Psy-X,Y,Z...

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par Cyrano » 18 Fév 2005, 22:00

Une définition :

Le patient déplace sur la figure du psychanalyste (ou psy-machin), des sentiments, des idées ou des comportements qui proviennent de personnes, d'images qui ont eu une importance particulière pour le patient.

Voilà, j'ai fini… Non, je déconne…

Tout le monde en place, ça va commencer…

Je ne vais pas bien, je vais consulter un psy… Enfin quelqu'un qui me comprendra ?… Bon sang, pourquoi je vis ça ? Ça vient d'où ?
Ça résume ce que j'ai écris dans le message précédent.

Le patient parle. La plupart du temps il ne dit rien d 'intéressant, ça le regarde, il paye (ou on paye pour lui). Mais enfin, il peut parler à quelqu'un (le psy) qui n'a pas d'enjeu envers sa personne. Ce n'est pas un ami qui donne son avis à tort et à travers ou qui se moque.
Le patient réalise qu'il n'est pas jugé : il peut avouer ses haines, ses amours, ses besoins, ses envies, ses dégoûts. Il a trouvé à qui parler (Il ne sait pas encore d'ailleurs qu'il va vraiment trouver à qui parler et qu'il n'arrivera pas à rouler le psy dans la farine avec ses petits bobos).
Enfin, quelqu'un comprend… Si tout le monde pouvait être comme ça…

La compétence du psy (sa puissance), la relation privilégiée qui s'instaure va prendre une grande importance. N'oublions pas qu'on est venu consulter, on n'est pas au Club Med ! Et dans cet état qui fragilise, cette relation est inévitable, et elle est souhaitable.
– Ah… Si papa-maman avaient été comme ça…

Ça y est : ça se branche…

C'est pourtant pas difficile…
Aux directives parentales va se substituer la puissance du psy-chanalyste, psy-etc.
Le patient répète des attitudes émotionnelles, inconscientes (amicales ou hostiles). Ces attitudes, ces émotions, le patient les a établies dans son enfance avec ses parents ou autre figure d'autorité, son entourage (elles sont devenues un moteur inconscient agissant ici, maintenant).
Lorsque j'écris le patient "répète", ça veut dire que le patient ne reconnaît pas ces attitudes, ces émotions, en toute conscience (par la parole et la pensée). Il se conduit envers le psy comme il se conduisait dans son enfance par rapport à diverses personnes, il répète un mode de fonctionnement.
OK ?
Ça entraîne quoi ?
Le patient est venu parce que justement sa névrose (certains comportements, certaines attitudes émotionnelles) lui pourrissait inconsciemment la vie.
Et voilà qu'il répète avec le psy les attitudes, les comportements qui sont la manifestation de sa névrose.
Voici donc que nous assistons à une substitution : la névrose clinique est répétée, se transfère dans la relation entre le psy et le patient : on parle de névrose de transfert.
C'est OK ?

Et alors?

Alors, le boulot, là, c'est quoi ? Il s'agit d'interpréter, contrôler, traiter la névrose de transfert.
Le patient va apprendre à manier des émotions qu'il n'avait pu maîtriser dans le passé et dont il n'avait pu se défendre qu'en les excluant de sa conscience.
L'importance prise par le psy grâce à sa compétence (sa puissance) va lui permettre d'accompagner le patient pour que celui-ci prenne conscience de ses pulsions refoulées, de ses besoins authentiques. Mais le patient va aussi prendre conscience (quel terme !) des règles, des interdits qui lui disaient inconsciemment : tss ! tss ! faut pas ! Ainsi le patient va se donner des permissions pour vivre, tout simplement.
Guérir ? Ça dépend de ce qu'on met la dedans… En tout cas, le patient va vivre avec ses échardes, il les connaît, il les reconnaîtra lorsque elles reviendront le titiller. Il va vivre dans le monde, sans regrets exagérés du passé, sans appréhension abusive de l'avenir, sans survaloriser certaines figures qui ont autorité, sans se dévaloriser.
Il apprendra qu'on peut tout dire, tout penser, mais qu'on ne peut pas tout faire. On pourrait presque dire que le psy-x,y,z va aider le patient à se reconstruire un Surmoi moins contraignant, moins limitant (ou à l'inverse : plus contraignant si on dépassait les bornes). Le patient se donnera ainsi des protections.
Facile à se souvenir : la puissance du psychanalyste permettra de nouvelles permissions régentés par de nouvelles protections. Ceci n'est pas de la psychanalyse, mais j'aime bien cette règle des trois P.

Ite missa est

Je n'irai pas plus loin. Le texte de Wapi au dessus, donne d'autres éléments.

