par iko » 25 Jan 2005, 01:36
Ce débat devient un peu difficile à suivre.
Je m’absente 48 heures et je me retrouve avec plus de 100 pages à lire ! Même plus de papier. Et deux autres fils à suivre désormais. (Je n’ai lâchement pas répondu à celui que Logan avait ouvert sur psychanalyse et politique parce que vous écrivez trop vite et que sa citation tronquée augurait mal du futur débat.)
Qui peut suivre ce rythme à part les cinq ou six participant à l’écrit ?
Ne pensez-vous pas qu’on pourrait ralentir la marche pour éviter de larguer les lecteurs de bonne volonté ? Mais je n’ai pas l’habitude du forum…
C’est quoi l’hystérie ?
Maintenant, on ne se cause plus à cause de l’hystérie. !
Au moins, on reconnaît bien l’œuvre du vecteur hystérique dans toute relation sociale. Sans l’hystérie, que les scènes de ménages seraient tristes… car l’hystérie est avant tout une façon d’être au monde. N’en déplaise aux nouveaux moralisateurs.
J’ai l’impression que nos camarades Canardos et Rojo situent la nouvelle psychiatrie neurobiologique et évaluatrice au dessus de l’idéologie : « Dans le temple de la science, même sous le capitalisme, on lutte contre l’obscurantisme ! ».
Sauf que pour la psychiatrie, ça pose un sacré problème. Celui de la notion même de maladie.
En médecine, on est en bonne santé ou on ne l’est pas. Enfin, c’est ce qu’ils croient… Allez demander ça aux médecins généralistes ou aux infirmières à domicile.
C’est cette séparation du normal et du pathologique qu’ils veulent instaurer en psychiatrie. Il y a les gens sains, et ceux qui présentent des troubles psychiatriques. Le DSM se veut la bible des désordres mentaux.
Il y a ceux qui sont passagers, comme ceux que vous avez cités et d’autres comme la dépression. (Car il faudrait peut-être un jour aborder ce que signifie l’épidémie actuelle de dépression. Et cette épidémie ne trouve pas seulement ses causes dans l’accentuation de l’exploitation du capital. On la retrouve aussi chez les nantis.)
Et puis il y a les troubles chroniques. Ils ne peuvent être dus qu’à des désordres organiques, à étiologie essentiellement génétique. Il faut donc accompagner les malades en tant qu’handicapés, leur donner des médicaments et accélérer la recherche scientifique pour trouver l’origine des désordres mentaux ou de meilleurs médicaments.
Comme par hasard, les critères de normal et pathologique vont dans le sens de l’exploitation : il faut être rentable pour le capital. Alors les défenses perverses d’un petit chef ne seront pas pathologiques ; mais la décompensation de ses proches le sera, et devra être soignée le plus rapidement possible… sinon c’est, à défaut de handicap, la lente marche vers l’exclusion…
Alors il n’y a plus aucun terme pour définir les gens normaux. A part peut-être les battants et les esclaves dans l’âme.
C’est la même chose que pour le corps social. Nos nouveaux sociologues ont mis en place de nouvelles grilles de lecture des stratifications sociales et, tour de passe-passe, la classe ouvrière a disparu !
Quoiqu’on retienne comme classification, ça n’empêchera pas l’hystérie d’exister. L’hystérie féminine oscille toujours entre Marilyne Monroe et madame Bovary. Pour l’hystérie masculine Don Juan nous suffira.
Mais alors, c’est quoi l’hystérie ? C’est se faire objet du désir de l’Autre. (Ça, mon A majuscule va en faire hurler plus d’un)
Une phrase de Lacan, juste pour vous agacer tous. « L’hystérique cherche un maître, pour le dominer ». Et les maîtres sont des hommes ! C’est pourquoi l’hystérie est plus féminine que masculine. Surtout que pour couronner le tout, ce sont les hommes qui font le diagnostique.
