la schizophrenie

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par shadoko » 14 Fév 2005, 15:00

J'ai quelques questions.

Canardos affirme (qu'on m'arrête si je déforme)

1. La schizophrénie est d'origine organique, et par cela il faut entendre non pas que le fonctionnement du cerveau d'un schizophrène est matériel (cela, on s'en serait douté), mais plutôt que les aspects anormaux qu'on constate chez un schizophrène en examinant son cerveau ne font pas partie des caractéristiques du cerveau qui peuvent évoluer par l'interaction du patient avec son milieu extérieur (au contraire, les connexions neuronales le peuvent, elles, par exemple).

2. Du coup, les psychanalystes n'ont aucune chance de "guérir" le schizophrène (guérir= supprimer sa schizophrénie).

3. Cela n'empêche pas que, si on ne peut pas le guérir tout de suite, le schizophrène a besoin en attendant d'un suivi pour supporter sa maladie, pour pouvoir évoluer le mieux possible dans son environnement social.

En face, Iko, tu n'est pas d'accord. Mais je ne comprends pas bien ta position. Tu n'est pas d'accord avec le point 1? avec le point 2 (qui me semble être une conséquence assez directe du point 1, à moins que ce soit ça que tu contestes)? Ou alors, tu es d'accord avec 1 et 2, et tu penses que 3 est du ressort de la psychanalyse? Peux-tu m'éclairer? Et si tu contestes 1 (et donc 2), peux-tu dire précisément ce que tu trouves à redire aux articles postés par canardos? Ce sont les faits qui sont faux, pour toi (bidonnés)? Ou alors ce sont les interprétations qui sont fumeuses (dans ce cas, pourquoi)?

Enfin, vu que tu n'as jamais répondu directement à ces questions jusque-là, j'imagine une dernière possibilité, tu penses: "je ne connais rien à ces nouvelles techniques, mais je sais que les psychanalystes "soignent" des schizophrènes, alors j'en déduis que leurs méthodes ne sont pas bidons". Si tu penses comme ça, peux-tu apporter des exemples, ou quelque chose qui corrobore cette affirmation, parce que c'est évidement en contradiction avec ce que dit canardos, et j'aimerais alors bien comprendre où ça cloche et chez qui.
shadoko
 
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Message par Wapi » 14 Fév 2005, 15:49

Une toute petite précision :

a écrit :Clinique Jeunes Adultes Hôpital Louis-H. Lafontaine


Il s'agit d'un hôpital canadien... en soi, cela ne prouve évidemment rien sinon que ni la société dans son ensemble, ni la psychiatrie n'y ont la même histoire qu'ici et que donc le contexte actuel, médical, social et politique d'ensemble n'est pas le même qu'ici... même s'il s'agit aussi d'un pays capitaliste avancé.

Je développerai cette question des sources dans le fil "comportementalocognitivisme".

J'ai juste une question sur le document de Canardos.

Mais d'abord, essayons d'expliquer simplement la nuance qu'on peut faire entre "cause" et "origine" d'une maladie ou de n'importe quoi d'autre qui se passe dans l'histoire d'un individu (ou d'une société.)

Quelle est la "cause" d'une cirrhose du foie chez un vieil alcoolique ?

Une modification observable "hic et nunc" du métabolisme hépatique ou 40 années d'imprégnation rigoureusement quotidienne ?

Une "cause organique" ne peut-être elle-même une conséquence d'autre chose ?

Où est la "cause organique" qui l'a fait boire ? Une prédisposition génétique, une particularité neuronale qui l'aurait rendu plus addictif dans ses rapports à la boisson ? Etc..., etc... Par ce raisonnement, on ne fait que reproduire celui de "l'oeuf ou la poule" sans avancer en rien sur le problème essentiel du soin.

Ou bien une imprégnation dès l'adolescence par la famille, la fréquentation d'un milieu où l'on pousse à boire, une série d'ennuis personnels très difficiles à affronter ? Et bien d'autres choses encore sans doute.

C'est là que "l'environnement", vaste, complexe, multiforme, rentre nécessairement toujours en ligne de compte.

Aujourd'hui à télématin, un neurologue (un vrai, pas un "neuroscientifique"), invité pour parler de l'amour à l'occasion de la St Valentin a raconté les phénomènes liés à la dopamine (l'hormone de l'amour). Mais après ses descriptions scientifiques, il a bien expliqué que les déséquilibres chimiques cérébraux qu'on mesurait dans l'état amoureux n'étaient que "l'expresion" ou la "traduction" organique d'un état qui avait une autre "origine". Et qu'en toute rigueur il n'était absolument pas possible de dire qu'il y avait une "cause cérébrale" à l'amour. Il insistait sur la notion de "rencontre" sans laquelle tout ceci ne se serait jamais produit.

