pseudosciences et post modernisme

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par canardos » 24 Déc 2006, 12:00

Sur judith Butler la bio de wikipedia ne disant pas grand chose de précis sur ses thèses je suis sur que louis dans son style habituel limpide percutant et précis va nous l'expliquer pour qu'on en discute, notamment sur la position dans "troubles dans le genre par rapport aux thèses de Luce Irragaray qui affirmait:

a écrit :

"Toute connaissance est produite par des sujets dans un contexte historique... La science manifeste certains choix, certaines exclusions dues notamment au sexe des savants."
"L'équation E = Mce est-elle une équation sexuée? Peut-être que oui. Faisons l'hypothèse que oui dans la mesure où elle privilégie la vitesse de la lumière par rapport à d'autres vitesses dont nous avons vitalement besoin. Ce qui me semble une possibilité de la signature sexuée de l'équation, ce n'est pas directement ses utilisations par les armements nucléaires, c'est d'avoir privilégié ce qui va le plus vite [...]» (Irigaray, 1987b, p. 110)"



Cela dit, je ne résiste pas au plaisir de remettre ici ce petit article de Sokal sur Bruno Latour, le maitre à pensée de Louis:

a écrit :

[center]Les mystifications philosophiques du professeur Latour [/center]

par Alan Sokal

Le débat sur l'objectivité et le relativisme, la science et le postmodernisme, qui agite depuis huit mois les milieux académiques américains et en particulier ceux de gauche, est maintenant arrivé en France. Et avec quel éclat! A la suite de Denis Duclos (Le Monde du 3 janvier), voici que l'éminent sociologue Bruno Latour offre son interprétation de la soi-disant "affaire Sokal" (18 janvier). Hélas, son article est trop audacieux et trop modeste à la fois.

Trop audacieux lorsqu'il prétend, sans en apporter la moindre preuve, qu'"un très petit nombre de physiciens théoriciens, privés des gras budgets de la guerre froide, se cherchent une nouvelle menace" en s'attaquant aux intellectuels postmodernes. Ah, si les choses pouvaient être si simples! Comment expliquer alors les nombreux sociologues, historiens, littéraires et philosophes qui se sont joints à la critique du relativisme postmoderne? Je ne prétends nullement deviner les motivations d'autrui, mais je suis tout à fait prêt à expliquer les miennes: j'ai écrit ma parodie non pas pour défendre la science contre les prétendues hordes barbares de la sociologie, mais pour défendre la gauche universitaire américaine contre des tendances irrationalistes qui, pour être à la mode, n'en sont pas moins suicidaires.

Plus audacieux encore, M. Latour m'accuse de mener une croisade contre la France, "devenue une autre Colombie, un pays de dealers qui produiraient des drogues dures -- le derridium, le lacanium... --, auxquels les doctorants américains ne résistent pas plus qu'au crack." Belle image, mais quelle est la réalité? Loin du nationalisme imaginé par Latour, je suis un internationaliste convaincu (ce n'est pas par hasard que j'ai enseigné les mathématiques dans le Nicaragua sandiniste). Ce qui compte n'est jamais l'origine d'une idée, mais son contenu; il faut dénoncer la paresse et l'imposture intellectuelles, d'où qu'elles viennent. Et si le charabia postmoderniste/poststructuraliste aujourd'hui hégémonique dans certains secteurs de l'université américaine est en partie d'inspiration française, il n'en est pas moins vrai que mes compatriotes lui ont depuis longtemps donné une saveur autochtone qui reflète fidèlement nos propres obsessions nationales. Les cibles de ma parodie sont donc d'éminents intellectuels français et américains, sans préférence nationale.

Trop modeste est M. Latour, par contre, lorsqu'il essaie de minimiser les leçons de l'affaire en affirmant que Social Text est "tout simplement une mauvaise revue". D'abord ce n'est pas vrai: son dernier numéro, sur la crise du travail académique, est bien écrit et fort intéressant. Mais surtout ce raisonnement élude le véritable scandale, qui ne réside pas dans le simple fait que ma parodie ait été publiée, mais dans son contenu. Et voici le secret qui la rend si amusante, le secret que Latour préférerait cacher: les parties les plus comiques je ne les ai pas écrites moi-même, puisque ce sont des citations directes des Maîtres (que je flatte sans vergogne). Et parmi ceux-ci on trouve certes Derrida et Lacan, Aronowitz et Haraway -- mais on trouve aussi notre trop modeste ami ... Bruno Latour.

