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[center]Paloma, "tombée pour la France"[/center]
LE MONDE | 28.08.06 |
Même morte, l'ourse Paloma provoque haines et passions. Elle n'aura pas eu le temps de s'acclimater à son nouvel environnement. Quatre mois seulement après avoir été lâchée dans les Pyrénées, la jeune ourse âgée de 4 ans, originaire de Slovénie, a été découverte morte le 25 août sur les hauteurs de Loudenvielle (Hautes-Pyrénées).
Deux randonneurs ont trouvé la dépouille de l'animal, pesant environ 80 kg, dans une zone d'éboulis au pied d'une barre rocheuse, à près de 2 800 m d'altitude. Les gendarmes font état dans leurs premières constatations d'une "mort accidentelle".
Le cadavre de l'animal a finalement été transféré à l'école vétérinaire de Toulouse, où des analyses plus poussées vont tenter de déterminer les causes du décès avec exactitude.
Mais, avant même cette découverte macabre, les techniciens chargés du suivi des ours étaient inquiets : depuis le 16 août, ils ne recevaient plus les signaux GPS émis par le collier de Paloma..
Pour les opposants au renforcement de la population ursine, décidé par le ministère de l'écologie, cet épisode démontre que les ours slovènes, déracinés de leurs forêts, ne seraient pas adaptés aux montagnes des Pyrénées. "Les pouvoirs publics, par méconnaissance, ont envoyé cet animal au casse-pipe et sont responsables", accuse Stéphane Lessieux, porte-parole d'une association d'éleveurs ariégeois.
Les partisans des réintroductions se demandent, pour leur part, si certains opposants n'auraient pas aussi leur part de responsabilité. Ils peinent à croire à la thèse de l'accident et font valoir qu'à plusieurs reprises cet été des éleveurs ont organisé des battues "d'effarouchement" dans les Pyrénées. La peur aurait-elle acculé Paloma à se déplacer vers une zone située à une altitude peu commune pour un plantigrade ? Génération Ecologie, l'ancien parti de Brice Lalonde, n'hésite pas à évoquer l'hypothèse d'un "attentat pur et simple".
Une chose est certaine : l'animal n'a pas été bien accueilli. Le soir de son lâcher, le 25 avril à Arbas (Haute-Garonne), des opposants ont soudain fait irruption dans la forêt, empêchant au dernier moment l'ouverture de la cage. La cérémonie médiatique voulue par la ministre de l'écologie, Nelly Olin, pour effacer les images de la mort d'une autre ourse, Cannelle, tuée par un chasseur en 2004 en vallée d'Aspe (Pyrénées-Atlantiques), était gâchée.
Paloma fut finalement rendue à la liberté en pleine nuit dans un autre village, quasi clandestinement. Face à la multiplication des actions de protestation des opposants au retour des plantigrades, la discrétion fut ensuite de rigueur pour ses quatre congénères (trois femelles et un mâle), importés, comme elle, de Slovénie durant l'été.
Le programme de renforcement venait officiellement de s'achever avec l'arrivée, le 22 août à Arbas, de Sarousse, une femelle de 7 ans et 112 kg. Visiblement soulagée, Nelly Olin assurait alors que ces cinq nouveaux ours permettraient la "pérennité de l'espèce" dans les Pyrénées.
Mais le feuilleton n'est pas terminé. Sitôt connu le décès de Paloma, les associations pro-ours ont réclamé le lâcher d'un nouvel animal. Basée à Arbas, l'ADET, l'association qui a copiloté les réintroductions, demande que la décision soit prise "le plus rapidement possible". La ministre de l'écologie prétexte des difficultés techniques pour ne plus hâter le calendrier.
Sans doute espère-t-elle passer aux multiplications, de préférence aux additions des uns et aux soustractions des autres. Il suffirait pour cela qu'au moins une des femelles restantes se révèle gravide cet hiver. En 1996 déjà, après les premières réintroductions d'ours dans les Pyrénées centrales, les deux femelles slovènes avaient donné naissance à plusieurs oursons.
La mort de Mellba, tuée en 1997 par un chasseur, avait ainsi pu être "compensée" naturellement, sans nouveau lâcher. Ses rejetons courent toujours dans les Pyrénées. Nelly Olin a en tout cas laissé entendre que plus aucune arrivée d'ours ne serait possible en France "avant l'élection présidentielle" de 2007.
Stéphane Thépot