Oui, enfin, je dois m'excuser d'avoir été un peu vache (péteuse ?).
Pour faire passe la pilule je vous présente un peu plus Leroi-Gourhan (c'est comme ça que ça s'écrit) dont, au-delà de ma plaisanterie, l'oeuvre est très riche et passionnante.
(Encyclopédie Universalis a écrit :LEROI-GOURHAN (André) 1911-1986
André Leroi-Gourhan, ethnologue et préhistorien français, membre de l’Institut, est né à Paris le 25 août 1911 et est mort à Paris le 19 février 1986. Très tôt attiré par la diversité des cultures, il suit les cours de Paul Pelliot et d’André Mazon à l’École nationale des langues orientales vivantes où il obtient un diplôme de russe à vingt ans et de chinois à vingt-trois ans. Il publie l’année suivante L’Art animalier dans le bronze chinois , puis, en 1936, Le Mammouth dans la zoologie des Esquimaux , et Le Kayak et le Harpon des Esquimaux , enfin, en 1937, La Zoologie mythique des Esquimaux . Cet intérêt pour les civilisations du Grand Nord et pour l’évolution de l’art et des techniques annonçait peut-être déjà son cheminement dans l’univers de la préhistoire. En 1937, il est chargé, au Japon, d’une mission ethnologique et archéologique qui le conduira jusque chez les Aïnous de Hokkaïdo. De retour en France, il entre au C.N.R.S. en 1940 et soutient, en 1945, une thèse de doctorat ès lettres en Sorbonne: Archéologie du Pacifique nord , fruit de ses recherches en France et au Japon, consacrées à l’étude des témoins matériels des populations bordant les rives du Pacifique, depuis le Japon jusqu’à la Colombie britannique, et à un essai de synthèse sur les populations nord-sibériennes et esquimaudes. Le domaine esthétique est abordé dans sa thèse complémentaire: Documents pour l’art comparé d’Eurasie septentrionale , suite de quatre études sur l’évolution morphologique et sémantique des thèmes populaires, de l’âge du bronze au XIXe siècle, études fondées sur l’analyse de vingt-cinq mille documents. La même année (1945), paraît Milieu et Technique , second volume de l’ouvrage Évolution et Techniques dont le premier, L’Homme et la Matière (1943), était une classification générale des techniques de fabrication. Dans Milieu et Technique , sont étudiées les techniques d’acquisition et de consommation. L’ouvrage se termine par une réflexion générale sur les contacts entre civilisations et sur les problèmes d’emprunts et de diffusion dans les sociétés préindustrielles. Évolution et Techniques restera un ouvrage fondamental, tant par la nouveauté et l’efficacité de son analyse des techniques traditionnelles que par l’abondance de sa documentation ethnographique qui couvre l’ensemble des sociétés préindustrielles.
Professeur et chercheur
En 1945 également, André Leroi-Gourhan est nommé professeur à la faculté des lettres de Lyon (ethnologie, préhistoire), et sous-directeur intérimaire du musée de l’Homme. Il partage son temps entre ses étudiants lyonnais et parisiens: c’est le début d’une longue carrière consacrée à l’enseignement de la recherche. Il est nommé professeur à la Sorbonne en 1956 (ethnologie générale et préhistoire), puis au Collège de France en 1968. Il y occupe la chaire de préhistoire créée pour l’abbé Breuil en 1929 et qui était restée vacante, au moins pour la préhistoire, depuis vingt ans. Il est aujourd’hui peu d’ethnologues et de préhistoriens français, voire étrangers, chercheurs confirmés ou débutants, qui n’aient été formés à son école, dans les domaines théoriques comme sur le plan pratique. Dès 1945, André Leroi-Gourhan avait fondé le Centre de recherches préhistoriques et protohistoriques de la Sorbonne, qui deviendra une équipe de recherche associée au C.N.R.S. en 1964, puis un laboratoire associé en 1977 (LA 275: «Ethnologie préhistorique»). Étudiants et chercheurs le suivent dans sa quête des sociétés préhistoriques, de leur organisation technique, économique, sociale et religieuse, comme sur le terrain: ce seront les fouilles, entre autres, de la grotte moustérienne des Furtins, en Saône-et-Loire (1945-1948), d’Arcy-sur-Cure (1945-1963) où l’occupation humaine s’étend du Paléolithique moyen au Magdalénien récent, et du site de plein air de Pincevent en Seine-et-Marne (depuis 1964), où vécurent, il y a quelque douze à quinze mille ans, des chasseurs de rennes magdaléniens dont on retrouve les vestiges de campements protégés sous un épais dépôt de limons d’inondation. En 1947, A. Leroi-Gourhan fonde également le Centre de formation aux recherches ethnologiques où la pratique de l’enquête sur le terrain complète la formation théorique. Il deviendra également codirecteur de l’Institut d’ethnologie de l’université de Paris, fondé en 1926.
