Un exemple d'utilisation necessaire de super-calculateurs:
a écrit :Climat. Les scientifiques réclament des outils adaptés à leurs simulations.
L'ampleur du réchauffement, une affaire d'ordinateurs
Par Sylvestre HUET
vendredi 04 février 2005 (Liberation - 06:00)
dangereux, le changement climatique ? Sans doute, mais dans quelle proportion ? Et pour qui ? A quelle échéance ? Provoqué par quelles émissions de gaz à effet de serre ? Réunis à Exeter (Royaume-Uni) ces trois derniers jours à l'appel du Premier ministre britannique, Tony Blair, 200 scientifiques ont réitéré leur avertissement mais aussi déploré l'incertitude de leurs prévisions, souvent utilisée pour retarder des politiques visant à diminuer les émissions.
Sans réponse. Il nous faudrait, clame un groupe de scientifiques français, une puissance de calcul «12 500 fois» supérieure à celle dont nous disposons pour «déterminer le futur de la planète». Bigre. Revendication d'un meilleur outil de travail pour chercheurs déjà gâtés ? Non, rétorque Jean-Claude André, directeur du Cerfacs (Centre européen de recherche et de formation avancée en calcul scientifique) de Toulouse et initiateur d'un groupe de travail sur le sujet, plutôt un double constat. Un : de nombreuses questions posées par le changement climatique resteront sans réponse tant que des ordinateurs beaucoup plus puissants ne seront pas disponibles. Deux : la France joue en deuxième division, elle doit réagir. Une exigence scientifique, couplée d'un volet politique. Utilisées dans les négociations internationales sur le climat, les simulations numériques européennes doivent tenir la comparaison avec celles réalisées aux Etats-Unis ou au Japon.
Les émissions massives de gaz à effet de serre vont-elles provoquer un changement majeur, mais limité autour de 2° C de plus en moyenne annuelle planétaire d'ici à la fin du siècle ? Ou dériver vers les 6° C, menaçant les sociétés de bouleversements, mettant en cause infrastructures économiques, basses terres des deltas fluviaux, agriculture, pêche... ? Problème : la différence entre haut et bas de la fourchette tient autant aux quantités futures de gaz à effet de serre émis qu'aux incertitudes scientifiques sur le climat et ses réactions à la perturbation. De plus, les détails décisifs du changement le rythme du réchauffement, ses traits régionaux, le risque d'événements météo extrêmes ou de surprise climatique demeurent hors de portée des supercalculateurs actuels. Des informations décisives pour argumenter contre l'usage des combustibles fossiles et se préparer à des changements en partie inéluctables. D'où la shopping-list informatique (lire ci-dessous) établie par les climatologues, sans préjuger de leurs efforts concomitants en logiciels et compréhension des processus climatiques.
«Croqueurs de nombres». Lever les interrogations liées aux rétroactions des nuages exige ainsi d'introduire leur microphysique dans les modèles et d'améliorer leur résolution d'un facteur 100. Etudier le devenir des moussons, d'El Niño et autres phénomènes tropicaux exige des océans numériques, qu'il faut suivre heure par heure et à la dizaine de centimètres pour leurs couches de surface. Mesurer le risque d'arrêt du Gulf Stream à la fin du siècle ou au XXIIe siècle ? «Cela exige de prendre en compte les tourbillons de quelques dizaines de kilomètres», explique Serge Planton (Météo France). Et donc une machine dix mille fois plus puissante que les capacités actuelles. Explorer la fréquence et l'intensité des tempêtes et cyclones d'un climat réchauffé supposerait un supercalculateur cent fois plus costaud que celui de Météo France.
Le cycle du carbone, le devenir de l'ozone, l'effet climatique des changements des sols et des mégapoles, l'intégration des milliards de données réelles (satellitaires, etc.) dans les calculs... autant d'objectifs passant par des «croqueurs de nombres» cent à dix mille fois plus puissants. La perspective n'effraie pas les informaticiens, la technologie sera disponible d'ici quinze à vingt ans. Mais les climatologues français pourront-ils y accéder ?