il y a des trucs pas très propres, mais d'autres intéressants
(les sauts de ligne sont de moi, pour aérer un peu le texte)
(L'Humanité 18 septembre 2003 a écrit :À lire la presse, et surtout l’Humanité, la petite paysannerie serait devenue le fer de lance de la lutte contre le capitalisme mondialisé. Pas n’importe quelle petite paysannerie, celle issue de mai 68, de ceux qui, étudiants, avaient dit " merde " à la société et s’étaient établis sur le Larzac.
Les salariés que certains considéraient à l’époque comme embourgeoisés sont quant à eux restés dans leur entreprise à subir l’exploitation capitaliste. Il fallait bien que certains restent à produire des richesses, des vêtements, de l’énergie, des engrais, des machines agricoles... ! Mais il est difficile de fuir définitivement la société, elle finit par vous rattraper, d’autant que le capitalisme a une fâcheuse tendance à s’étendre à toute la sphère de la société.
Dans la guerre économique que se livrent l’Europe et les États-Unis, ces derniers, prenant prétexte de l’embargo européen sur les viandes étasuniennes provenant d’animaux traités aux ostrogènes de synthèse, ont imposé des droits de douanes exorbitants à de nombreux produits européens dont le roquefort, produit final du lait des brebis élevées au Larzac. Pour combattre cette situation, nos agriculteurs ont fait de la lutte contre l’OMC leur cheval de bataille. Mais en partant d’une lutte ponctuelle justifiée, on élargit le problème de l’OMC à l’ensemble de la société, en affirmant que toutes les décisions prises dans chaque pays ne sont que l’application des décisions de l’OMC.
Ce n’est pas l’OMC qui est responsable de la politique antisociale du gouvernement Raffarin comme de celle du gouvernement Jospin. Si certaines forces veulent utiliser l’OMC pour accroître la déréglementation et élargir la zone d’intervention du capital, il est inexact d’affirmer que le monde est régi par l’OMC. Cette affirmation réduit le mouvement de lutte à faire de la figuration devant chaque réunion de l’OMC ou des chefs d’État et de gouvernements ou dans des forums " citoyens ".
Le seul moyen de peser sur les choix de l’OMC est de développer le mouvement de lutte contre la politique de chaque gouvernement de façon à obliger leur représentant à prendre d’autres décisions. La lutte sur la politique de l’OMC est intimement liée à la lutte contre la politique du capital dans chaque pays. Le discours de José Bové n’est pas un discours anticapitaliste, même si certains s’évertuent à lui donner cette coloration. Son adversaire n’est pas la politique du gouvernement, n’a-t-il pas demandé à Jean-Pierre Raffarin l’organisation d’un débat sur l’OMC.
La mise en avant de slogans généralistes, dépourvus de toutes propositions concrètes susceptibles de constituer des objectifs de lutte, ouvre la voie à des compromis acceptables avec les forces dominantes. À droite, les plus politiques l’ont très bien compris : " José Bové pose de vraies questions. " La presse bourgeoise, peu encline à encourager le syndicalisme, est très complaisante à son égard. Le capitalisme est très récupérateur, tout ce qui n’est pas contestation fondamentale est récupéré, recyclé.
Le fondamental, c’est le rapport salariat-employeur, c’est la rémunération et la gestion de la force de travail, dont dépendent les stratégies économiques. Cette lutte, la Confédération paysanne (qui est un syndicat de petits propriétaires terriens) ne peut la mener. Elle essaye d’utiliser le fort mouvement de lutte de juin pour ses propres objectifs ; les négociations de l’OMC, en fixant elle-même les dates et modalités des manifestations, les salariés et leurs organisations syndicales étant invités à se regrouper derrière ses initiatives. Cette vision directive et utilitariste du mouvement de lutte n’est pas celle de la CGT. Quel est en définitive l’adversaire de la Confédération paysanne, quelle est sa stratégie ?
Peut on parler de syndicalisme, quant l’essentiel de l’action consiste à détruire un McDo et des cultures d’OGM ? Les salariés ont toujours défendu leur outil de travail. C’est le capital qui ferme les entreprises quand il juge que le taux de profit est devenu insuffisant. L’enjeu du syndicalisme de lutte est de contester au capital ses choix économiques en orientant autrement les stratégies des entreprises en conjuguant création de valeurs et intérêt des salariés.
Est-ce que la lutte contre la politique commerciale des États-Unis passe par le saccage d’un McDo et la mise au chômage de ses salariés ? Si oui, il ne faut pas s’arrêter à celui de Millau ! Le saccage n’était il pas tout simplement un moyen d’obliger McDo à s’approvisionner chez les producteurs locaux. Nous sommes loin du syndicalisme !
Concernant les OGM, José Bové estime légitime de violer la loi puisqu’il la juge mauvaise ! Mais si chacun procède ainsi il n’y a plus d’État. C’est la légitimation des commandos anti-IVG, des commandos anti-vivisection ; c’est la porte ouverte à tous les obscurantismes. Mais qui juge les OGM dangereux ? ATTAC et ses composantes ! Mais à partir de quelles données scientifiquement établies ? Pas un travail scientifique, n’apporte un quelconque argument en faveur d’un effet nocif sur la biodiversité et la santé. Les deux ou trois publications de 2001 qui allaient dans ce sens ont depuis été invalidées. Il n’y a rien de concret contre les OGM hormis un a priori idéologique.
La science et la technologie sont rendus par certains responsables de tous nos maux (c’est l’idéologie développée par les Verts et la CFDT) pour d’autres la technologie est l’arme de la stratégie capitaliste (c’est l’idéologie d’ATTAC). Pour les uns comme pour les autres, les innovations technologiques doivent être combattues. Mais ce refus de la technologie qui est un refus d’affronter le monde réel avec ses enjeux est avant tout l’expression d’une conception essentiellement autarcique de l’économie basée sur l’autosuffisance.
La petite paysannerie a historiquement été réticente dans sa majorité aux innovations technologiques par insuffisance de capital. José Bové, dont les méthodes sont celles de l’anarcho-syndicalisme - ce qui explique l’engouement de SUD pour le rassemblement du Larzac - en est l’expression.