Il fallait donc au professeur Latour une sacrée dose de "chutzpah" (comme on dit en bon yiddish) pour affirmer: "La blague est drôle, une intervention astucieuse. Elle flanque une bonne raclée à des gens qui la méritent. [Mais pas aux] chercheurs qui, comme moi, font partie des science studies" et "ont une formation scientifique" (Libération du 3 décembre 1996). Je n'ennuierai pas les lecteurs du Monde en explicitant la "formation scientifique" manifestée par Latour dans son essai sur la théorie einsteinienne de la relativité, celle-ci étant présentée comme "une contribution à la sociologie de la délégation" (Social Studies of Science 18, pages 3--44, 1988). Les détails paraîtront dans le livre que Jean Bricmont et moi-même sommes en train d'écrire, sur Les impostures scientifiques des philosophes (post-)modernes. Disons seulement que certains collègues ont soupçonné l'article de Latour d'être, tout comme le mien, une parodie.

Latour prétend ensuite s'adresser à la sociologie des sciences, mais son exposé est confus: il mélange allègrement ontologie et épistémologie, et s'attaque à des thèses que personne ne soutiendrait. "Au lieu de reconnaître une science à l'exactitude absolue de son savoir, on la reconnaît à la qualité de l'expérience collective qu'elle monte" -- mais qui de nos jours prétendrait que la science fournit des "exactitudes absolues"? La mécanique newtonienne décrit le mouvement des planètes (et beaucoup d'autres choses) avec une précision extraordinaire -- et ceci est un fait objectif -- mais elle est néanmoins incorrecte. La mécanique quantique et la relativité générale sont de meilleures approximations de la vérité -- et ceci également est un fait objectif -- mais elles aussi, étant incompatibles, seront sans doute un jour supplantées par une théorie (encore inexistante) de la gravitation quantique. Tout scientifique sait bien que nos connaissances sont toujours partielles et révisables -- ce qui ne les empêche pas d'être objectives. De la même manière, Latour réduit le relativisme à une banale "capacité à changer de point de vue", comme si celle-ci n'était pas depuis longtemps une des caractéristiques par excellence de l'attitude scientifique.

Mais la principale tactique de Latour, lorsqu'il présente sa vision de la sociologie des sciences, est de vider celle-ci de son contenu en se repliant sur des platitudes dont personne ne doute. L'histoire sociale des sciences "propose de l'activité scientifique une vision enfin réaliste" et "se passionne pour les liens innombrables entre les objets des sciences et ceux de la culture" -- qui pourrait ne pas applaudir? Mais où est la rupture, tant vantée, avec la sociologie traditionnelle des sciences, à la Merton? Cette tactique cache tout ce qui est radical, original et surtout faux dans la "nouvelle" sociologie des sciences: à savoir, que l'on peut (et doit) expliquer l'histoire des sciences sans tenir compte de la vérité ou fausseté des théories scientifiques. Ce qui veut dire, si l'on est honnête, qu'il faut expliquer l'acceptation des théories de Newton ou de Darwin sans jamais invoquer les preuves empiriques en faveur de ces théories. Passer de cette attitude à l'idée qu'il n'existe pas d'arguments empiriques, ou que ceux-ci sont sans importance, est un pas qui est trop souvent franchi (par Feyerabend, par exemple) et qui mène tout droit à l'irrationnel.

Pour mieux apprécier les ambiguïtés des thèses de Latour, relisons la Troisième Règle de la Méthode qu'il énonce dans son livre La science en action: "Etant donné que le règlement d'une controverse est la cause de la représentation de la nature et non sa conséquence, on ne doit jamais avoir recours à l'issue finale -- la nature -- pour expliquer comment et pourquoi une controverse a été réglée." Il s'agit manifestement d'une confusion profonde entre "la représentation de la nature" et "la nature", c'est-à-dire entre nos théories sur le monde et le monde lui-même. Selon qu'on résout l'ambiguïté d'une façon ou d'une autre (en utilisant deux fois l'expression "représentation de la nature" ou "nature"), on peut obtenir le truisme que nos théories scientifiques sont nées d'un processus social (ce que la sociologie dite traditionnelle avait fort bien montré); ou l'affirmation radicalement idéaliste que le monde externe lui-même est créé par les négociations entre scientifiques; ou encore le truisme que la résolution d'une controverse scientifique ne peut pas être expliquée uniquement par l'état du monde; ou bien l'affirmation radicalement constructiviste que l'état du monde ne peut jouer aucun rôle lorsqu'on explique comment et pourquoi une controverse scientifique a été close.

