a écrit :Le 25 janvier 2008
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Chicxulub : l'impact du tueur de dinosaures plus violent que prévu[/center]
Par Laurent Sacco, Futura-Sciences
De nouvelles données sismiques sur le cratère de Chicxulub compliquent singulièrement l'image que l'on se faisait de ce cataclysme. On réalise, notamment, que l'impact a dû libérer une quantité plus importante de vapeur d'eau et de soufre bien plus importante que ce que l'on pensait. L'océan a dû voir son acidité augmenter.
Depuis le début des années 1990, le cratère de Chicxulub, au Yucatan, est l’objet de différentes études. Il s’agit incontestablement d’un cratère d’origine météoritique s’étant formé il y a 65 millions d’années, au moment où 70 % des espèces vivantes ont disparu. Les plus célèbres victimes sont, bien sûr, les dinosaures mais aussi les reptiles volants et marins, ainsi que les ammonites. Si l’on ne peut attribuer cette extinction uniquement à l’impact d’un fragment de l’astéroïde 298 Baptistina, il n’en reste pas moins que son rôle a dû être très important.
C’est bien ce que confirme une étude publiée dans Nature Geoscience par une équipe internationale de chercheurs parmi lesquels se trouvent Sean Gulick, membre de l’institut de Géophysique de l’Université du Texas à Austin, et Gareth Collins, chercheur à l’ Imperial College à Londres. Ce dernier et ses collègues ont réalisé une simulation de la formation du cratère de Chixculub.
Une intense production d'aérosols soufrés D’après cette étude, l’astéroïde tueur de dinosaures est tombé dans une zone plus profonde que l’on ne l’imaginait. En conséquence, l’énergie libérée, qui devait être équivalente à 5 milliards de fois l’énergie de la bombe atomique d’Hiroshima, aurait vaporisé au moins 6,5 fois plus d’eau que ne le laissait penser les anciennes estimations. Or, en plus de modifier la température de la Terre, cette vapeur d’eau supplémentaire aurait aussi augmenté la quantité d’aérosols soufrés dans l’atmosphère. Un tel apport brutal a bien sûr influé sur le climat en changeant le bilan radiatif de l’atmosphère et, surtout, a dû provoquer d’abondantes pluies acides.
On sait en effet depuis un certain nombre d’années que l’endroit où est tombé l’astéroïde était en partie recouvert par des sédiments riches en sulfates : des évaporites. La formation probable de pluies chargées d'acide sulfurique n’est donc pas une découverte, mais leur importance plus grande que prévu doit être prise en compte dans les modèles climatiques et écologiques cherchant à décrire ce qui s’est passé alors sur notre planète.
Une plus grande quantité de pluies acides est un bon moyen de comprendre certaines énigmes de la crise Crétacé-Tertiaire. En ce qui concerne les animaux marins, comme les ammonites par exemple, beaucoup de paléontologues avaient opposé aux tenants de leur disparition brusque un argument qui avait beaucoup de poids : l’absence d’un pic de fossiles dans les sédiments marins.
Des océans plus acides L'observation est particulièrement frappante dans le cas des ammonites, très répandues dans les océans de l’époque. Or, avec des pluies chargées de composés soufrés, l’acidité de surface des océans peut avoir changé suffisamment pour rendre très rare la fossilisation des animaux marins à coquilles calcaires. Celles des ammonites se seraient ainsi dissoutes rapidement. Il semble d’ailleurs que les organismes marins pouvant supporter une eau de mer plus acide aient été moins affectés que les autres.
Une autre des informations fournies par les derniers relevés sismiques concernant le cratère de Chicxulub est que sa forme asymétrique, que l’on croyait due essentiellement au caractère oblique de la trajectoire de l’astéroïde, doit aussi s’expliquer par la structure géologique de la zone avant l’impact. Cela complique les prévisions concernant les régions où les retombées des éjectas se sont produites. Il devient donc plus difficile d’étudier les conséquences sur la biosphère de ces retombées mais les chercheurs de l’Imperial College essaient de contourner l’obstacle en nourrissant leurs simulations sur ordinateurs avec les nouvelles contraintes concernant l’influence de la structure topographique et géologique de la région de Chixculub sur la formation du cratère.
Le cratère de Chicxulub reconstruit à partir de données de gravimétrie. Crédit VL. Sharpton/LPI-Houston