(Gaby @ lundi 30 janvier 2012 à 10:54 a écrit :Je peux faire un documentaire sur "les communistes", et j'irai interviewer les militants de la LTF, Kléber de l'ARS-Combat et ses théories sur le corps féminin collectivisé, ou encore n'importe quel vieux nostalgique de Staline au PCF, et pourquoi pas ceux qui défendent la Corée du Nord... et on aura abouti à quoi au final ? Au constat qu'il y a masse de déglingués dangereux, mais aura-t-on vraiment attaqué le communisme et les quelques militants sérieux ? Absolument pas...
Tu veux dire quoi, Gaby ? Que les psychanalystes interviewés par Sophie Robert sont des marginaux de la discipline ? [la comparaison avec la LTF] ? Ou alors qu'ils sont dominants [cf dans ton message suivant, tu fais une comparaison avec le stalinisme, courant majoritaire du communisme ?]
Plutôt que de poursuivre cette comparaison stérile qui t'amène à sous entendre d'un même mouvement une chose et son contraire, [marginaux/dominants] à prpos des hurluberlus inteviewés par Sophie Robert, je veux dire que ce que tu as l'air de laisser percevoir (parce que ne développes pas beaucoup), c'est en gros la position défendue par Roudinesco dans Libé ce matin, à savoir en gros : "la psychanalyse, c'est formidable, le problème....c'est tous ces psychanalystes !" [voir plus bas]
Peux tu donc plutôt, pour qu'on comprenne, nous expliquer qui dans le courant psychanalytique a développé quelque chose d'utile et de pertinent, ou, sait-on jamais, d'efficace sur un plan thérapeutique ? Et pouquoi ça te semble intéressant et à ne pas jeter à la poubelle de l'histoire de la psychologie.
Ma position c'est "en gros tout est à jeter dès Sigmund le père fondateur, parce que ce qui fait la spécificité de la psychanalyse relève de la pseudoscience et que les cas fondateurs sont truqués""
Bref, ma position n'est pas très nuancée, dans le sens où je vois pas ce que la nuance apporte de pertinent. Et toi ? Roudinesco dans son papier semble par exemple considérer Bettelheim comme un type intéressant... moi je le considère comme un charaltan qui a commis beaucoup de dégâts... et toi ?
Bref, qu'est ce que tu cherches à sauver de tout ça ?
Pour détendre l'atmosphère, mais ça ne détendra malheureusement que les anglophones, je vois propose d'aller jeter un oeil à ce sketch intitulé "Freud and Freud", dans lequel un analyste analyse un analyste qui l'analyse...
http://www.youtube.com/watch?feature=playe...d&v=VnIbD6cIGyY a écrit :
Autisme : la psychanalyse en procès
PAR ÉLIZABETH ROUDINESCOHISTORIENNE DE LA PSYCHANALYSE, DIRECTRICE DE RECHERCHES (HDR) UNIVERSITÉ DE PARIS-VII
Grande cause nationale pour l’année 2012, l’autisme est désormais l’enjeu d’une guerre politico-juridique qui oppose des associations de parents à la communauté des psychiatres, psychanalystes et pédiatres, attachés à une approche psychique de la maladie au détriment de son traitement éducatif. Réalisatrice d’un documentaire hostile à la psychanalyse (le Mur), Sophie Robert a été assignée en justice (Libé du 8 décembre) puis condamnée, le 26 janvier (Libé du 27 janvier), pour avoir filmé des praticiens connus pour leur adhésion à une psychologie œdipienne de bazar selon laquelle la sacro-sainte «loi du père» serait le seul rempart contre une prétendue folie universelle des mères «crocodiles», par essence «incestueuses», «fusionnelles», «froides», «dépressives» et incapables «d’expulser de leur corps le rejeton qu’elles n’auraient jamais désiré».
On connaît cette vulgate caractéristique d’une certaine frange de psychanalystes qui, au nom de cette même loi du père s’est opposée depuis des lustres aux homosexuels désireux d’adopter des enfants et aux nouvelles pratiques de procréation assistée. Après des années de refus de prendre en compte l’évolution des mœurs et les progrès de la science, voilà que ces praticiens, qui ne représentent plus qu’eux-mêmes - et en aucun cas l’ensemble des cliniciens qui s’occupent des enfants en souffrance et de leurs familles -, sont à leur tour frappés par la foudre de la loi en la personne d’un député UMP du Pas-de-Calais, Daniel Fasquelle, qui s’apprête à déposer devant le Parlement une proposition de loi visant à abolir toute approche psychanalytique dans l’accompagnement des enfants autistes. On croit rêver !