Tout être vivant, et a fortiori humain, est en perpétuelle interaction avec son environnement, (j'espère que ceci est bien un point d'accord), la notion d'un individu parfaitement isolé de tout contexte n'ayant aucun sens.

Et j'en profite donc pour reposer la question toujours sans réponse : "qu'est-ce qui fait partie de l'environnement ?"

Les relations avec les autres humains, quels qu'ils soient, y sont-elles incluses, et ce, depuis l'enfance ? Ou faut-il dire que non ?

Voyons-un peu ce qu'on nous dit du patient dans l'étude en question :

a écrit :Histoire personnelle

• Enfant unique, E. a été élevé dans un climat de violence (père alcoolique). Le divorce de ses parents survient alors qu ’il est âgé de 7 ans. Il vit avec sa mère, le nouveau conjoint de cette dernière et ses deux demiesoeurs. De l’âge de 7 à 9 ans il est victime d ’abus sexuel de la part d’un ami de son père.


(Puis on passe à l'échec scolaire et à la consommation de cannabis, et hop, les premiers symptômes et en ligne droite, la schizophrénie au bout du compte. Je note quand même dans ce rapport sur ce patient, l'absence de références sur les ascendants et les cousins pour une suspicion de prédisposition génétique, ni même de confirmation de sa schizophrénie par une imagerie cérébrale explicite, ce que dans leur logique neurocomportementalocognitiviste ils auraient dû faire. Mais bon, n'en demandons pas trop.)

Donc ma question est : qu'est-ce qui permet de dire a -priori que l'enfance du patient n'aurait joué absolument aucun rôle dans le déclenchement de sa maladie ?

Où est la cause ? Où est l'origine ?
Wapi
 
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Message par shadoko » 14 Fév 2005, 16:26

a écrit : (wapi)
Et j'en profite donc pour reposer la question toujours sans réponse : "qu'est-ce qui fait partie de l'environnement ?"


Oui, je suis d'accord qu'on devrait un peu préciser ça. Canardos, dans ta phrase:
a écrit :mais enfin, iko, à partir du moment ou il est totalement démontré que la cause de la schizophrenie est purement physique, genes defectueux,virus, ou autre facteur environnemental

je ne comprends pas non plus ce que tu mets exactement dedans.

Sinon, au vu de la dernière réponse de Wapi, je crois comprendre un peu mieux ce qui est en jeu dans la discussion. En gros, Wapi dit:

1. La schizophrénie se déclare peut-être chez des patients dont le cerveau présente des anomalies (non produites par son interaction mentale avec son environnement).

2. Mais tout est dans le peut-être, puisqu'il reste encore à voire pourquoi ça se déclenche ou pas, et c'est à ça que répond la psychanalyse.

J'aimerais quand-même que tu précises si tu es d'accord au moins avec le premier point, Wapi. Ce n'est pas clair pour moi.
shadoko
 
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Message par shadoko » 14 Fév 2005, 16:28

P.S. je viens seulement de voir la réponse de Canardos à Wapi. Il répond à cette histoire de déclenchement. J'aimerais bien savoir ce que tu en dis, Wapi.
shadoko
 
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Message par Wapi » 14 Fév 2005, 18:29

Canardos,

a écrit :donc il y a unanimité de tous les neurologues faisant de la recherche sur cette question pour considerer que l'interaction avec le milieu familial n'est ni la cause premiere, ni un facteur de declenchement statistiquement mesurable....


Donc, même si je suis tes "études" (dont la validité méthodologique resterait à établir rigoureusement, ce que je ne puis faire car j'attends toujours -à propos du rapport de l'INSERM la définition d'une "méta-analyse" et d'une "analyse randomisée contrôlée"), je vois que les neurologues unanimes disent simplement de l'environnement affectivo-parlant général d'un individu qu'il n'est...pas mesurable statistiquement ! Nous voilà bien !

Mais certainement pas qu'il n'existe pas ni qu'il "n'interfère" pas en quoi que ce soit... Ils sont heureusement un peu plus prudents...

Donc à vouloir faire de ces histoires de statistiques un préalable ou encore la seule preuve de quoi que ce soit, on tourne purement en rond... Et on ne répond pas à la question de ceux qui n'entrent pas dans les statistiques... Et on n'avance encore pas dans la compréhension d'ensemble de la maladie...

