité du phénomène s'en trouve facilitée.
Curiosité de laboratoire ? Certainement pas : cette nouvelle famille de solides a déjà des applications en séparation, compte tenu de la sélectivité de son adsorption de solvants. Un autre solide flexible issu du laboratoire est déjà produit à l'échelle industrielle pour ses propriétés de stockage de l'hydrogène. Et ce n'est qu'un début !
Structure du diphényl dicarboxylate de chrome (III), l'un des solides cristallisés à respiration géante, sous sa forme brute à l'issue de la synthèse (au milieu), débarrassé de toute trace de solvant (à gauche) et après absorption de solvant et augmentation de volume (à droite)
© G. Ferey - CNRS 2007 (cette image est disponible auprès de la photothèque du CNRS, 01 45 07 57 90,
phototheque@cnrs-bellevue.fr)
Notes :
1) Institut Lavoisier (CNRS/Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UMR 8180))