Quelques extraits de ce rapport.
a écrit :2. L’investissement de jouvence, un objectif particulièrement rentable pour
l’exploitant et non pas seulement une obligation réglementaire
La modernisation des centrales nucléaires en service est une question en
apparence difficile, compte tenu de ses conséquences financières.
Faut-il se contenter de maintenir les réacteurs en l’état ou, au contraire, faut-il
les rénover en permanence ? Par ailleurs, les modifications des installations doivent-elles
se limiter à répondre aux exigences de l’autorité de sûreté ou, au contraire,
doivent-elles être décidées pour incorporer le progrès technique qui permettra
d’améliorer les performances de l’installation ?
Dans la pratique, comme on l’a vu plus haut, la totalité des exploitants, qui
ont pour objectif la valorisation maximale de leur parc électronucléaire grâce à
l’extension de sa durée de vie, ont arbitré en faveur d’une politique de modernisation
continue, quitte à engager des investissements considérables.
La Finlande est clairement engagée dans une politique d’amélioration
continue de son parc de 4 centrales. Les deux réacteurs de la société FORTUM à
Loviisa, qui sont des VVER de conception soviétique mais fabriqués spécifiquement 69
pour la Finlande, ont été profondément remaniés pour améliorer leur sûreté et
continuent de l’être pour élever leurs performances, en tous points remarquables
puisque le réacteur de Loviisa-1 a atteint en 2002 un coefficient de capacité de 89,3 % 70 .
La centrale d’Olkiluoto, composée de deux réacteurs BWR identiques de
710 MWe 71 a elle aussi fait l’objet d’un programme complet et de longue haleine de
gestion de la durée de vie et de modernisation décidé par l’exploitant, la société TVO 72 ,
fondée en 1969 par différentes entreprises industrielles pour leur fournir de l’électricité
à prix coûtant.
Au total, sur la période 1994-1998, les opérations de modernisation de la
centrale d’Olkiluoto auront coûté 132 millions €.
L’un des traits les plus remarquables
de ces opérations est qu’elles ont été accomplies pendant les arrêts de tranche annuels
programmés, sans les rallonger puisque le coefficient de capacité 73 n’est jamais
descendu en dessous de 93 % sur la période, atteignant même 96,4 % en 2001. Il est à
noter d’ailleurs que les arrêts de tranche sont extrêmement courts en Finlande puisqu’ils
durent 16 jours, contre 24 en Suède et une moyenne de 40 jours en France 74 . En
définitive, TVO estime que ses deux réacteurs d’Olkiluoto pourraient fonctionnerjusqu’en 2040, pour une durée totale de 60 ans et une production réelle supérieure d’un
facteur 2,5 aux attentes initiales.
En Suède, la même politique d’investissement est conduite par les
exploitants. Le réacteur d’Oskarshamn 1 a fait l’objet d’une grande rénovation, qui s’est
étalée sur 10 ans, a coûté 200 millions €. A son terme, ce réacteur a redémarré début
janvier 2003, après un changement complet des pompes primaires et de
l’instrumentation de contrôle commande. La modernisation de Ringhals 2 est en cours
et sera terminée dans quatre ans. Puis viendra le tour d’Oskarshamn 2. Dans les dix
années qui viennent l’ensemble des centrales suédoises sera modernisé. Estimant que ce
réacteur ne sera pas fermé en mars 2003, SKI prévoit également une modernisation de
Barsebäck 2.
Aux Etats-Unis, la rénovation des centrales constitue un marché
considérable, en particulier pour le constructeur Framatome-ANP. A titre d’exemple,
pour assurer la rénovation et l’augmentation de puissance de 10 % d’un réacteur des
trois PWR Babcock-Wilcox de 850 MW de sa centrale d’Oconee, Duke Energy a
investi 250 millions $ 75 . Au plan global, alors que les dépenses annuelles en services
d’exploitation et de maintenance des opérateurs nucléaires ont représenté environ 1,8
milliard $ entre 1998 et 2001, ces dépenses devraient dépasser 2,6 milliards $ en 2003,
et atteindre un total de 15 milliards $ sur les cinq années suivantes.
Comme on l’a vu plus haut, la prolongation de 20 années a des effets
vertueux sur le parc électronucléaire américain. En effet, la décision d’exploiter deux
décennies supplémentaires suppose des investissements importants évalués à 200-
300 millions $ par réacteur, ce qui conduit à des réacteurs plus sûrs
Au reste, un tel investissement, aussi élevé soit-il, présente une rentabilité très élevée pour l’exploitant.