Et pour cause... et puis qui s'amuserait à étudier "scientifiquement " des milieux familiaux ou sociaux décrétés "pathogènes" en vertu de la loi des statistiques, pour les psychoses comme pour les névroses ? remarque, certains ont essayé dans le passé...

Qu'est-ce que ça pourrait bien être quantitativement du pathogène dans le milieu familial ou élargi ?

Enfin, cette question de la "cause première" de quoi que ce soit, je la laisse à la métaphysique.

Shadoko,

a écrit :Sinon, au vu de la dernière réponse de Wapi, je crois comprendre un peu mieux ce qui est en jeu dans la discussion. En gros, Wapi dit:

1. La schizophrénie se déclare peut-être chez des patients dont le cerveau présente des anomalies (non produites par son interaction mentale avec son environnement).

2. Mais tout est dans le peut-être, puisqu'il reste encore à voire pourquoi ça se déclenche ou pas, et c'est à ça que répond la psychanalyse.

J'aimerais quand-même que tu précises si tu es d'accord au moins avec le premier point, Wapi. Ce n'est pas clair pour moi.


Oui, il est parfaitement, à l'heure actuelle, légitime de supposer, aussi longtemps qu'on n'a pas la preuve du contraire, qu'énormément de facteurs environnementaux au sens large (y compris donc en ce qui concerne tout type de relations avec des humains) peuvent intervenir dans le déclenchement de la maladie (mais pas forcément dans la "fragilisation" de départ, où qu'elle se trouve, mais c'est un autre débat).

Ou alors on fournit immédiatement une explication satisfaisante à la question des vrais jumeaux dont l'un des deux seulement est schizophrène. (48% seulement des cas selon des chiffres qu'il est bien entendu impossible de vérifier).

Nous, on n'est pas des dogmatiques (pas forcément des "sceptiques" non plus), Quidam l'a déjà dit. On s'interdit d'écarter a priori des pistes dans la compréhension globale de la maladie, et du soin dû au patient, car matérialisme oblige, c'est la clinique qui tranche toujours à la fin. Et l'une ne peut absolument pas aller sans l'autre.

Il faut s'intéresser vraiment s'intéresser de très près à toute l'histoire de la schizophrénie si l'on veut bien tout saisir de cette maladie. Des références ont été données sur ce fil.

Pour en terminer aujourd'hui, ne petite phrase de Freud extraite de son Abrégé de Psychanalyse

a écrit :"L'avenir nous apprendra peut-être à agir directement, à l'aide de certaines substances chimiques, sur les quantités d'énergie et leur répartition dans l'appareil psychique. Peut-être découvrirons-nous d'autres possibilités thérapeutiques insoupçonnées ? Pour le moment néanmoins, nous ne disposons que de la technique psychanalytique.

C'est pourquoi, en dépit de ses limitations, il ne faut point la mépriser".


Il sera donc bien assez tôt pour enterrer la psychanalyse, dès lors qu'on aura eu "réponse à tout". Pour l'instant, on enterre plutôt les schizophrènes et tous les malades mentaux, et il est essentiel de recentrer le débat sur la clinique, encore une fois, à partir de Tosquelles et de la révolution espagnole. Car c'est là qu'ont eu lieu, des changements radicaux dans la façon d'appréhender la psychose, et toute folie.

C'est normal, c'était pendant une révolution prolétarienne.

Shadoko, tu trouveras un texte de Tosquelles dans le fil sur "conscient et inconscient".
Wapi
 
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Message par shadoko » 14 Fév 2005, 19:36

Wapi:

a écrit :Oui, il est parfaitement, à l'heure actuelle, légitime de supposer, aussi longtemps qu'on n'a pas la preuve du contraire, qu'énormément de facteurs environnementaux au sens large (y compris donc en ce qui concerne tout type de relations avec des humains) peuvent intervenir dans le déclenchement de la maladie

"peuvent intervenir", sûrement. On peut toujours supposer. Mais j'ai l'impression que tu avances un peu plus que des suppositions. Et si tout une théorie psychanalytique est bâtie là-dessus, et que cette théorie sert à traiter des schizophrènes, c'est un peu plus que "on peut supposer" qu'on fait.

En plus, tu dis:
a écrit :
(wapi)
a écrit :
(canardos)
donc il y a unanimité de tous les neurologues faisant de la recherche sur cette question pour considerer que l'interaction avec le milieu familial n'est ni la cause premiere, ni un facteur de declenchement statistiquement mesurable....