Mais regardez un peu la télé. Vous avez une brochette d’hommes hystériques, comme c’est pas possible ; dans la séduction permanente, adorant flirter avec la perversion, surtout quand à leur place, ils ne risquent pas d’être du mauvais côté de la perversion…
Ils auront beau faire les classifications qu’ils veulent, les hystériques, les obsessionnels, les phobiques continuent d’exister autant que la classe ouvrière existe. Et ils survivront même à sa dégénérescence. Pareil pour les schizophrènes ou les délirants chroniques. C’est leurs symptômes qui seront différents. C’est pas pareil !
Pas besoin d’avoir décompensé pour, tout d’un coup, acquérir un profil de personnalité prémorbide.
J’admire Caupo et Cyrano de s’être ainsi lancés dans la gueule des loups.
Ceci dit, merci à eux pour toutes ces citations de Freud. Elles n’ont pas fait changer la position de Canardos ou Rojo sur la psychanalyse, mais au moins elles permettent de montrer aux autres que Freud avait quand même cet acharnement à partir de la clinique, clinique de la vie quotidienne comme de celle des gens qu’il écoutait.
C’est vrai qu’ils se sont fait coincés sur l’hystérie, mais c’est le piège classique. Surtout dans notre milieu qui guète le petit bourgeois phallocrate.
Freud était un petit bourgeois viennois. Il avançait avec ses patients, il essayait de comprendre ce qu’il se passait. Il émettait des hypothèses, il les critiquait quelques années plus tard quand elles lui semblaient fausses. Continuer Freud, c’est aussi parfois faire le constat que lui-même aurait fait si il avait eu le temps. Sur la psychose par exemple. Et sur la castration et l’envie du pénis, même si il était beaucoup plus rigoureux que ceux qui lui font dire ce qu’il n’a pas dit. On lui amenait ses patients, ou ils venaient d’eux-mêmes. Et à cette époque, c’étaient des femmes hystériques qu’on lui amenait.
Freud s’est donc intéressé à l’hystérie féminine qui était le seul objet que la faculté acceptait de diagnostiquer. Il a donc contribué à l’étude de l’hystérie féminine. Pas de quoi en faire un fromage…
Mais il a ouvert une discipline qui permet maintenant d’affirmer sans problème que l’hystérie existe et qu’elle est même une des personnalités la plus représentée, qu’elle touche autant les hommes que les femmes, et que sans le vecteur hystérique, la vie serait vraiment triste !
Et le génie de Feud, c’est que grâce à cette pauvre Anna que vous avez tant malmenée sur le fil ce week-end, il a découvert la chose la plus importante qui soit… vous allez commencer à dire que je radote, mais enfin… LE TRANSFERT.
Et oui ! Son copain Breuer a pris peur parce que la jeune femme tombait amoureuse de lui. Et hop ! Il lui refourgue. Et qu’est-ce qu’elle fait ? Elle remet ça sur le père Freud coincé comme il est. Et de son embarras, il en sort la première conceptualisation du transfert, découvert tout d’abord comme obstacle à la cure… vous connaissez la suite.
Donc maintenant que vous vous êtes bien écharpé un week-end sur l’hystérie, et que rien ne viendra changer les positions de chacun si on aborde cette question de front, j’aimerai recentrer le débat sur mes pauvres schizophrènes et demander à Rojo et Canardos s’ils savent comment leur faculté soigne les schizophrènes ou quelque soit le nom qu’elle leur donne. Parce que je vous donne 20 ans pour que Canardos nous sermonne que la schizophrénie n’existe plus…. parce qu’ils ne trouveront rien sur le plan génétique s’ils ne redécoupent pas la catégorie des psychoses. C’est bien ça qui les emmerde aussi !
Et en attendant, j’ai toujours mon éternelle question à laquelle vous n’avez toujours pas répondu. A-t-on le droit, à partir de l’écoute des plaintes des gens, de se forger une espèce de boite à outil conceptuelle, qui puisse rendre compte des comportements et ressentis de l’être humain et ce faisant les aider?