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[center]Un riz transgénique pourrait servir de vaccin oral contre le choléra[/center]
LE MONDE | 12.06.07 |
Finis les piqûres et les problèmes de conservation au froid, les vaccinations de demain seront peut-être effectuées en mangeant du riz. Une équipe japonaise publie, lundi 11 juin, dans les Comptes rendus de l'Académie nationale des sciences américaine (PNAS) un article présentant un prototype de vaccin par voie muqueuse. Administré oralement, ne nécessitant pas d'injection, pouvant rester à température ambiante pendant plus d'un an et demi et n'étant pas détruit par les enzymes digestives, il a été testé chez la souris. Ce procédé de vaccination au moyen de riz génétiquement modifié pourrait représenter une voie prometteuse pour les pays du Sud.
Une partie des agents infectieux pénètrent dans l'organisme en traversant une muqueuse. C'est le cas aussi bien pour le VIH, le virus grippal ou le vibrion agent du choléra, qui s'introduisent respectivement par les muqueuses génitale, respiratoire ou digestive. Il serait particulièrement intéressant de pouvoir développer une réponse immunitaire locale, au niveau même de cette porte d'entrée. La plupart des vaccins utilisés actuellement sont injectés et induisent la formation d'anticorps dans tout l'organisme, mais pas au niveau des muqueuses.
"La meilleure défense contre ces pathogènes prédominant au niveau muqueux serait des vaccins, de préférence des vaccins muqueux capables d'induire une immunité à la fois systémique et muqueuse", écrivaient en 2000 Frederik van Ginkel et ses collègues de l'université d'Alabama dans la revue Emerging Infectious Diseases, publiée aux Etats-Unis par le Centre de contrôle des maladies. Les Instituts nationaux de la santé américains ainsi que la Fondation Bill et Melinda Gates proposaient en 2003 ce type de vaccins muqueux comme cible pour la recherche vaccinale.
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C'est dans cette optique que l'équipe d'Hiroshi Kiyono (université de Tokyo) a travaillé à la mise au point d'un riz génétiquement modifié pour que l'ADN de ses grains exprime un antigène. L'antigène utilisé pour la démonstration a été la sous-unité "B" de la toxine du choléra (CTB). Chaque grain contenait ainsi 30 microgrammes de CTB, qui se sont montrés résistants à une enzyme, la pepsine. Cela semble indiquer que l'antigène pourrait résister aux conditions d'acidité de l'estomac et de l'intestin.
Le riz, utilisé sous forme crue, réduit en poudre et mis en suspension, a ensuite été introduit chez les souris directement dans une anse intestinale comprenant dans sa paroi des formations lymphoïdes riches en cellules immunitaires, les plaques de Peyer. Les chercheurs ont constaté que le vaccin muqueux porté par le riz était capable d'y induire la production d'anticorps (immunoglobulines A, IgA) spécifiques de l'antigène. Le vaccin s'est également révélé plus stable que la seule sous-unité purifiée utilisée comme antigène. Enfin, l'équipe de scientifiques a montré que la CTB exprimée par le riz transgénique entraînait une immunité protectrice contre la toxine cholérique.
"Rien ne dit que le prototype sur lequel l'équipe japonaise a travaillé se traduira dans la pratique par une nouvelle méthode de vaccination, tempère Christophe Brugidou, directeur de recherche à l'Institut de recherche pour le développement (IRD). Non seulement nous n'avons aucune étude de toxicité, mais rien ne permet de dire que ce qui est observé sur un petit nombre de souris se reproduira dans l'espèce humaine", souligne le chercheur.
Théoriquement, le procédé a beaucoup d'avantages. Il serait moins onéreux que la production industrielle. Si le vaccin est exprimé par les composants de la plante, il n'y aurait pas besoin de le purifier. Le système minimiserait les risques de contamination liés au matériel d'injection. Ne nécessitant pas le recours à une chaîne du froid, comme c'est le cas pour les vaccins actuels, ce nouveau procédé représenterait une option particulièrement adaptée aux pays du tiers monde. Les auteurs indiquent que le coût annuel de la conservation au froid des vaccins actuels se situerait entre 200 millions et 300 millions de dollars. Reste à savoir si ces espoirs sont fondés.
Paul Benkimoun
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CHRONOLOGIE
Des plantes transgéniques à fonction thérapeutique ont déjà été proposées :
1998 :
une équipe de Cornell University procède à un essai clinique faisant appel à une pomme de terre génétiquement modifiée pour offrir une protection contre la bactérie Escherichia coli, responsable de diarrhées. Le principe, toujours expérimental, est ensuite appliqué au virus Norwalk et à l'hépatite B.
2000 :
un "riz doré" qui permettrait de lutter contre des déficiences visuelles est décrit dans la revue Science. En 2005, une nouvelle version produit 23 fois plus de pro-vitamine A. Ce riz n'est pas cultivé commercialement.