Dans cette guerre, chacun est convaincu de détenir la solution miracle pour soigner l’autisme, maladie aux visages multiples (quatre enfants sur mille) qui touche principalement les garçons. Sans doute est-elle, de l’aveu même des meilleurs chercheurs en biologie, Jean-Claude Ameisen, Bertrand Jordan et bien d’autres, à la fois neurologique et psychique plutôt que franchement génétique ? Toujours est-il que les adeptes fanatiques de la causalité organique stigmatisent le malheureux Sigmund Freud en accablant toute la psychanalyse - depuis ses origines viennoises jusqu’à nos jours - tandis que les partisans tout aussi fanatiques de la causalité psychique s’en réclament en accusant les parents : mauvaises mères, mauvais pères, piètres familles… Objet depuis un siècle de toutes les calomnies possibles - mais aussi de toutes les appropriations dogmatiques -, Freud n’a pourtant jamais parlé d’autisme.
Que s’est-il donc passé en France pour qu’on en arrive à une situation aussi désastreuse et aussi peu conforme à la raison et à la science ? C’est au psychiatre suisse, Eugen Bleuler, fondateur de la clinique du Burghölzli de Zurich que l’on doit, en 1907, l’invention du terme pour désigner un repli précoce du sujet sur un monde intérieur et une absence de contact avec l’extérieur pouvant aller jusqu’au mutisme et à l’automutilation. Ainsi décrit, l’autisme fut assimilé à une psychose (folie) infantile et c’est à partir de cette définition que se construisit la clinique d’inspiration psychanalytique, consistant à regarder tout patient comme un être humain, immergé dans le langage : la maladie n’est pas séparable du sujet qui en est atteint. D’où une prise en charge globale de la famille et des enfants au détriment d’une description froide d’un syndrome isolé de toute vie subjective. De Bruno Bettelheim, immigré viennois, déporté à Buchenwald et fondateur en 1944 de l’école orthogénique de Chicago, qui comparait l’autisme à une «situation extrême» et son syndrome à une «forteresse vide», à Frances Tustin en passant par Margaret Mahler, Donald W. Winnicott, Jenny Aubry, l’approche psychanalytique des enfants autistes et psychotiques visèrent à les extirper d’un destin asilaire. En 1943, le psychiatre américain Leo Kanner, originaire de l’Empire austro-hongrois, transforma l’approche de l’autisme en la distinguant de la schizophrénie et donc de la psychose, tout en évoluant vers une explication de type organique. L’année suivante, Hans Asperger, pédiatre viennois, qui avait été lui-même atteint dans son enfance, décrivit une nouvelle forme d’autisme dite de «haut niveau» caractérisée par une absence d’altération du langage et une capacité de mémorisation exceptionnelle comme en témoigne le film Rain Man (1988).
A partir des années 1980, on identifia des autismes et non plus une entité unique : celui des enfants mutiques et violents, celui des petits génies surdoués, capables de témoigner de leur univers intérieur à travers des livres, celui enfin des enfants qui parlent, tout en adoptant des attitudes énigmatiques. Une approche multiple, la meilleure à ce jour, s’imposa alors : réflexion psychanalytique, techniques éducatives et, dans des cas très graves, packing(enveloppement de l’enfant dans des linges mouillés). L’évolution de la psychiatrie mondiale vers une classification comportementale, d’où était évacuée l’idée de subjectivité, eut pour conséquence de faire entrer l’autisme dans la catégorie d’un trouble d’envahissement du développement (TED) tellement élargi qu’un enfant sur 150 en serait atteint. A l’évidence, cette évolution était liée au changement des critères diagnostiques beaucoup plus qu’à une «épidémie». Quant aux parents, lassés de s’interroger sur leur statut de bon ou de mauvais géniteur et convaincus que la psychanalyse était responsables des dérives de certains de ses héritiers, ils se tournèrent vers des techniques de conditionnement visant à démutiser l’enfant dans un cadre faisant appel à son initiative. Aussi bien celui-ci est-il «récompensé» à chaque progrès (par une sucrerie) et «puni» par une sanction à chaque recul. D’où la guerre désolante à laquelle on assiste, puisque des praticiens éminents, comme le pédopsychiatre Pierre Delion (CHU de Lille) partisan d’une approche multiple, soutenue d’ailleurs par des associations de parents, est devenu, comme d’autres cliniciens parfaitement respectables, la principale victime d’une campagne de calomnies orchestrée par les adeptes d’un antifreudisme radical.
«Nous avons cherché l’ennemi et nous l’avons trouvé en nous», disait Stanley Kubrick. Les psychanalystes devraient réfléchir à ce jugement. A force de repli sur eux-mêmes, ne sont-ils pas devenus, comme le redoutait Freud, les ennemis de la psychanalyse ?