Psy-X,Y,Z...

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par Wapi » 16 Fév 2005, 18:43

a écrit :le probleme c'est c'est que tes grandes pulsions de vie et de mort, ton moi inconscient, c'est tellement vague, tellement general que cela devient totalement inverifiable, cela s'eleve au rang de metaphysique indémontrable...


Et bien non. Mais il devient de plus en plus évident qu'il est inutile d'en parler.

Si on veut le vérifier, ce qu'on a proposé plusieurs fois de faire, il faut impérativement partir de la clinique psychiatrique au sens large, et donc de se renseigner sur toute son histoire, mais cette simple idée que la psychiatrie comme tout le reste pourrait en avoir une me semble n'avoir pas été admise dans la discussion.

C'est pourtant exactement ce qu'on doit faire quand on veut comprendre n'importe quel phénomène présent d'un point de vue "matérialiste dialectique".

Enfin pour ceci :

a écrit :ça me permet d'en arriver au probleme de la Science avec un grand S. Trotsky a juste titre se méfiait de cette formule qui servait soit à fourguer des camelotes metaphysiques extrapolées abusivement de la mécanique quantique, soit à justifier les sciences sociales officielles face au marxisme.....

c'est pourquoi il preferait parler de materialisme dialectique....


A ce sujet, il me semble quand même important d'étudier ce que Trotsky disait lui-même de la psychanalyse dans ses rapports avec le matérialisme dialectique. Et que la neurologie ait fait depuis lors d'énorme progrès n'y change rien car ce n'est absolument pas sur cette base là qu'il se prononçait, vu qu'il savait parfaitement, à l'époque déjà, que toute pensée provenait nécessairement du cerveau d'une manière ou d'une autre. Encore une fois, aujourd'hui comme à l'époque, la psychanalyse et les neurosciences (ou la neurologie de son époque) n'interviennent pas dans les mêmes champs, et donc ne peuvent la "réfuter" à elles-seules.

Il y a un livre fort sérieux déjà cité, où l'on trouve des informations très intéressantes, et qu'on peut critiquer après l'avoir lu :

"Trotsky et la psychanalyse", de Jacky Chemoumi lui-même psychanalyste (et "trotskyste" tendance OCI je pense à le lecture du livre).

Si c'était une telle fumisterie et supercherie idéaliste et réactionnaire comme tu le suggères, le vieux, je suppose, s'en serait aperçu, en dépit de l'état de la médecine de son temps, car cela n'a rien à voir.
Pour aller dans l'autre sens, d'autres bolcheviques, comme Lénine, étaient plutôt "un peu" ou "nettement" contre les idées générales de Freud, (déjà !) voire franchement hostile, à titre personnel, selon les différentes versions. Je ne sais rien de si précis là dessus que je puisse me former un jugement solide. Certains disent même qu'il était "bienveillant" sans prendre parti, même si c'est plus improbable à mon avis.

Ce qui est sûr, c'est qu'il ne songea point à interdire la psychanalyse dans la russie révolutionnaire ni à la faire passer pour une formation idéologique "bourgeoise" ou "petite bourgeoise" avec tout ce que ça implique de réactionnaire. D'après ce que je sais, il fit un ou plusieurs rappels à l'ordre pour dire que, dans des circonstances historiques particulières, les camarades du parti consacraient trop d'énergie aux questions du sexe et du psychisme individuel alors que d'autres tâches plus essentielles les attendaient.

Et pour le flingage en règle de ce qui aurait pu être une clinique "psychanalytique" révolutionnaire, ce fut Staline qui s'en chargea, comme de tout le reste, et la psychiatrie stalinisée pût à fond jouer son rôle par la suite dans l'ensemble de la barbarie stalinienne.

Voila pour les réponses aux affirmations.

Je rappelle une dernière fois que dans ce pays, toute une tradition psychiatrique la psychiatrie de secteur est en train d'être flinguée avec sauvagerie. (il y a un "Que sais-je ?" là dessus : "histoire du secteur psychiatrique").

C'est pourtant cette tradition qui a su intégrer le mieux les avancées des sciences du cerveau dans sa pratique thérapeutique concrète et quotidienne, (chimie, electrochocs ou autres) et qui devrait pouvoir continuer à le faire car elle seule se pose depuis le début la question du lien entre maladie mentale et société, ce dont la neuropsychiatrie moderne ne veut absolument pas entendre parler.

Mais cette pratique est aliénée comme toutes les autres aujourd'hui, l'enseignement par exemple, ou même la médecine générale, amenée à traiter des symptômes sociaux (obésité, toxicomanie...). Seule une révolution prolétarienne pourrait leur donner vraiment du sens, c'est indéniable.

Ce qu'on veut assassiner aujourd'hui, c'est une pratique qui donne du sens à une science qui sans elle n'en n'a aucune, et peut donc conduire aux pires des horreurs, l'histoire des malades mentaux nous l'a assez montré.

Il ne s'agirait que d'une branche des attaques contre la médecine hospitalière en général ?