De plus, comme les opérations de modernisation en vue de la prolongation de 20 ans
peuvent être faites 10 années avant l’expiration de 40 premières années de
fonctionnement, l’exploitant a la possibilité de les amortir.
Justifiées par leur rentabilité, les opérations de modernisation engagées par
les exploitants finlandais, suédois et américains, au demeurant des entreprises privées,
sont donc conséquentes.Les montants ci-dessus ne sont sans doute pas directement comparables
avec les investissements consentis par EDF, sans doute plus continus et répartis sur
toute la durée de vie des tranches.
Le tableau suivant indique différents coûts liés à l’exploitation dans la durée
des réacteurs, en distinguant les modifications liées aux améliorations de sûreté, à la
maintenance ou au programme « durée de vie »
Par ailleurs, comme on l’a vu précédemment, les visites décennales sont
aussi le moment choisi non seulement pour réaliser l’examen de conformité de
l’installation par rapport aux normes initiales, mais aussi pour procéder à la réévaluation
de la sûreté en fonction de l’évolution technique. Dès lors, on comprend que le coût de
la 2 ème visite décennale soit plus élevé pour le palier le plus ancien CP0 par rapport au
palier CPY.
Mais, qu’elles soient exigées par l’autorité de sûreté à l’occasion des visites
décennales ou lors des arrêts de tranche pour rechargement, les dépenses en capital
engagées par EDF ne semblent pas hors de proportion avec celles consenties dans les
pays cités.
Je suppose que cet argument doit être le plus déterminant Les réacteurs sont plus sûrs mais surtout plus rentables.
a écrit :L’APPROCHE D’EDF POUR LA GESTION DE LA DUREE DE VIE DE SON
PARC ELECTRONUCLEAIRE PAR M. FRANÇOIS ROUSSELY,
PRESIDENT D’EDF.
M. François ROUSSELY, Président d’EDF– Je ne manquerai pas de vous la rendre
dans des horaires compatibles avec les contraintes de temps de chacun, qui sont
d’ailleurs sur des périodes bien plus brèves que celles dont nous parlons aujourd’hui !
Merci en tout cas de me donner l’occasion de clore cette audition publique en venant
vous exposer la façon dont EDF voit la question de la gestion de la durée de vie de son
parc électronucléaire.
C’était rappelé, il y a un instant : je ne le vois pas comme expert du nucléaire, mais
comme responsable d’une entreprise dans laquelle la production en nucléaire est bien
sûr un levier considérable de sa compétitivité. Ce n’est pas un produit en soi, mais un
outil et un outil considérable.
Chacun a bien sûr en tête que pour produire l’électricité, les choix sont vastes et qu’ils
se poseront dans les années 2010-2020 à un moment où d’ailleurs dans le reste de
l’Europe, le parc de production est plus ancien et où ces questions se seront déjà
posées.
Les orientations stratégiques concernant cette filière de production découlent d’ailleurs
directement des hypothèses sur la durée de vie de nos centrales.
Si vous me le permettez, je voudrais rappeler l’intérêt que présente pour nous l’option
nucléaire, venir à la gestion de la durée de vie de notre parc et terminer par quelques
questions d’ordre financier.
L’intérêt de l’option nucléaire
Dès lors que cette audition de l’Office se situe pendant le débat ouvert sur les choix
énergétiques, il ne me paraît pas complètement déplacé de vous dire pourquoi, en tant
qu’industriel de l’électricité, il me paraît important de conserver le nucléaire pour une
part significative de notre production couvrant les besoins en base et en semi base et
pourquoi il s’agit d’un choix responsable et ce, à plusieurs titres.
Tout d’abord, il me semble que c’est un choix responsable à l’égard de nos clients
puisque l’électricité que nous vendons est la moins chère d’Europe alors que ses coûts
intègrent tous les coûts de la filière – il faut toujours le rappeler – y compris le
traitement et le stockage des déchets nucléaires ainsi que les provisions pour la
déconstruction des centrales en fin de vie.
Nous avons traversé des périodes où l’électricité à base de gaz et cycle combiné gaz,
présentait des coûts approchants, voire parfois inférieurs à ceux du nucléaire. La seule
considération que nous puissions développer est que ces périodes n’ont jamais duré.
