J'ouvre ce fil dans la rubrique "sciences", mais la poursuite ou non du nucléaire va beaucoup agiter les esprits dans les mois qui viennent, dans le monde entier et en particulier en France. On pourra en discuter ici, aussi bien du débat scientifique, technique et politique.
Ce qui a relancé ce débat, c'est évidemment les accidents en série à la centrale nucléaire de Fukushima. Au moment où j'écris personne ne peut dire comment la situation va tourner, si les travaux d'urgence réalisés sur place suffiront à remettre la situation sous contrôle, ou si on s'achemine vers une situation où les abords de la centrale seront transformés de fait en no man's land radioactif, avec des retombées terribles dans un pays de 120 millions d'habitants.
Ces accidents ont été déclenchés par une catastrophe naturelle d'une ampleur extrêmement rare, même pour le Japon. C'est l'un des séismes les plus forts jamais enregistrés (magnitude 9), suivi de très nombreuses répliques qui continuent encore une semaine plus tard, certaines très fortes (de l'ordre de 6). Mais les villes et même les centrales nucléaires ont bien résisté aux secousses. Ce qui a été le plus destructeur, c'est le tsunami Même sans centrale nucléaire, le bilan humain serait épouvantable. Il l'est déjà : on parle déjà d'au moins 10000 morts, et ça continue de s'aggraver car les survivants sont extrêmement démunis. Tout ça, ce ne sont pas des victimes du nucléaire... du moins pas encore, ça viendra après, dans le pire des cas il y aura des effets à long terme pour toute la population du Japon, de la Corée et d'une partie de la Chine et de la Russie.
Cela fait des années que les écologistes japonais dénoncent l'absurdité de construire des centrales nucléaires dans un pays habitué aux tsunamis, séismes, éruptions volcaniques et typhons, et où la géographie physique impose de mettre ces centrales au bord de l'océan. On peut être en désaccord philosophique et politique assez profond avec les écolos, n'empêche que la situation de la centrale de Fukushima leur donne raison en grande partie.
Même si on considère que cette situation est la conséquence d'une catastrophe qui la dépasse, cela n'excuse rien ni ne change rien à sa gravité. On a entendu les écolos en France dénoncer le fait que certaines centrales françaises sont construites dans des zones sismiques. Il y a de l'exagération car ni l'Alsace, ni l'Ain, ni la vallée du Rhône n'ont jamais été frappés par des séismes de l'ampleur de celui qui vient de frapper le Japon, ni même de ses plus fortes répliques, et quand bien même, les centrales japonaises ont résisté aux séismes, c'est le tsunami qui les a abîmées. Mais je ne suis pas sûr que les centrales françaises résistent aussi bien aux séismes, et par ailleurs elles pourraient aussi être frappées par d'autres catastrophes. C'est par exemple une crue de la Gironde provoquée par la tempête de 1999 qui avait conduit la centrale de Blaye à couper ses réacteurs. En 2004 c'est une tempête dans la Manche qui avait conduit a l'obstruction par des algues du circuit de refroidissement de la centrale de Palluel. Dans ces deux cas, l'arrêt immédiat des réacteurs a suffit à éviter un accident...
Parmi les arguments contre l'arrêt du nucléaire, il y a celui-ci : Par rapport aux centrales thermiques, les centrales nucléaires ne rejettent quasiment pas de gaz à effet de serre. Elles sont donc un moyen de limiter ces émissions et de lutter contre le changement climatique. C'est sans doute juste. Mais le changement climatique pose-t-il plus ou moins de risques que les déchets nucléaires, et que la menace permanente d'une catastrophe du genre de Tchernobyl ? Car même si la situation s'améliore, Fukushima nous prouve que ça reste possible.
Améliorer la sécurité des réacteurs nucléaire, réduire les déchets produits, c'est bien sûr mieux que rien, mais face à une catastrophe naturelle comment réagirait une centrale EPR ? Un surgénérateur ? Ou encore ITER ? Que penser des alternatives au thermique aussi bien qu'au nucléaire (hydroélectrique, marémoteur, solaire, éolien, géothermique...) ? Si on ne peut produire de l'électricité en quantité suffisante en diminuant les risques, alors ne faut-il pas trouver des moyens de réduire la consommation d'électricité ?