Une définition :
Le patient déplace sur la figure du psychanalyste (ou psy-machin), des sentiments, des idées ou des comportements qui proviennent de personnes, d'images qui ont eu une importance particulière pour le patient.
Voilà, j'ai fini… Non, je déconne…
Tout le monde en place, ça va commencer…
Je ne vais pas bien, je vais consulter un psy… Enfin quelqu'un qui me comprendra ?… Bon sang, pourquoi je vis ça ? Ça vient d'où ?
Ça résume ce que j'ai écris dans le message précédent.
Le patient parle. La plupart du temps il ne dit rien d 'intéressant, ça le regarde, il paye (ou on paye pour lui). Mais enfin, il peut parler à quelqu'un (le psy) qui n'a pas d'enjeu envers sa personne. Ce n'est pas un ami qui donne son avis à tort et à travers ou qui se moque.
Le patient réalise qu'il n'est pas jugé : il peut avouer ses haines, ses amours, ses besoins, ses envies, ses dégoûts. Il a trouvé à qui parler (Il ne sait pas encore d'ailleurs qu'il va vraiment trouver à qui parler et qu'il n'arrivera pas à rouler le psy dans la farine avec ses petits bobos).
– Enfin, quelqu'un comprend… Si tout le monde pouvait être comme ça…
La compétence du psy (sa puissance), la relation privilégiée qui s'instaure va prendre une grande importance. N'oublions pas qu'on est venu consulter, on n'est pas au Club Med ! Et dans cet état qui fragilise, cette relation est inévitable, et elle est souhaitable.
– Ah… Si papa-maman avaient été comme ça…
Ça y est : ça se branche…
C'est pourtant pas difficile…
Aux directives parentales va se substituer la puissance du psy-chanalyste, psy-etc.
Le patient répète des attitudes émotionnelles, inconscientes (amicales ou hostiles). Ces attitudes, ces émotions, le patient les a établies dans son enfance avec ses parents ou autre figure d'autorité, son entourage (elles sont devenues un moteur inconscient agissant ici, maintenant).
Lorsque j'écris le patient "répète", ça veut dire que le patient ne reconnaît pas ces attitudes, ces émotions, en toute conscience (par la parole et la pensée). Il se conduit envers le psy comme il se conduisait dans son enfance par rapport à diverses personnes, il répète un mode de fonctionnement.
OK ?
Ça entraîne quoi ?
Le patient est venu parce que justement sa névrose (certains comportements, certaines attitudes émotionnelles) lui pourrissait inconsciemment la vie.
Et voilà qu'il répète avec le psy les attitudes, les comportements qui sont la manifestation de sa névrose.
Voici donc que nous assistons à une substitution : la névrose clinique est répétée, se transfère dans la relation entre le psy et le patient : on parle de névrose de transfert.
C'est OK ?
Et alors?
Alors, le boulot, là, c'est quoi ? Il s'agit d'interpréter, contrôler, traiter la névrose de transfert.
Le patient va apprendre à manier des émotions qu'il n'avait pu maîtriser dans le passé et dont il n'avait pu se défendre qu'en les excluant de sa conscience.
L'importance prise par le psy grâce à sa compétence (sa puissance) va lui permettre d'accompagner le patient pour que celui-ci prenne conscience de ses pulsions refoulées, de ses besoins authentiques. Mais le patient va aussi prendre conscience (quel terme !) des règles, des interdits qui lui disaient inconsciemment : tss ! tss ! faut pas ! Ainsi le patient va se donner des permissions pour vivre, tout simplement.
Guérir ? Ça dépend de ce qu'on met la dedans… En tout cas, le patient va vivre avec ses échardes, il les connaît, il les reconnaîtra lorsque elles reviendront le titiller. Il va vivre dans le monde, sans regrets exagérés du passé, sans appréhension abusive de l'avenir, sans survaloriser certaines figures qui ont autorité, sans se dévaloriser.
Il apprendra qu'on peut tout dire, tout penser, mais qu'on ne peut pas tout faire. On pourrait presque dire que le psy-x,y,z va aider le patient à se reconstruire un Surmoi moins contraignant, moins limitant (ou à l'inverse : plus contraignant si on dépassait les bornes). Le patient se donnera ainsi des protections.
Facile à se souvenir : la puissance du psychanalyste permettra de nouvelles permissions régentés par de nouvelles protections. Ceci n'est pas de la psychanalyse, mais j'aime bien cette règle des trois P.
Ite missa est
Je n'irai pas plus loin. Le texte de Wapi au dessus, donne d'autres éléments.
Mais tout ceci pour ramener l'histoire du transfert à sa juste mesure, pour montrer que ça n'a rien à voir avec ce qu'on peut caricaturer quand on ne sait rien de la relation patient-psy.
Cette juste mesure fait que le transfert n'est pas une notion métaphysique venue des cieux, un machin bizarre inventé de toute pièce. Mais ce n'est pas rien : c'est le noeud de la cure ou d'un traitement psy quelconque.
J'ai pleinement conscience du niveau zéro où je me suis maintenu, je n'ai pas été bien loin, dans tout ce que la psychanalyse dit sur le transfert, mais oh ! on va pas écrire un bouquin, y'en a déjà ! Et puis on ne fait pas un cours pour être psy, ici, juste dire des choses.
Dire des choses pour que les amis qui fréquentent ce saint lieu (je veux dire ce forum) aient une idée, une petite idée que c'est ça, que le transfert, ce n'est jamais que ça, mais que c'est essentiel pour le travail psy. De l'amour. Et qu'on ne vienne plus fantasmer un machin inexistant pour mieux en ricaner.
PS: (pub non payante):
Il y a un message formidable de Wapi dans le fil Schizo. Lisez l'entretien avec Hélène Chaigneau. Vous en apprendre aussi sur la qualité de la relation entre psy-patient.