Latour se présente souvent comme philosophe, et cette règle est une de ses sept Règles de la Méthode. Il est difficile de croire que son ambiguïté est due uniquement à une distraction de l'auteur. En effet, ce genre d'ambiguïté est fort commode dans les débats. L'interprétation radicale peut être utilisée pour attirer l'intérêt des lecteurs peu expérimentés en philosophie; et l'interprétation inoffensive peut être utilisée comme position de retraite quand la fausseté manifeste de celle-là est révélée ("mais je n'ai jamais dit cela ...").

Pourtant, les problèmes de la philosophie des sciences, et des sciences humaines en général, sont trop importants pour être traités avec une telle légèreté. Au contraire, ils nécessitent une grande rigueur intellectuelle. Les sciences exactes et les sciences "souples" sont effectivement dans le même bateau. Flirter avec le relativisme et l'irrationalisme ne nous conduit nulle part.

canardos
 
Message(s) : 18
Inscription : 23 Déc 2005, 16:16

Message par canardos » 24 Déc 2006, 12:52

j'ai trouve sur le site "Omacronides" une présentation interessante du dernier bouquin de Sokal, qui montre que le matérialisme de Sokal est plus conséquent que celui de Gould:

a écrit :

[center]Pseudosciences et postmodernisme, [/center]
par Alan Sokal

Le dernier ouvrage d'Alan Sokal ne manquera pas de créer la polémique. Mais le physicien y est habitué depuis près de 10 ans maintenant et ce que l'on a appelé « l'affaire Sokal ». Dans Pseudosciences et postmodernisme, il revient donc sur son thème de prédilection : les dérives pseudoscientifiques de certains courants de pensée.

Avant de passer en revue le contenu de l'ouvrage, il est peut-être utile de faire une rapide présentation d'Alan Sokal. Pour faire court, Sokal est surtout connu du grand public pour un article qu'il publia en 1996 dans la revue Social Text : « Transgresser les frontières : vers une herméneutique transformative de la gravité quantique ». En fait, c'est plutôt la polémique issue de cette publication qui fit grand bruit car l'article de Sokal était un canular : il y employait un jargon abscont sans queue ni tête (mais parfaitement exact dans ses citations) pour montrer qu'un texte - même bourré d'inépties et de non sens - pouvait être publié si (1) il était bien écrit et (2) il flattait les préjugés idéologiques des éditeurs. Trois semaines plus tard, le physicien révélait la supercherie et les critiques, notamment en France, s'abatirent sur lui.

On peut considérer que le présent ouvrage, après Impostures intellectuelles (Odile Jacob, 1997) co-écrit avec Jean Bricmont, est une suite logique de sa démarche : traquer la molesse intellectuelle qui envahit peu à peu la sphère scientifique à travers le courant postmoderne et les incursions pseudoscientifiques.

Certains pourraient trouver bizarre cet « acharnement mono-maniaque », mais Sokal explique très bien pourquoi la question des pseudosciences, aussi futile puisse-t-elle paraître, reste primordiale :

Si la croyance du grand public à la voyance et autres phénomènes du même type me préocuppe, c'est principalement parce que je soupçonne la crédulité dans des domaines mineurs de préparer l'esprit à la crédulité dans des domaines plus graves.

Alan Sokal, p.145-146.

Voyons donc dans le détail ce que contient ce nouvel opus.

Postmodernisme, sciences et pseudosciences

D'abord, qu'entend on par « postmodernisme » ? Dans le cas qui nous occupe ici, il s'agit d'une méfiance vis-à-vis de la science en tant qu'actrice principale de la modernité :

Parce que l'esprit scientifique est l'un des traits dominants de la modernité, cette tournure d'esprit qui consiste à douter de la science, voire à la soupçonner d'être à l'origine de nos maux les plus graves, comme le totalitarisme par exemple, se veut « postmoderne ».

Alan Sokal, p.40.

