Le camarade com_71 a écrit :
J'ai lu récemment, mais ne me souviens plus où, que les anti-vaccins invoquent le fait que l'immunité offerte par une contamination naturelle était d'une plus longue durée que celle découlant de la vaccination.
L'"argument" suppose naturellement que les suites de la contamination naturelle soient bénignes, il est donc fallacieux.
Cela dépend de la maladie. Certaines comme la
rougeole amènent une protection à vie après une contamination naturelle initiale, d'autres non. Mais l'argument est doublement fallacieux : non seulement les suites de la contamination naturelle ne sont pas toujours bénignes, mais en plus, la méthode de la contamination naturelle n'est, contrairement à la vaccination, absolument pas susceptible de conduire à l'éradication de la maladie !
La rougeole en est la parfaite illustration.
Cette maladie virale très contagieuse est le plus souvent bénigne (fièvre, toux, écoulement nasal, parfois troubles digestifs, puis éruption généralisée de plaques rouges sur peau blanche ou brunes sur peau noire, débutant en général sur le visage et s'étendant ensuite à tout le corps). Mais elle peut prendre des formes beaucoup plus graves qui sont loin d'être rares et peuvent entraîner des pneumonies ou des encéphalites parfois mortelles (10 % des encéphalites sont mortelles). On sait aussi depuis peu que les enfants qui sortent d'une rougeole restent affaiblis pendant deux ans face à d'autres maladies infectieuses.
Les rougeoles de l'adolescent et de l'adulte prennent encore plus souvent une forme grave.
Le vaccin est très efficace, mais de par sa nature (vaccin vivant atténué) il ne peut pas être administré aux personnes immunodéprimées (sous peine de déclencher un réveil de la maladie). Aussi, ce qui compte, c'est l'immunité de groupe : que 95 % des enfants soient vaccinés, et la circulation du virus se trouve entravée, faisant régresser l'épidémie et protégeant du même coup les immunodéprimés que l'on ne peut pas vacciner, ainsi que les enfants de moins de un an (la vaccination n'ayant pas lieu avant). Chose que le "laisser-faire" naturel ne permet pas d'obtenir...
Les campagnes de vaccination contre la rougeole ont fait considérablement régresser la maladie. Avant la généralisation progressive de la vaccination dans les années 1960, la rougeole était l'infection causant le plus de morts dans le monde (6 millions de décès par an pour 135 millions de cas). Puis, la vaccination a fait s'effondrer ce nombre : 2,6 millions de morts en 1980 ; 750.000 morts en 2000 ; 345.000 morts en 2005 (sur 10 millions de cas) ; 140.000 morts en 2010... Désormais, l'éradication de la maladie devient possible. En septembre 2016, l'ensemble du continent américain (du Canada à la Terre de Feu) a été déclaré par l'OMS exempt de rougeole (il y a encore quelques rares cas, mais tous sont "importés", concernant des individus arrivés d'Europe par exemple, et ces cas ne causent pas d'épidémies, il n'y a plus de transmission locale de la maladie grâce à une barrière vaccinale efficace).
De fait, la rougeole a reculé partout dans le monde (hormis dans quelques zones inaccessibles à cause de guerres, comme l'Afghanistan où les personnels soignants se font tirer dessus dans certains régions...) et sur tous les continents sauf un... l'Europe ! En Europe, on constate de nouvelles flambées épidémiques dues à une couverture vaccinale insuffisante... Elle-même conséquence d'un relâchement de la politique vaccinale dans certains pays d'une part, et de l'écho croissant des mouvements anti-vaccination d'autre part (dopés par certains scandales vaccinaux). En France, sur la période 2008-2016, il y a eu 24.000 cas de rougeole (dont 15.000 sur la seule année 2011) avec 1.500 hospitalisations pour pneumonie grave et 34 complications neurologiques dont 31 encéphalites ; au total, il y a eu 10 morts, dont 7 personnes immunodéprimées qui n'avaient pas pu être vaccinées et qui auraient été protégées par l'immunité de groupe si la couverture vaccinale avait été suffisante. L'année 2015 et la première moitié de 2017 ont connu de petites flambées bien moins importantes que celle de 2011, mais qui sont malgré tout inquiétantes. En 2017, une jeune femme de 16 ans est décédée, selon les autorités, "
dans un tableau de détresse respiratoire aiguë et de défaillance multiviscérale" : elle n'avait aucun antécédent médical mais n'était pas vaccinée. Hormis deux flambées en Alsace et en Moselle, la majorité des cas a lieu dans la moitié Sud de la France, c'est-à-dire dans les régions où la couverture est la moins bonne et où les vaccino-sceptiques sont plus nombreux (l'Ardèche par exemple...)
Mais la plus forte épidémie de rougeole en Europe a lieu en Roumanie. Entre septembre 2016 et août 2017, il y a eu 8.400 cas et 32 morts. Cela résulte d'un certain relâchement des autorités mais aussi, de l'émergence en Roumanie d'un fort mouvement de défiance vis-à-vis de la vaccination, qui touche en particulier l'Ouest du pays : dans le département de Timisoara, la couverture vaccinale avait chuté à 35 %. Sans surprise, l'épidémie actuelle est plus forte... dans l'Ouest de la Roumanie ! Depuis, le gouvernement roumain a réagi en rendant la vaccination obligatoire (elle ne l'était pas) avec une amende de 2.200 € en cas de refus...