Les bases de l’ethnologie
Cette ethnologie largement préoccupée du passé supposait aussi une approche anthropologique et paléontologique. Dès 1947, Leroi-Gourhan publie un premier essai, Esquisse d’une classification craniologique des Esquimaux , puis, en 1949, une analyse craniométrique des sujets burgondes et francs recueillis dans la basilique Saint-Laurent à Lyon et, en 1954, un premier travail sur l’équilibre mécanique de la face. Cela le conduit à présenter, la même année, une thèse de doctorat ès sciences sur Le Tracé d’équilibre mécanique du crâne des vertébrés terrestres , dont les résultats constituent l’une des charpentes d’un ouvrage en deux volumes, Le Geste et la Parole . Le premier volume, en effet, Technique et Langage (1964), repose d’abord sur une étude des processus de l’hominisation et de leurs antécédents évolutifs chez les diverses espèces animales; cette hominisation conduit – par la station verticale, la libération de la main, le raccourcissement de la face et le développement corrélatif du cerveau – à la conscience, au progrès des techniques et à l’organisme social. L’analyse de ce développement technico-économique et social est suivie d’une étude de l’émergence et de l’évolution, propres à l’Homo sapiens , et des systèmes matériels de fixation de la pensée. Le second volume, La Mémoire et les Rythmes (1965), complète le précédent en présentant d’abord une théorie de l’évolution technique, conçue comme dépassant l’évolution biologique, et en développant l’analyse de l’évolution des symboles et des rythmes dans la maîtrise collective de l’espace et du temps. Cette analyse nouvelle – aussi dense que précise et aux approches multiples – de la spécificité humaine et de son évolution depuis les premiers Anthropiens jusqu’à l’homme moderne pose enfin le problème du devenir de l’Homo sapiens , après ses «libérations» successives des contraintes écologiques et biologiques, dans un monde aujourd’hui entièrement humanisé et largement démystifié.
L’art préhistorique
Dans Le Geste et la Parole , André Leroi-Gourhan fait une large place à l’art préhistorique, à sa chronologie et à sa valeur sémantique, poursuivant ainsi, en la renouvelant, l’œuvre de l’abbé Breuil. Ces recherches constituent une part importante de son enseignement et il y consacre par ailleurs, depuis 1958, de nombreux articles et communications à des congrès internationaux. En 1965, paraît sa Préhistoire de l’art occidental . C’est d’abord le corpus illustré des œuvres d’art paléolithiques actuellement connues dans l’ensemble de l’Europe, étudiées du point de vue de leur évolution stylistique au cours des vingt millénaires qui séparent les premiers «griffonnages» du Chatelperronien de l’apogée de l’art figuratif magdalénien, jusqu’à son extinction à l’aube des temps post-glaciaires. C’est aussi la synthèse d’une recherche méthodologique pour l’interprétation de cet art du Paléolithique supérieur. Celle-ci renouvelle entièrement les conceptions qu’on pouvait en avoir en un temps où le comparatisme ethnographique semblait pouvoir animer les silences de la préhistoire; la connaissance, très superficielle encore, des sociétés primitives actuelles permettait en effet d’expliquer les comportements préhistoriques en général et les mobiles des manifestations artistiques, en particulier, qui relèvent de satisfactions naïves d’un instinct esthétique, ou de pratiques magico-religieuses. La connaissance de ces sociétés contemporaines s’est depuis lors approfondie, révélant aussi bien la diversité que la complexité de leur organisation sociale et de leur pensée religieuse. Dans le même temps, nombre de documents paléolithiques, pariétaux ou mobiliers ont été découverts, qui offrent une plus ample matière à un essai d’interprétation moins aventureux. Délaissant la voie d’une reconstitution quasi impossible de la religion et des rites paléolithiques, Leroi-Gourhan s’est tourné vers l’étude statistique de la répartition topographique