Sokal ne s'attarde pas à définir ce qu'est une pseudoscience, ni à énumérer les arguments qui permettent de qualifier certaines disciplines d'antiscientifiques. Il rappelle simplement la différence fondamentale entre pratique scientifique et pratique pseudoscientifique :

La distinction entre science et pseudoscience ne concerne donc pas leur objet, mais bien plutôt la méthode employée et la fiabilité du savoir (ou prétendu savoir) obtenu.

Alan Sokal, p.43.

Une fois posées les « conditions initiales » du débat, il teste son hypothèse de travail : le courant de pensée postmoderne est-il un terreau propice à l'épanouissement de disciplines pseudoscientifiques ?

Les pratiques paramédicales

La première partie de l'ouvrage est consacrée à l'intrusion de pratiques non scientifiques dans le domaine paramédical. Des pratiques comme le toucher thérapeutique, inventé dans les années 70 par Dolores Krieger, professeur de soins infermiers à l'université de New-York et Dora Kunz, médium qui devint par la suite présidente de la Société théosophique américaine :

Le traitement thérapeutique consiste donc à éliminer les « congestions » du champ énergétique du patient pour le « rééquilibrer » de manière à rétablir une circulation d'énergie plus naturelle, grâce à un transfert d'énergie dirigé du thérapeute vers le patient.

Alan Sokal, p.59.

Sokal poursuit ici le travail menée par la journaliste médicale Sarah Glazer et reproduit de nombreux extraits d'ouvrages. On voit dés lors apparaître sous la plume de ces « thérapeutes » le verbiage classique des pseudoscientifiques, maniant des notions floues ou confuses, des métaphores comme des faits, récupérant des concepts scientifiques sans vraiment en comprendre le sens ou en les appliquant dans un tout autre domaine que celui pour lequel ils ont été pensés. Devant un tel déluge d'incohérences, un seul mot peut convenir : délirant.

Comment ce type de pratique a-t-il pu se développer ? Sans doute à travers les critiques récurrentes formulées à l'encontre du corps médical, dont certaines sont d'ailleurs pertinentes : le strict réductionnisme scientifique appliqué en médecine en a souvent fait oublier l'individu derrière la pathologie ; il a parfois amener à considérer le patient comme une expérience de laboratoire plus que comme un être humain souffrant.

Par contre, d'autres critiques rejetent le principe même de la démarche scientifique appliqué en médecine. C'est en cela que le courant postmoderne est, pour Sokal, l'assise idéologique des pseudosciences :

Finalement, les théoriciens les plus ambitieux de la pseudoscience des soins infirmiers - tels que Martha Rogers et ses successeurs - ont érigés des systèmes élaborés sur un brouillard verbal qui rappelle, en moins subtil, celui de deleuze et Guattari. Leur méthode, si tant est qu'il y en ait une, semble consister à postuler un système abstrait pour ensuite en « déduire » les conséquences. (...) Au bout du compte, l'opération se résume à la création d'une taxonomie minutieuse d'anges, bourrée d'ergotages scolastiques à propos de la nature « quadrimensionnelle », « multidimensionnelle » ou « pandimensionnelle » de ces anges. Ce type de procédé se rapproche d'un autre aspect de ce que j'ai appelé le « postmodernisme », à savoir la production de discours théoriques sans validation empirique possible.
Alan Sokal, p.81-82.

Le nationalisme indien

Autre exemple de la dérive pseudoscientifique de certains courants postmodernes : le relativisme des savoirs, qui amène à envisager une « science nationale » dans certains pays comme l'Inde.

S'appyant sur les travaux de Meera Nanda, Sokal reproduit là encore de nombreux extraits d'ouvrages de nationalistes indiens, ouvrages dont la quintescence peut se résumer comme suit :

la science moderne est fondée sur la violence et l'exploitation.
la prétention de la science moderne à l'universalité et à l'objectivité est illusoire.
chaque civilisation a le droit de créer sa propre science.
Dés lors, en prenant ces assertions comme des faits indiscutables, le développement d'une science locale, nationale, védique, paraît légitime :

(...) les postmodernes et les postcoloniaux contestent l'existence de critères universels de rationalité et d'évaluation de preuves empiriques. Ils affirment que toutes les sciences sont des ethnosciences et que chaque ethnoscience doit être évalué en fonction de critères en vigueur dans sa propre culture. On retrouve là l'un des préceptes centraux d'une grande partie des « études des sciences » (science studies) contemporaines, particulièrement de leur mouvance féministe, multiculturaliste et postcoloniale.

Alan Sokal, p.112.