Donc, même si je suis tes "études" (dont la validité méthodologique resterait à établir rigoureusement, ce que je ne puis faire car j'attends toujours -à propos du rapport de l'INSERM la définition d'une "méta-analyse" et d'une "analyse randomisée contrôlée"), je vois que les neurologues unanimes disent simplement de l'environnement affectivo-parlant général d'un individu qu'il n'est...pas mesurable statistiquement ! Nous voilà bien !


Ce qu'il y a dans l'étude, je viens de le lire, et j'y trouve:
a écrit :
Efficacité des trois approches par pathologie

Pour les personnes atteintes de schizophrénie en phase aiguë ou hospitalisées sous antipsychotiques, les données de la littérature ont mis en évidence :
- une efficacité des thérapies familiales sur le taux de rechute à deux ans ;
- une efficacité modérée et à court terme des thérapies cognitives ;
- pas d'efficacité des thérapies psychodynamiques.

Les thérapies psychodynamiques, c'est les thérapies psychanalytiques (c'est marqué au début). Alors, ils ne sont pas si prudents que ça. Il faudrait tout de même répondre à ça, et pas aux tournures de phrases de canardos.

Ensuite, tu dis:
a écrit :
Donc à vouloir faire de ces histoires de statistiques un préalable ou encore la seule preuve de quoi que ce soit, on tourne purement en rond...

Bon, mais dans ce cas, que reconnais-tu comme "preuve" de l'efficacité d'une approche. Parce que tout de même, il faut bien qu'on puisse évaluer un peu tout ça. A te lire, on finit par avoir l'impression que tu dis: "on peut faire n'importe quoi, les évaluations, c'est pas possible, alors pourquoi pas la psychanalyse? N'écartons aucune piste". Ok, pourquoi pas. Mais pourquoi pas non plus jouer du violon? Les seuls trucs qui ressemblent à des justifications dans tes messages sont des choses comme:
a écrit :
Nous, on n'est pas des dogmatiques (pas forcément des "sceptiques" non plus), Quidam l'a déjà dit. On s'interdit d'écarter a priori des pistes dans la compréhension globale de la maladie, et du soin dû au patient, car matérialisme oblige, c'est la clinique qui tranche toujours à la fin.

Bon, mais dans quel sens tranche-t-elle? Dans le sens de la psychanalyse? Pourquoi l'INSERM semble-t-il dire le contraire?

Et pour tes questions techniques:
a écrit :
car j'attends toujours -à propos du rapport de l'INSERM la définition d'une "méta-analyse"


Ben, c'est marqué dans ce même rapport:
a écrit :
La méta-analyse est une approche quantitative de la revue de la littérature qui permet d'estimer, par le calcul d'une taille d'effet, la magnitude de l'effet obtenu chez le " sujet traité " par rapport au " sujet contrôle ". Le principe repose donc sur l'idée que l'ensemble des études représente une quantité d'informations en liaison avec l'objectif de la recherche, chaque étude y apportant sa contribution. On prend alors pour hypothèse, que l'ensemble des études est un échantillon de toutes les études possibles.


a écrit :
et d'une "analyse randomisée contrôlée

C'est aussi dedans:
a écrit :
L'évaluation de l'efficacité d'une thérapeutique s'appuie sur les résultats des études randomisées (tirage au sort) contrôlées*
...
* Ces études comparent un groupe traité à un groupe comparatif.

Tu ne comprends pas ces explications, elles ne te suffisent pas, ou c'est juste que tu avais raté le passage?

shadoko
 
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Message par Wapi » 14 Fév 2005, 19:46

Shadoko,

merci pour les précisions concernant la méthodologie, mais ce n'est toujours pas bien clair. Ce que je retiens c'est que l'INSERM

1) N'a pas pratiqué lui-même les "évaluations " mais a compilé des articles.

2) Cette compilation n'est en rien une preuve de rigueur, car il faudrait voir tous les articles ?

3) Pourquoi des révolutionnaires devraient-ils prendre pour référence un rapport écrit par des gens qui sont des bureaucrates de l'état bourgeois avant que d'être des "savants" ? Et qu'il y ait eu dans leur soi-disant "groupe de travail" telle ou telle proportion de psychanalystes n'y change absolument rien.

Depuis quand on confond un rapport avec une production scientifique ?

Qu'est-ce que "évaluer scientifiquement" un être humain qui a suivi une psychothérapie sous une forme ou sous une autre ça veut dire exactement pour toi ?
Wapi
 
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