Au contraire, avec nos modes de production, essentiellement nucléaires et
hydrauliques, nous mettons nos clients à l’abri des fluctuations des prix tant du cours
du pétrole et du gaz que des effets de change avec le dollar et bien entendu parfois les
deux se combinent.
Même si vous l’avez bien en tête, je rappellerai que le prix de la matière première
uranium acheté sur les marchés internationaux, représente moins de 5 % de nos coûts
dans cette filière, les 95 % correspondant à la fois à la préparation du combustible, à
l’exploitation, à la maintenance des centrales et surtout à l’amortissement de nos
investissements.
C’est dire que toutes ces activités correspondent à des activités en France et que leurs
coûts sont à l’abri des fluctuations dont je vous parlais il y a un instant.
J’ajoute d’ailleurs puisque nous voyons de temps en temps des débats sur
l’indépendance énergétique liée au nucléaire et à son approvisionnement, que la
provenance de cet uranium qui est très diversifiée, met nos clients à l’abri de toute
dépendance à l’égard d’un producteur. Et si nous en voulions un signe, nos
exportations record en Europe de plus de 93 TWh en 2002, montrent bien que nos
clients européens ne s’y trompent pas et qu’en général, aujourd’hui seule la question
des interconnexions nous pénalisent.
Je crois que le choix du nucléaire est aussi un choix responsable vis-à-vis des
générations futures.
Vous savez à quel point EDF est engagée dans le développement durable. La question
des déchets nucléaires peut être considérée comme réglée pour 95 % d’entre eux et
celle des 5 % de déchets à vie longue, à haute activité, nous mobilise totalement.
Des solutions techniques existent, il reste bien sûr à les valider avec la rigueur et les
exigences propres à l’industrie nucléaire ce que d’ailleurs, la loi de 1991 encadre
parfaitement.
C’est donc ici même devant le Parlement que les choix importants seront effectués le
moment venu et je ne doute pas que les travaux de l’Office y contribueront largement.
Certains peuvent alors se demander si EDF, devenue entre-temps, à un moment ou à
un autre, une société anonyme, trouvera des actionnaires privés pour financer un
nouveau programme nucléaire alors que les cycles combinés gaz offrent en sens
inverse, des temps de retour beaucoup plus rapides même si ensuite leur exploitation
est soumise aux aléas du prix du gaz. Il est vrai qu’une centrale nucléaire demande
environ six ans entre la première mise de fonds et les premiers kilowatts/heure livrés
au réseau, soit huit à dix ans de temps de retour ce qui, dans la myopie du marché
actuel, peut paraître rédhibitoire.
Le nucléaire semble donc partir dans la course sur un marché ouvert avec une forme
de handicap. Je crois qu’au contraire, il bénéficie d’un avantage dans la durée puisque
le nucléaire a, pour lui, d’offrir au contraire des coûts stables, prévisibles,
incomparablement bas pendant plusieurs dizaines d’années.
A ce titre, il constitue un formidable générateur de cash dans la durée et même de
rente.
Je vois d’ailleurs que nos collègues allemands ont financé en partie Fessenheim en
échanges de capacités de tirage. De même Chooz a été cofinancé par Electrabel.
Vous voyez comme moi, tous les jours dans la presse, nos collègues d’ENEL
manifester beaucoup d’intérêt pour des droits de tirage. Parfois ils prennent sur les
capacités nucléaires en France. Je note aussi que ce sont des papetiers cotés à Wall
Street qui engagent le cinquième réacteur finlandais.
Nous voyons donc que des investisseurs, dans une économie ouverte, dans une
économie de marché, s’intéressent au nucléaire. Leur intérêt est de rechercher des
revenus sûrs à long terme.
Une des voies envisageables pourrait être d’imaginer des montages financiers qui, en
mixant le parc existant et celui en construction, permettraient de dégager pour les
investisseurs, des revenus bien avant les dix ans fatidiques de temps de retour.
Alors comment envisager le coût d’investissement accessible ? Il est vrai que
l’investissement initial est élevé, mais il n’est pas hors de portée, surtout si on lisse le
programme de renouvellement comme prévu.
A raison de 3 000 à 4 000 MW par an, il faudrait mobiliser environ 5 Md€ chaque
année. Pour donner quelques proportions, je dirai que c’est la moitié du cash-flow
opérationnel d’EDF, un peu moins de la moitié de nos investissements totaux.