Si l'on ajoute à ces deux exemples, amplement développés dans l'ouvrage, le radicalisme écologique tendace new age ou certaines dérives de l'historiographie, comment ne pas être tenter de considérer que le relativisme des savoirs propre à certaines idéologies postmodernes stimule l'épanouissement de croyances pseudoscientifiques ?!

A de nombreux égards, la science va à l'encontre des tendances naturelles de la psychologie humaine, tant par ses méthodes que par ses résultats. La pseudoscience pourrait bien être plus « naturelle » à notre espèce. Le maintien d'une perspective scientifique sur les choses exige une lutte intellectuelle et émotionnelle permanente contre la pensée complaisante, téléologique et anthropomorphique, contre les erreurs de jugement en matière de probabilité, de corrélation et de relation causale, contre la tendance à percevoir des patterns inexistants, et contre la propension à chercher des confirmations plutôt qu des réfutations à nos théories préférées.

Le postmodernisme n'a pas engendré la pseudoscience et, dans la plupart des cas, ne la soutient pas explicitement. Néanmoins, en affaiblissant les fondements intellectuels et moraux de la pensée scientifique, le postmodernisme est complice de la pseudoscience et agrandit « l'océan de folie sur lequel le frêle esquif de la raison humaine navigue tant bien que mal ».
Alan Sokal, p.152-153.

La religion comme pseudoscience

Enfin, l'ouvrage se termine par deux appendices. Le premier, écrit par Sokal seul, revient sur l'éternel débat science contre religion et cherche à démontrer pourquoi la religion, à l'instar d'autres disciplines, doit être considérée comme une pseudoscience car il faut refuser de faire deux poids deux mesures.

En effet, le consensus qui domine la communauté scientifique consiste à affirmer que science et religion ne parlant pas de la même chose, chaque discipline doit se consacrer uniquement à ce dont elle s'occupe (le « monde matériel » pour les sciences, le « monde spirituel » pour les religions). Cela se traduit par exemple par le principe de « Noma » (non-empiètement des magistères) de Stephen Jay Gould, soutenu par deux idées centrales :

(...) premièrement, ces deux domaines sont d'égale valeur et aussi nécessaires l'un que l'autre à toute existence humaine accomplie ; deuxièmement, ils restent distincts quant à leur logique et entièrement séparés quant à leurs styles de recherche (...)
Stephen Jay Gould, p.64.

Or, pour Sokal, si on applique aux croyances religieuses la même grille de lecture analytique qui nous fait dire par exemple que l'astrologie est une pseudoscience, alors on ne peut que les qualifier elles aussi de pratiques pseudoscientifiques :

La vision du monde de la science moderne, si l'on veut bien être honnête à ce propos, conduit naturellement à l'athéisme - ou du moins à un déisme ou à un panspiritualisme inoffensifs, incompatibles avec les dogmes de toutes les religions traditionnelles -, mais les scientifiques qui osent le reconnaître ouvertement sont peu nombreux.
Alan Sokal, p.157.

Un réalisme scientifique modeste

Le second appendice, rédigé par Sokal et Jean Bricmont, est sans doute la partie de l'ouvrage la moins accessible au grand public. Les deux auteurs y explorent des questions purement épistémologiques concernant les techniques de connaissance du monde et leur efficacité.

Pour faire simple, nous avons d'abord le relativisme et le constructivisme social qui, sous différentes formes et apparences, en arrivent le plus souvent à la conclusion suivante : les assertions factuelles à propos du monde naturel pouvaient être vraies « dans notre culture » tout en étant fausses dans d'autres.

De l'autre côté, le réalisme soutient que l'objectif de la science est de comprendre le monde tel qu'il est réellement, tandis que l'instrumentalisme affirme que cet objectif est inaccessible et que la science devrait se contenter d'être « empiriquement adéquate ».

L'analyse du réalisme et de l'instrumentalisme montre que ces deux approches posent problème à un moment ou à un autre, et qu'il faut se tourner vers un réalisme modeste, un opportunisme épistémologique :

L'objectif de la science est la connaissance de la nature véritable des choses. Cet objectif est ambitieux, mais il n'est pas inaccessible, du moins pour certaines sections de la réalité et si l'on accepte un certain degré d'approximation.
Alan Sokal et Jean Bricmont, p.194.

