Reach, le projet de directive européenne contre le risque chimique, va enfin etre promulgué, apres avoir été en grande partie vidée de sa substance par les trusts chimiquiers...
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[center]L'UE met sous haute surveillance 30 000 substances chimiques[/center]
LEMONDE.FR avec AFP | 13.12.06 |
Après des années de bataille législative et d'un lobbying acharné des écologistes face aux industriels, l'Union européenne s'est enfin dotée, mercredi 13 décembre, d'une législation sans précédent sur le contrôle des produits chimiques. La réglementation Reach doit permettre de passer au crible 30 000 substances présentes dans les produits de consommation courante soupçonnés d'être dangereux pour la santé humaine et l'environnement.
ALLERGIES, CANCERS ET INFERTILITÉ
Mercredi, les eurodéputés ont adopté en seconde lecture le projet Reach, fruit d'un compromis trouvé il y a dix jours entre les Etats membres et le Parlement européen. L'issue du vote ne faisait guère de doute, les trois principaux groupes politiques – conservateurs, socialistes et libéraux-démocrates – soutenant le texte.
Reach, acronyme en anglais d'Enregistrement, évaluation et autorisation des substances chimiques, est tout simplement "la législation la plus ambitieuse du monde pour les générations futures", a déclaré Guido Sacconi, rapporteur du texte et socialiste italien. Car aujourd'hui, sur quelque 100 000 molécules commercialisées dans l'UE, seules celles mises sur le marché depuis 1981 – soit à peine 3 000 – ont été étudiées. Reach va instaurer, sur onze ans, l'enregistrement de quelque 30 000 substances fabriquées ou importées dans l'Union.
Bien que ces produits chimiques soient présents dans tous les objets de consommation quotidienne, tels que les textiles, les produits de nettoyage, les peintures, les appareils électriques ou encore les jouets, leurs effets demeurent inconnus. Pourtant, ces milliers de molécules sont fortement soupçonnées d'être responsables de l'augmentation des allergies et des cancers notamment, du fait de leur persistance dans l'organisme tout au long de la vie. La baisse de la fertilité humaine, observée depuis une quarantaine d'années, pourrait également être expliquée par la présence de certaines substances.
PRINCIPE DE SUBSTITUTION
Reach introduit un changement majeur : ce ne sera plus aux autorités publiques de démontrer la nocivité des produits, mais aux industriels de prouver qu'ils sont sûrs. Les tests de sécurité et l'enregistrement des substances se feront progressivement d'ici à 2018, en donnant la priorité aux plus gros volumes et aux substances les plus préoccupantes. L'industrie a néanmoins obtenu d'être exempte de rapport de sécurité pour les molécules produites ou importées à moins de 10 tonnes par an.
Ces derniers mois, l'ultime controverse a porté sur l'autorisation des substances les plus dangereuses, comme celles qui sont cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction. Alors que les associations écologistes réclamaient que tous ces produits les plus nocifs soient systématiquement remplacés par d'autres plus sûrs, certains pourront finalement continuer à être commercialisés si les risques sont "valablement maîtrisés".
Les industriels devront toutefois prévoir un plan de substitution dès lors qu'une solution de rechange existe. A défaut, ils devront simplement présenter un plan de recherche et développement pour tenter d'en trouver une.
Le Fonds mondial de la nature (WWF), qui réclamait une substitution obligatoire, a déploré une "occasion ratée" pour l'Europe.
"MESURES SANS CONTENU"
Reach a fait l'objet d'un lobbying impressionnant, mobilisant jusqu'aux gouvernements américain et sud-africain. Face à la puissance de l'industrie chimique européenne, qui pèse 440 milliards d'euros de chiffre d'affaires et abrite le numéro un mondial, l'allemand BASF, les ONG ont répliqué par des campagnes spectaculaires. WWF avait ainsi organisé des prises de sang sur des députés européens, prouvant ainsi la persistance de substances toxiques dans leur organisme des années après leur interdiction.
Mardi, l'association écologiste Greenpeace a admis que Reach constituait "un premier pas capital", tout en déplorant que ce texte "risque de n'avoir qu'une portée limitée". C'est un "essai à transformer", a ajouté Greenpeace.
De son côté, la candidate des Verts à l'élection présidentielle, Dominique Voynet, a condamné des "ajustements sans douleur" et des "mesures sans contenu", jugeant que "les pressions de l'industrie chimique et le laisser-faire des gouvernements nationaux ont eu raison des impératifs de protection de la santé publique".