Mais tout ceci pour ramener l'histoire du transfert à sa juste mesure, pour montrer que ça n'a rien à voir avec ce qu'on peut caricaturer quand on ne sait rien de la relation patient-psy.
Cette juste mesure fait que le transfert n'est pas une notion métaphysique venue des cieux, un machin bizarre inventé de toute pièce. Mais ce n'est pas rien : c'est le noeud de la cure ou d'un traitement psy quelconque.
J'ai pleinement conscience du niveau zéro où je me suis maintenu, je n'ai pas été bien loin, dans tout ce que la psychanalyse dit sur le transfert, mais oh ! on va pas écrire un bouquin, y'en a déjà ! Et puis on ne fait pas un cours pour être psy, ici, juste dire des choses.
Dire des choses pour que les amis qui fréquentent ce saint lieu (je veux dire ce forum) aient une idée, une petite idée que c'est ça, que le transfert, ce n'est jamais que ça, mais que c'est essentiel pour le travail psy. De l'amour. Et qu'on ne vienne plus fantasmer un machin inexistant pour mieux en ricaner.

PS: (pub non payante):
Il y a un message formidable de Wapi dans le fil Schizo. Lisez l'entretien avec Hélène Chaigneau. Vous en apprendre aussi sur la qualité de la relation entre psy-patient.
Cyrano
 
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Message par Harpo » 18 Fév 2005, 22:04

Merci Iko pour ton explication sur Lacan.
Mais franchement, pourquoi plaquer le mot Phallus sur ce qui manque :
a écrit :C’est alors là qu’il faut bien comprendre que la « relation fusionnelle » avec la mère n’est pas, dès le départ une relation à deux, mais une relation à trois. La Mère primordiale (au sens où Cyrano vient de la décrire), l’enfant et le Phallus.
Le Phallus !
Le Phallus est un objet imaginaire, l’objet qui va au cours de la vie signifier le manque fondateur du Sujet. Il va avoir pleins d’objets métonymiques (la métonymie, c’est la condensation, c'est-à-dire prendre une partie pour le tout ; exemple, « une voile à l’horizon ») derrière lesquels on va courir ou au contraire se sauver… en gros, le macho voudra la plus belle des voitures car cela lui fait croire qu’il a vraiment ce phallus que tout le monde cherche. Le phobique au contraire incarnera ce phallus angoissant dans l’ascenseur qui monte et qui descend et sera quitte de son angoisse si il n’habite pas au quinzième étage.

On l'appellerait la Pomme de Terre ou le Dromadaire que ça n'en serait pas plus ni moins justifié.
Ma seule question : Jacques Lacan a-t-il soigné efficacement (je ne dis pas guéri) beaucoup de ses patients ?
Harpo
 
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Message par iko » 18 Fév 2005, 23:21

Lacan a employé le mot Phallus car ce signifiant du manque renvoie à la différence des sexes et permet de mieux comprendre ce que Freud voulait dire par l'envie du pénis.
Personne n'a le phallus, mais l'homme qui a le pénis est supposé l'avoir, avoir rien du tout vous avez compris, alors que la femme le cherchera chez l'homme, et en échange pourra enfanter et être au plus proche de la relation inflative fusionnelle que sera la maternité.

On dit que les psychotiques sont restés prisonniers de l'identification au Phallus, ceci par ce que la "métaphore du Nom du Père" a échoué.

Mais c'est une autre histoire... (excuse moi Shadoko)
à bientôt
iko
 
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Message par Bertrand » 19 Fév 2005, 09:58

(canardos @ samedi 19 février 2005 à 09:15 a écrit : je précise rien compris au texte mis par Iko, et à ce qui est censé etre ses éclaircissements.

j'ai bien compris les explications de cyrano par contre, il ferait surement un meilleur therapeuthe qu'Iko....

je suis entierement d'accord sur le fait que parler de l'origine de ses névroses avec quelqu'un de neutre et de competent, qui a une bonne ecoute et de l'empathie, ça aide à les maitriser...mais il n'y a pas besoin d'appliquer la theorie psychanalytique pour faire ça. au contraire le fait d'orienter le malade vers le schema freudien, avec la theorie ridicule du phallus manquant ou recherché, est plutot un obstacle à ce travail de soutien psychotherapeutique

Il me semble que c'est là le seul vrai sujet du débat.
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Message par Wapi » 19 Fév 2005, 13:22

Quelques nouvelles explications sur le transfert avec d'autres mots :

a écrit :                              Petit propos sur le transfert

Ignacio Gárate Martínez


Chère Virginie,


Vous me demandez si gentiment d’écrire pour vous, que je ne peux pas m’y dérober : puisque c’est à ma personne que vous vous adressez et que vous venez titiller ma fierté d’écrivain. Le narcissisme aussi nous fait tenir ensemble et c’est une bonne chose que de ne pas l’ignorer : c’est le meilleur moyen de limiter ses effets destructeurs dans l’inconscient. Voilà donc, en peu de mots et de la manière la plus simple possible, ce que votre demande m’inspire tout à trac, sur le transfert. Propos petits par conséquent et, certainement, incomplets.