Ainsi, les théories scientifiques actuelles bien confirmées pourront apparaître comme des approximations d'éventuelles théories futures. Mais pour approximatives qu'elles soient, elles conserveront une place dans la nouvelle description du monde. Elles ne seront pas entièrement rejetées, tout comme la relativité générale n'a pas sonné le glas de la mécanique newtonienne : elle l'a affinée, améliorée, et a investit des domaines pour lesquelles son utilisation n'était pas pertinente.

Références

Gould S. J., Et Dieu dit : « Que Darwin soit ! », Seuil, mai 2000.

Sokal A., Pseudosciences et postmodernisme, Odile Jacob, septembre 2005.
canardos
 
Message(s) : 18
Inscription : 23 Déc 2005, 16:16

Message par canardos » 24 Déc 2006, 13:51

pendant que j'y suis, je pose une colle.

de qui est cette réflexion indiscernable de celles de relativistes postmodernes actuels?

a écrit :

  « Il n’y a jamais eu de science sans présupposés, une science ‘objective’, vierge de valeurs et dépourvue de vision du monde. Le fait que le système de Newton a conquis le monde n’a pas été la conséquence de sa vérité et de sa valeur intrinsèque ou de sa force de persuasion, mais plutôt un effet secondaire de l’hégémonie politique que les Britanniques avaient acquise à cette époque et qui s’est transformée en empire. […] Les faits sont simplement les suivants : une idée née des Lumières –c’est-à-dire une idée issue de la civilisation occidentale à une époque bien précise- s’est érigée en vérité absolue et a proclamé qu’elle était un critère valable pour tous les peuples et à toutes les époques. Nous avons là un parfait exemple d’impérialisme occidental, une impudente affirmation de sa suprématie. »

canardos
 
Message(s) : 18
Inscription : 23 Déc 2005, 16:16

Message par Sterd » 24 Déc 2006, 14:01

:moimoi:
Sterd
 
Message(s) : 0
Inscription : 27 Nov 2005, 20:51

Message par canardos » 24 Déc 2006, 14:08

zyva! je parie que google est ton ami!
canardos
 
Message(s) : 18
Inscription : 23 Déc 2005, 16:16

Message par Sterd » 24 Déc 2006, 14:09

:28:

C'est le même qui a écrit :

a écrit : « Les décisions motivées par une vision du monde fondée sur la race déterminent la structure de base – le principe ou phénomène élémentaire – sur laquelle se fonde une science. […] Un Allemand ne peut observer et comprendre la nature que selon ses caractéristiques raciales. »
Sterd
 
Message(s) : 0
Inscription : 27 Nov 2005, 20:51

Message par canardos » 24 Déc 2006, 14:26

(txi @ vendredi 22 décembre 2006 à 15:36 a écrit :
(Louis @ vendredi 22 décembre 2006 à 13:21 a écrit : Et si vous étiez bon, vous pourriez m'expliquer comment ça peut se combiner avec le bouquin écris par bricmond et régis debray  dont on peut retrouver un écho ici présentation par bricmond

Au passage, j'ignorais ce bouquin, j'ai donc lu ce que tu avais mis en lien. J'ignore la teneur des discussions, mais et alors ? Où est le problème ? En quoi confronter ses idées dans un livre entre gens "philosophiquement mais aussi politiquement , à des familles différentes, certains diront à des « camps opposés » serait-il une "trahison" ? Je n'ai pas lu le bouquin, mais je doute fort que Bricmont y défendent des idées différentes de celles qu'il affirme avec Sokal.
d'autre part, on peut lire :

a écrit :Régis Debray et moi-même nous sommes rencontrés à plusieurs reprises ; d’abord, après la publication, avec Alan Sokal, d’Impostures intellectuelles , nous nous sommes retrouvés pour discuter du théorème de Gödel dans un restaurant parisien. Ensuite, lors de la guerre du Kosovo, surtout au moment de son lynchage médiatique, qui m’aurait choqué même si je n’avais pas été, comme lui, opposé à la guerre.

Eh oui, il est possible que le lynchage de Debray pour ses prises de position contre l'intervention au Kosovo par les petites crevures intellectuelles de la rive gauche a éveillé en même temps que de la répulsion pour la meute,une certaine sympathie pour lui

C'est plutôt normal et ça n'empêche pas de continuer à combattre ses idées en général.

sans compter que justement Sokal et bricmont, loin d'etre d'accord avec Debray avaient démontré l'utilisation ridicule et abusive qu'il faisait du théoreme de Gödel en se moquant du ""théorème de Gödel-Debray" dans Impostures intellectuelles!