Sûrement, mais avec ceci d'encore plus violent que les malades mentaux, qui ne sont pas les mêmes que ceux qui sont concernés par l'hôpital général, ont encore moins que les autres la possibilité d'agir collectivement pour faire cesser cette boucherie, de par leur maladie même. Et qu'on les retrouve sur les trottoirs, en prison ou à la une des journaux.

Cette barbarie n'en est peut-être qu'une parmi d'autre dans cette société, mais il est impossible que notre raisonnement sur la psychiatrie se fasse sans lien avec le contexte social et politique de 2005, et les quelques trop rares luttes en cours dans les HP.

Je n'ai plus rien d'autre à dire je crois.

Je vous remets juste cette citation de Freud, et propose à ceux qui sont intéressés par ce sujet d'approfondir leurs connaissances par des lectures sérieuses et attentives, car beaucoup de références ont été données par les participants sur ces fils depuis près de 50 jours que le débat commencé il y a longtemps, avait repris, avec les cahots que nous lui avons tous connus et déplorés.

a écrit : Sigmund Freud, Abrégé de Psychanalyse

"L'avenir nous apprendra peut-être à agir directement, à l'aide de certaines substances chimiques, sur les quantités d'énergie et leur répartition dans l'appareil psychique. Peut-être découvrirons-nous d'autres possibilités thérapeutiques insoupçonnées ? Pour le moment néanmoins, nous ne disposons que de la technique psychanalytique.

C'est pourquoi, en dépit de ses limitations, il ne faut point la mépriser".


...mais l'étudier rigoureusement, en lien avec son temps, si l'on veut bien la comprendre, à défaut d'être impliqué d'une manière ou d'une autre dans ce domaine.
Wapi
 
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Message par Wapi » 16 Fév 2005, 20:26

Il y a la science des formes d'organisation de la pensée, et il y a la science des contenus de la pensée, et non seulement elles ne parlent pas des mêmes choses, mais en plus le mot "science" n'a pas le même sens dans ces deux cas.

Je crois que tu peux être d'accord avec cela, si tu en as envie.

Et dès qu'on s'intéresse au contenu, on croise nécesairement tout un contexte "politique" qui est toujours celui dans lequel on agit.

C'est cela d'abord qui a du sens. C'est la compréhension du réel humain concret, individuel, social, pas une abstraction issue d'un type particulier d'organisation du système cérébral, ni découlant de l'observation du comportement animal.

On étudie la mémoire dans le cerveau ? Fort bien ! Si on trouvait une molécule qui limite les pertes de mémoire, j'en serais bien sûr ravi.

Mais la mémoire de quoi ? Qui va nous le dire ? Pas la neuroscience qui se défile en bombardant ceux qui prétendent chercher à y voir quelque chose.

Et pour tout cela il faut se donner des outils, et ceux qui sont issus de la tradition psychanalytique sont les seuls qui tiennent un peu la route malgré leurs imperfections et nécessaires réajustements.

Ou on dit qu'on refuse de s'y intéresser, mais c'est un autre choix.

J'arrête là car on s'est tout dit je pense.

Wapi
 
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Message par shadoko » 17 Fév 2005, 10:37

Yep, pareil que Zelda.
shadoko
 
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Message par Wapi » 17 Fév 2005, 13:16

Shadoko,

Tu as répété plusieurs fois que tu étais "de bonne foi" dans ce débat et qu'Iko et moi passions notre temps à botter en touche et à renvoyer à plus tard les explications, ce que tu trouvais malhonnête.

Je suis bien obligé de croire que c'est ce que tu penses puisque c'est ce que tu affirmes. Ton florilège sur le fil "schizophrénie" était du plus bel effet.

Mais dans le genre "best off : les grands moments des uns et des autres sur ce forum", si tu veux, tu peux aussi en faire un à partir de certaines affirmations de nos chers contradicteurs puisque tu maîtrises bien l'informatique et que tu es neutre et sans préjugés, voire "bienveillant " depuis tes anciennes lectures de Freud.

Comme ça, on pourra mieux se faire une idée du niveau des attaques auxquelles il a fallu répondre dans ce débat, et qui nous ont empêche d'avancer. (genre "Freud, c'est Feydau en train de faire caca" ou "les psychanalystes détruisent leurs patients contre de l'argent", "la psychanalyse est mysogyne, homophobe et réactionnaire", "les équipes hospitalières qui refusent la nouvelle métrologie du dsm sont des corporatistes qui défendent leur position sociale", ou encore concernant sur "l'hégémonie actuelle qu'aurait la tradition psychiatrique psychanalytique dans le domaine de la santé mentale et qui bloquerait les avancées de la science dans l'intérêt des malades"...limite le complot et j'en oublie plein d'autres).

Tout ceci dans une ignorance d'ailleurs reconnue de toutes ces questions.

Ce ne serait qu'un juste retour de bâton au vu de toutes les foutaises plus ou moins obscurantistes que nous avons mis sur ces fils ? C'est ton droit de le penser.