En conclusion, Monsieur le Président, je voudrais souligner que nous passons à un cas
de figure radicalement différent de celui que nous avons connu dans les années 1970.
Au lieu de construire un maximum de tranches dans la durée la plus courte, nous
allons au contraire, rechercher à étaler au maximum la période de déclassement et de
construction de nouvelles unités, modulant ainsi la gestion de la durée de vie des
centrales actuelles.
Nous disposerons ainsi de toute la souplesse voulue pour adapter notre parc aux
évolutions techniques et économiques en alliant les énergies renouvelables thermiques
classiques et nucléaires, y compris en combinant au besoin plusieurs filières
nucléaires, comme nous l’avons vu à l’instant.
Je crois que nos choix iront bien sûr toujours au souci de servir nos clients dans le
respect de nos engagements de service public et de développement durable, et en
veillant à préserver au mieux les conditions de vie des générations futures. Il me
semble que nous avons là, la définition permanente de ce que sont les priorités d’EDF.
M. Claude BIRRAUX –
Merci Monsieur le Président ROUSSELY pour cet exposé qui a
le mérite de présenter une vision extrêmement claire de l’opérateur historique. Jusqu’à
présent, nous n’avions pas eu d’une manière publique et claire, la vision d’EDF pour le
futur de ses sources d’approvisionnement énergétiques.
Il ne m’appartient pas de juger sur le fond de ce que vous avez présenté, mais je vous
remercie de l’avoir fait devant l’Office Parlementaire, c’est-à-dire devant le Parlement,
d’avoir présenté la vision stratégique de votre maison.
Encore une fois, sans m’exprimer sur le fond, je dirai que je me réjouis que le
Président ait une vision stratégique et que cette maison ait une vision stratégique à
long terme. Ensuite nous pouvons discuter des modalités, mais il y au moins une base
de discussion qui est extrêmement claire.(...)
Dans sa conclusion le président d'EDF...
Je crois que nos choix iront bien sûr toujours au souci de servir nos clients dans le
respect de nos engagements de service public et de développement durable, et en
veillant à préserver au mieux les conditions de vie des générations futures. Il me
semble que nous avons là, la définition permanente de ce que sont les priorités d’EDF(...)...oublie subitement, par pudeur, un des éléments de leurs choix :
le nucléaire a, pour lui, d’offrir au contraire des coûts stables, prévisibles,
incomparablement bas pendant plusieurs dizaines d’années.
A ce titre, il constitue un formidable générateur de cash dans la durée et même de
rente.Puis rions un peu (jaune) avec nos amis parlementaires.
a écrit :Je voudrais répéter encore une fois combien la question de la durée de vie des
centrales nucléaires et des nouveaux types de réacteurs, est d’une importance
déterminante pour un secteur vital pour l’économie de notre pays et ce, quel que soit le
point de vue où l’on se place.
Conformément à la saisine de l’Office, je resterai bien entendu dans le cadre imparti à
notre réflexion, c’est-à-dire le paradigme nucléaire où la situation de notre pays tire 75
à 80 % - les chiffres varient selon les années – de son électricité de ses centrales
nucléaires.
Pour l’exploitant nucléaire national qu’est EDF et pour le service public de l’électricité
auquel nous sommes particulièrement attachés en France, quelle que soit notre
appartenance politique, la durée de vie des réacteurs actuellement en service, est une
question à plusieurs dizaines de milliard d’euros. Les chiffres des émissions télévisées
sont archi battus.
L’Office Parlementaire a été le premier en 1999 à mettre cette question sur la place
publique. C’est une question qui a un impact financier non seulement sur les comptes
d’EDF, mais aussi sur le coût de l’électricité dont nous autres citoyens, disposons.
Au-delà de la situation d’EDF et des marchés de l’électricité, exploiter des réacteurs
déjà amortis sur le plan économique et financier sur une durée de trente, quarante et
cinquante ans, est en vérité loin d’être indifférent pour la compétitivité de l’économie
française tout entière.
De même la France a bâti une industrie nucléaire qui constitue l’un de ses atouts dans
la concurrence mondiale, représente une source d’emplois nationaux et sur l’avenir de
laquelle nous devons nous pencher afin qu’elle puisse proposer au pays, le moment
venu et le cas échéant, des solutions performantes pour notre approvisionnement en
énergie.(CONCLUSION PAR M. CHRISTIAN BATAILLE, DEPUTE DU NORD,
RAPPORTEUR) Ceci écrit en 2003