des figures pariétales et de leurs associations: images d’animaux et d’hommes (celles-ci très peu nombreuses) et signes abstraits. Il est ainsi apparu que ces compositions répondaient à une conception dualiste: figures et symboles féminins, d’une part (bisons et aurochs, triangles, ovales, rectangles et signes claviformes), et figures et symboles masculins, d’autre part (chevaux, bouquetins, cervidés et mammouths, points, bâtonnets et signes barbelés). Il est également apparu que ces compositions pariétales obéissaient, quelles que soient les variantes spatio-temporelles de chacun de leurs éléments, à un schéma structural constant, les deux ensembles étant associés dans les zones centrales, alors que les symboles masculins occupent seuls les périphéries ainsi que les entrées, les passages difficiles et le fond des grottes où apparaissent des thèmes complémentaires: hommes, félins, rhinocéros. On a pu critiquer cette interprétation sexuelle des figurations animales ou abstraites, bien qu’elle repose sur un inventaire statistique important dont fait également partie l’art mobilier. L’essentiel est néanmoins d’avoir mis en lumière l’organisation structurale des sanctuaires paléolithiques, de leurs «mythogrammes», en sortant, par là même, de l’impasse des interprétations magico-religieuses des débuts de ce siècle. L’intérêt de la méthode est également qu’elle est toujours perfectible et qu’elle peut aussi aider à comprendre la réalité formelle d’ensembles rupestres et pariétaux plus proches de l’histoire mais muets quand à leur signification profonde, sociologique ou mythologique.
Les méthodes archéologiques
Cette étude des grottes ornées, André Leroi-Gourhan la mena sur le terrain depuis 1945, en France et en Espagne. C’est également sur le terrain qu’il affina peu à peu les méthodes de fouilles, et leur donna une orientation nouvelle. Dès ses débuts, en effet, la préhistoire s’est préoccupée d’établir un cadre chronologique en se fondant sur la stratigraphie des gisements, l’identification de la faune et la description des outils mis au jour dans chacun des niveaux et considérés comme des «fossiles directeurs». Cette préhistoire, que l’on peut qualifier de verticale, est naturellement indispensable pour différencier chaque culture matérielle et la localiser dans le temps. Elle a considérablement progressé depuis son origine dans ses résultats et ses moyens d’investigation: datations absolues à partir de radio-éléments, analyse des indices climatiques, etc. Elle ne permet cependant pas, hormis la simple étude fonctionnelle des outils ainsi mis au jour, d’atteindre à la compréhension ethnologique de ces sociétés préhistoriques. L’étude horizontale, microtopographique, des anciens sols d’occupation, grâce à un décapage et à un enregistrement méticuleux de tous les vestiges, même fugaces, et l’étude de leurs relations spatiales permettent, au contraire, de préciser non seulement la structure des anciens sites d’habitation mais également les activités qui s’y déroulaient, et d’élaborer une esquisse de l’organisation sociale. Les premiers résultats ainsi obtenus le furent dans la grotte du Renne à Arcy-sur-Cure, où Leroi-Gourhan et son équipe mirent au jour les témoins d’une hutte construite sous l’auvent de la grotte: une aire dallée et entourée de trous destinés à fixer au sol des défenses de mammouth qui en constituaient la charpente. L’intérêt ethnologique d’une telle démarche méthodologique a trouvé sa confirmation la plus évidente dans l’étude de Pincevent, l’un des principaux sites magdaléniens d’Europe. Dans ce domaine encore, l’influence des travaux et de l’enseignement de Leroi-Gourhan aura été déterminante, non seulement pour les préhistoriens mais également pour les archéologues des périodes historiques, la mise au jour des anciens monuments, figurés ou non, et des objets les plus remarquables d’un point de vue chronologique ou esthétique n’étant plus leur seule préoccupation scientifique.