Louis est donc particulierement mal fondé à laisser supposer que le dialogue de Bricmont avec Debray traduit une quelconque convergence intellectuelle.

voila un extrait d'un article de jacques Bouveresse, un philosophe matérialiste:


a écrit :

[center]Les malheurs de Gödel ou l'art d'accommoder un théorème fameux à la sauce préférée des philosophes[/center]

Pour en revenir au théorème de Gödel, je dois avouer que je suis proprement sidéré par le degré d'incompréhension et d'ignorance qui a pu être atteint par certains de nos penseurs les plus éminents dans le discours qu'ils tiennent à son propos. Il est évident que l'on a déjà perdu pratiquement toute chance de comprendre de quoi il retourne, si l'on s'obstine à parler, comme on le fait depuis quelque temps, d'axiome, de principe ou même de postulat d'incomplétude, là où il s'agit en réalité d'un théorème dûment démontré et pour lequel Gödel a dû inventer une méthode de démonstration d'une espèce complètement inédite. On pourrait croire que Serres, dont les médias ne perdent pas une occasion de nous rappeler qu'il est, parmi une multitude d'autres choses, mathématicien, est au courant de la différence qui existe entre un axiome ou un principe et une proposition démontrée. Mais si c'était le cas, il se serait abstenu de nous parler d'un " principe de Gödel-Debray ". Et il est remarquable qu'il le fasse non pas dans un article de journal, ce qui après tout n'aurait rien de surprenant, mais dans un ouvrage très sérieux et très impressionnant intitulé Éléments d'Histoire des Sciences. Il y a peut-être un principe de Debray, sur l'importance et la nouveauté exactes duquel je ne veux pas discuter ici, mais il n'y a pas de théorème de Debray ; et il y a un théorème de Gödel, mais il n'y a pas de principe de Gödel. On se demande, du reste, ce que pourrait bien être au juste un axiome ou un principe d'incomplétude. Il y a en logique des résultats d'incomplétude (et aussi heureusement, mais ils intéressent généralement beaucoup moins les philosophes, des résultats de complétude), mais ils ont toujours trait à un système formel d'une espèce déterminée et doivent faire à chaque fois l'objet d'une démonstration.

Avant de démontrer son fameux théorème d'incomplétude, Gödel s'était, d'ailleurs, déjà illustré par la démonstration d'un résultat qui est à certains égards aussi important, même s'il a eu un retentissement beaucoup moins grand, à savoir la démonstration de la complétude du calcul des prédicats du premier ordre. Sur ce que pourrait bien signifier au juste un " principe d'incomplétude " il est d'autant plus important d'être précis que Serres attribue au principe dit " de Gödel-Debray " des possibilités qui sont pour le moins assez stupéfiantes : " Ainsi le débat qui oppose l'interne à l'externe dans nos disciplines témoigne d'une analyse insuffisante du lien social, et l'histoire qui scande le temps de la science en moments d'ouverture et ères de fermeture exprime sans doute la même ignorance. De même que les chroniqueurs du savoir ou de la déraison doivent leurs modèles à Bergson, de même nous devons nos solutions au principe de Gödel-Debray " (op. cit., p. 359). Bien qu'il ignore manifestement tout de Gödel et des systèmes logiques, là où les héritiers de Bergson ne comprennent rien, " Régis Debray, nous est-il dit, fabrique directement et donc comprend un schéma nouveau, à partir de Gödel et des systèmes logiques " (ibid., p. 358).

En ce qui concerne la compréhension réelle que Debray peut avoir de ce dont il s'agit, on ne peut malheureusement que tomber des nues lorsqu'on lit sous sa plume des déclarations du genre suivant :

" "L'émancipation du genre humain", on sait de science certaine, en vertu d'un axiome, l'incomplétude, que c'est un leurre, éternel et nécessaire, mais il vaut mieux, somme toute, que la résignation au cynisme sec du chacun pour soi " (" Le rire et les larmes (3) ", Libération, 14-15 septembre 1991, p. 7).

Ou, mieux encore :

" La démence collective trouve son fondement ultime dans un axiome logique lui-même sans fondement : l'incomplétude " (Cité par Sokal et Bricmont, op. cit., p. 159-160).

