les gènes régulateurs, une clef de l'évolution

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par canardos » 03 Mars 2008, 18:43

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CNRS 28 février 2008

[center]Pour devenir plus performantes, des bactéries restructurent la hiérarchie de leurs gènes [/center]

Au cours d’une expérience d’évolution au long-terme chez la bactérie Escherichia coli, l’équipe dirigée par Dominique Schneider (UMR 5163, Grenoble) vient de montrer que les réseaux de gènes contrôlés par des régulateurs globaux ont varié au cours de 20 000 générations et que ceci constitue une des bases de l’évolution. Ces travaux menés en collaboration avec des équipes américaines sont publiés le 15 février 2007 dans la revue PLoS Genetics.

Depuis 20 ans, une expérience unique au monde d’évolution expérimentale se déroule dans un laboratoire de Michigan State University : des bactéries sont cultivées nuit et jour, 365 jours par an, et les chercheurs, à intervalles réguliers, effectuent des prélèvements dans les populations pour analyser leur évolution. L’expérience consiste en douze lignées indépendantes, qui ont été initiées à partir d’un même ancêtre de la bactérie Escherichia coli et sont cultivées dans un même environnement défini : non seulement il est donc possible d’étudier l’évolution des bactéries, mais également de voir si des cultures séparées et indépendantes, dans les mêmes conditions évoluent différemment ou de façon convergente.

L’une des avancées majeures de cette expérience a été de montrer que, très rapidement, certaines bactéries prenaient le dessus sur le reste de la population : la sélection naturelle est à l’oeuvre. Et comme il est possible de conserver les bactéries dans des congélateurs et de les réveiller à volonté, les chercheurs ont eu la possibilité de comparer la bactérie ancêtre avec les bactéries majoritaires après, par exemple, 20.000 générations (ce qui, à l’échelle humaine, correspond à environ 600.000 ans). Ces bactéries constituent donc une véritable collection fossile, qui présente de plus l’avantage de pouvoir être revivifiée et analysée par comparaisons directes à l’ancêtre. De façon prévisible, les bactéries s’adaptent à leur environnement. En effet, des expériences de compétition directe entre les individus isolés au cours du temps d’évolution et leur ancêtre ont montré une forte augmentation de leur valeur sélective (« fitness »), c’est-à-dire de leur capacité reproductive : plus cette valeur est élevée, plus les bactéries se reproduisent vite, et donc elles deviennent rapidement majoritaires.



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Figure 1 : Expériences de compétition entre deux individus (ancêtre et évolué). Un marqueur interne donnant une coloration différentielle permet de suivre le devenir de chaque compétiteur et donc d’estimer sa valeur sélective. © D. Schneider.



Le responsable de cette étude, Richard Lenski, a initié des collaborations avec plusieurs laboratoires internationaux, parmi lesquels l’équipe dirigée par le professeur Dominique Schneider au sein du Laboratoire Adaptation et pathogénie des micro-organismes de l’Université Joseph Fourier et du CNRS (UMR 5163). Parmi les résultats obtenus depuis plusieurs années dans le cadre de cette collaboration, l’analyse des génomes des organismes mieux adaptés à leur environnement, issus de l’expérience d’évolution, a montré qu’ils accumulaient des mutations bénéfiques, responsables de l’augmentation de leur valeur sélective.

Cette étude fait suite à des travaux qui avaient montré que près de la moitié des mutations bénéfiques caractérisées affectent des gènes qui codent des protéines dont le rôle est de contrôler l’expression d’autres gènes : les régulateurs globaux. Les chercheurs ont éliminé (délété) des génomes de la bactérie ancêtre et de deux individus évolués ­ isolés de deux populations indépendantes à 20.000 générations ­ le gène codant pour l’un des régulateurs globaux les plus importants, CRP.

Puis, à l’aide de puces à ADN, ils ont regardé les effets de cette modification sur l’expression de tous les gènes présents sur le chromosome bactérien. Ils ont alors constaté que le nombre de gènes dont l’expression était affectée par la délétion du gène codant CRP était beaucoup plus important chez les bactéries évoluées que chez leur ancêtre (286 contre 171) : au cours des générations, des ensembles entiers de gènes étaient passés sous le contrôle de CRP (alors que le gène codant cette protéine était resté inchangé) ! Encore plus étonnant, ils ont observé que les mêmes modifications des réseaux de régulation, qui concernent des centaines de gènes, se produisaient de façon similaire dans les populations indépendantes (dérivées du même ancêtre dans un environnement similaire). Après étude détaillée, il s’avère que l’une des principales raisons de cette extension du régulon CRP1 est que plusieurs autres régulateurs globaux sont passés sous le contrôle de CRP, et avec eux tous les gènes dont ils contrôlent l’expression (parmi ces régulateurs, trois étaient d’ailleurs déjà connus comme étant impliqués dans l’acquisition d’une meilleure valeur sélective au cours des générations).

A travers ces travaux, les chercheurs montrent ainsi que les réseaux de gènes contrôlés par des régulateurs globaux ont varié au cours de 20.000 générations d’évolution, et que ceci est l’une des bases de l'adaptation.



1 : L’ensemble des gènes régulés par un régulateur global est appelé régulon. Par exemple, l’ensemble des gènes régulés par la protéine CRP constitue le régulon CRP.




En savoir plus

Expression Profiles Reveal Parallel Evolution of Epistatic Interactions Involving the CRP regulon in Escherichia coli
Tim F. Cooper, Susanna K. Remold, Richard E. Lenski & Dominique Schneider
PLoS Genetics (2007) Vol. 4, No. 2, e35 doi:10.1371/journal.pgen.0040035

canardos
 
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