Alors Marie prit un vase de parfum de nard de grand prix (Judas pensa que l’on aurait mieux fait de le consacrer aux pauvres, il aurait ainsi pu grappiller sa dîme) et le cassa et se mit à faire un massage des jambes de Jésus de haut en bas, et elle essuya les jambes avec sa chevelure, et toute la pièce s’emplit du parfum du nard… Elle ne sait pas, dit Jésus, qu’elle est en train de m’embaumer pour ma sépulture.  1)



Voilà comment le transfert opère en psychanalyse : parce q’une personne se laisse aller à sa demande d’amour envers quelqu’un d’autre qui lui semble représenter ce qu’il y a de plus… (pas forcément très bon, mais surtout très intense), parce qu’une personne donc se laisse aller à demander à quelqu’un d’autre de l’amour, comme si cet autre était vraiment « majuscule » ou très grand, cet autre qu’on appelle « analyste » l’écoute en silence, n’y répond pas 2 , se dérobe, se minimise, tout petit, petit autre, presque pas autre, à peine petit « a », un petit tas de chair 3 , comme une présence silencieuse, et de cette absence de réponse que nous appelons interprétation, jaillit une ouverture, un appel d’air, un tourbillon de nouvelles paroles, un ruissellement 4 qui fait vieillir les sens anciens sur lesquels reposait notre douleur d’exister, notre souffrance d’avoir une âme… Cet instant nous suspend comme une rencontre inattendue et très belle, comme si nous avions touché à l’articulation de la vérité, comme s’il fallait rester là pour toujours à la contempler… Mais déjà le ruissellement des paroles nous indique une nouvelle direction, nous accroche à d’autres mots qui nous ravissent, qui nous fabriquent une autre parole de vérité pour nous tenir, semblant d’ensemble dans les mots, continuer de maudire, de vivre et de vociférer la vie, de l’inventer pas à pas, de créer notre croyance insensée.



Le transfert est ainsi l’une des formes de l’amour où le désir ne s’arrondit pas pour se lover dans une conque et se perdre avec l’autre dans les forêts lointaines 5 , seul à seul, face à face, perdu dans l’autre éperdu de nous. Le transfert est amour de la différence qui ne se contente pas de soi en l’autre ou de l’autre en soi : il exige une ouverture à du nouveau, à la création de sens nouveaux, ces sens qu’on appelle la vie et en psychanalyse, pour en parler, la clinique du transfert.



Bien sûr, le psychanalyste n’y a pas un destin bien glorieux : il sait combien au terme sa présence silencieuse ou son accompagnement bavard, se dissolvent du côté du rien ; il sait combien il est appelé à devenir encore et encore « petit tas », si proche du déchet 6 . Parfois, certaines analyses permettent qu’un lien se tisse entre l’analysant et la personne de l’analyste, mais même là, la relation est traversée par ce que nous nommons la castration, ce manque fondamental qui empêche la satisfaction complète de l’être pour soi. Le plus souvent le psychanalyste chute de sa place majuscule, pour devenir du rien, le souvenir plus ou moins exact d’un chemin accompli.


C’est sans doute la raison pour laquelle les psychanalystes, qui réussissent si bien à se rétracter pour que de l’autre advienne chez leurs analysants, ratent leur vie en société, se laissent prendre par les parures du moi, les demandes de reconnaissance, l’envie de pouvoir, les querelles entre fratries, la ségrégation des uns et le mépris des autres.


Ce qu’ils réussissent dans la psychanalyse à nommer du côté du moins, se retrouve dans leurs sociétés du côté du plus… C’est aussi un effet de transfert qui, cette fois-ci ne fait pas clinique, tant les psychanalystes s’accrochent à leur institution comme à un symptôme 7) et se refusent à faire dissolution, ce qui serait aussi la clinique du transfert dans leur institution, l’analyse, quoi !


Bien à vous.

À Bordeaux le 5 janvier 2005



1 Évangile de Jean 12, 3-7.

2 Lacan, Jacques ; Variantes de la cure type, in Écrits, p. 346, aux éditions du Seuil, Paris 1966.

3 Lacan, Jacques ; La direction de la cure et les principes de son pouvoir, in Écrits, p. 629-630, aux éditions du Seuil, Paris 1966 : 4 Comme nous l’a montré Dominique Inarra dans son magnifique exposé à Bordeaux dans la dernière Journée d’Espace Analytique d’Aquitaine et du Sud-Ouest en citant Lituraterre.

5 Char, René ; Lettera amorosa, in O.C. La Pleiade.


6 Lacan, Jacques ; Impromptu sur le discours analytique, Massachusetts Institute of Technologye : « C’est en tant que l’analyste est ce semblant de déchet (a) qu’il intervient au niveau du sujet S »


7 Cf. Certeau, Michel de ; Jouer avec le feu, préface au livre de Mireille Cifali Freud pédagogue, et Lüder, l ’institution de la pourriture, ou Géopsychanalyse, les souterrains de l’institution in cahiers Confrontation.


Tant pis pour la référence de début à Jésus !

Cette lettre vous permet mieux de comprendre la phrase de Lacan : "La psychanalyse est un symptôme social"...

Bon week-end à tous.
Wapi
 
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