Voilà des choses qui seraient certainement d'une importance décisive, si elles pouvaient être sues " de science certaine " et, plus précisément, l'être avec une certitude appuyée sur un résultat mathématique fameux. Mais il faut supposer, si l'on suit Debray, que Gödel a dû inventer, comme je l'ai dit, une méthode de démonstration tellement nouvelle que même les meilleurs esprits de l'époque ont eu beaucoup de mal à la comprendre, tout cela pour en arriver simplement à formuler un axiome et, qui plus est, un axiome sans fondement. (En réalité, même si le propre d'un axiome est de ne pas être démontré, il n'est pas pour autant nécessairement aussi dépourvu de fondement que semble le croire Debray, puisque la démonstration n'est pas le seul mode de justification possible pour une proposition mathématique que l'on est amené à accepter, et, quoi qu'il en pense (L'incomplétude, logique du religieux ?,p. 26), appeler " arbitraire " une proposition qui est en même temps " évidente par elle-même " est pour le moins peu conforme à l'usage des expressions concernées.) Quoi qu'il en soit, l'idée d'un " axiome d'incomplétude " est, comme je l'ai dit, un non-sens pur et simple ; et ce qui est évidemment frappant chez tous les auteurs qui procèdent comme Debray est le caractère extrêmement élémentaire des confusions et des erreurs commises. Un effort d'information tout à fait minime aurait permis aisément de les éviter. Mais ce qui est remarquable est justement qu'il ne soit pas jugé nécessaire pour parler de ces choses. Et il faut, bien entendu, que la philosophie soit réellement une discipline unique en son genre et dans laquelle aucune des règles qui sont en vigueur dans tous les autres domaines ne s'applique plus, pour que des fautes de cette sorte soient aussi facilement tolérées et excusées.

canardos
 
Message(s) : 18
Inscription : 23 Déc 2005, 16:16

Message par canardos » 24 Déc 2006, 14:30

(Sterd @ dimanche 24 décembre 2006 à 14:09 a écrit : :28:

C'est le même qui a écrit :

a écrit : « Les décisions motivées par une vision du monde fondée sur la race déterminent la structure de base – le principe ou phénomène élémentaire – sur laquelle se fonde une science. […] Un Allemand ne peut observer et comprendre la nature que selon ses caractéristiques raciales. »

tu remplaces race par sexe et tu obtiens quasiment du Luce Irragaray dont se moquait Sokal

a écrit :"Toute connaissance est produite par des sujets dans un contexte historique... La science manifeste certains choix, certaines exclusions dues notamment au sexe des savants."
"L'équation E = Mce est-elle une équation sexuée? Peut-être que oui. Faisons l'hypothèse que oui dans la mesure où elle privilégie la vitesse de la lumière par rapport à d'autres vitesses dont nous avons vitalement besoin. Ce qui me semble une possibilité de la signature sexuée de l'équation, ce n'est pas directement ses utilisations par les armements nucléaires, c'est d'avoir privilégié ce qui va le plus vite [...]» (Irigaray, 1987b, p. 110)"
canardos
 
Message(s) : 18
Inscription : 23 Déc 2005, 16:16

Message par canardos » 25 Déc 2006, 10:30

bon je donne les références pour ceux qui n'ont pas cherché sur Google.

cette citation est de Ernst Krieck, idéologue nazi en 1942.

il faut comprendre que la plupart des postmodernes se revendiquent des memes sources philosophiques que les idéologues nazis, à savoir Nietzsche et Heidegger (qui devint d'ailleurs lui-meme un nazi).... C'est pourquoi la révélation du passé nazi d'Heidegger eut tant de mal à passer y compris chez beaucoup d'intellectuels de gauche.

evidemment, les relativistes postmodernes qui avaientau moins la qualité de ne pas etre racistes n'en firent pas le meme usage que les nazis qui parlèrent de science allemande et de science juive. Ils parlèrent de science masculine ou féminine, de science occidentale et de science orientale, de savoirs (au pluriel) scientifique et populaire, tous mis sur le meme plan avec la meme légitimité, mais la logique du raisonnement était tres semblable.

pas étonnant que l'extreme droite hindouiste n'hésite pas à son tour à l'utiliser pour justifier l'existence d'une science et d'une astronomie Védique
canardos
 
Message(s) : 18
Inscription : 23 Déc 2005, 16:16

PrécédentSuivant

Retour vers Sciences

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 1 invité