Voila pour le "florilège".

Maintenant, tu penses que nous n'avons rien dit ?

Tu peux reprendre toutes nos interventions depuis qu'on est rentré sur le fil et relire même avant tous les fils et les interventions des uns et des autres autour du sujet depuis le début en mars 2004, et voir dans quel contexte elles s'inscrivent. Ceci sans oublier le point de départ : la dénonciation d'une "fausse science" par l'AFIS et ce, à partir d'un "livre noir du freudisme" produit par deux des pires ordures de l'extrême-droite, qui s'y connaît bien question santé mentale. (voir par exemples leurs productions au sujet de l'homosexualité entre autres)

Et maintenant pour l'autre source des "attaques", car ce sont depuis le début des "attaques contre la psychanalyse" auxquelles nous avons eu droit de la part de nos amis et qui ont orienté la discussion dans ce sens ?

Tu as parfaitement le droit de considérer que le rapport de l'INSERM tombe du ciel étoilé de la science et n'est en rien issu d'un contexte politique particulier qui, selon moi, invalide totalement sa méthodologie puisqu'il était là dès le départ pour justifier une politique. (Kouchner et Mattei l'ont applaudi, il y en a pour tout le monde).
On peut parfaitement choisir de faire absolument abstraction du contexte d'une politique de santé mentale en cours depuis 20 ans quand on examine un document qu'y s'y rapporte, mais ce n'est pas ma méthode de travail. Qu'y puis-je ?

Ce n'est qu'un (gros) bout de papier, en rien "scientifique" par lui-même, même s'il est produit par des "scientifiques", et que les bureaucrates peuvent retirer tout en en applicant les conclusions qu'ils connaissaient bien avant de l'avoir commandé. Mais ne relance pas là-dessus stp, le rapport fait 420 pages, il faudrait les démonter une à une. Fais juste confiance aux trop rare équipes psychiatriques en grève en ce moment, et elles t'expliqueront mille fois mieux que moi tout ça si tu en croises, puisque je n'ai pas réussi. Tant il est vrai que, sur les milliers de phrases qu'il contient, tout ce qui y est écrit n'est pas forcément "faux". Cependant Tu peux donc choisir de t'en servir comme base pour discuter, il est moins pire et plus "présentable" que le "livre noir du freudisme", c'est vrai, Quidam a raison de te proposer de le faire, avec lui, s'il veut bien.

Donc, dans cet inventaire il me semble que nous n'avons pas fait "que" du bottage en touche et du "renvoi à plus tard", mais quelques éclaircies indispensables si on veut savoir sérieusement de quoi l'on parle et de tous les arrières-plans qui sont nécessairement mobilisés sur cette question.

Tu trouveras, ou non, que nous avons quand même dit (et je crois même démontré ipso-facto) des choses sur "la psychanalyse" ou autour de "l'inconscient" et du "transfert", et même mis des textes pour être discutés... sans succès je te l'accorde pour ces derniers. Mais pas beaucoup plus les nôtres que ceux des autres, ou de Caupo fût un temps.

Et comme ça j'aurai, à mon tour, la conviction que tu n'es pas juge et partie dans cette affaire.

Enfin, ou avant tout , on ne peut même pas parler de la psychanalyse si l'on ne pense pas qu'il y a un saut qualitatif où qu'il se situe entre l'homme et les grands singes, ou tout autre animal, que l'on prenne le problème sous l'angle de l'individuel ou du collectif.

Ce saut-là, on va prendre le mot de "conscience", si tu es d'accord. Et on pourra ensuite seulement examiner ce qu'on appelle, en ce sens là, l'inconscient et tout les arrière-mondes qui sont toujours mobilisés dans toute relation à l'autre.

Et puis sinon, à mon sens, on ne parle pas non plus de la lutte des classes comme moyen de comprendre et de changer la société humaine, au pretexte qu'elle n'aurait pas toujours existé chez Homo Sapiens Sapiens et qu'on ne l'observe pas dans les groupes de chimapanzés ou de gorilles.

Il faut que tu sois d'accord avec ceci si tu veux continuer.

Et donc sur ta seule bonne foi personnelle, que je te reconnais puisque tu le souhaites, voici un texte pour aider à comprendre encore un tout petit peu, mais seulement si on en a le désir, sinon ça ne sert à rien :


a écrit :              Désir d'autrui et préhistoire de la conscience

Les études de S. Freud (1856-1939) sur le psychisme inconscient ont conduit à la découverte des mouvements souterrains du désir d'autrui. Ce désir, comme la vie sexuelle, préexiste à la prise de conscience du moi et se trouve à son fondement. L'inconscient est conçu par Freud à la fois comme le refoulé (1), un discours (2), une préhistoire (3) et une structure de personnalité (4).

1. Au début de sa carrière, Freud et son collègue Breuer parviennent à guérir certaines névroses au moyen de l'hypnose (cfr. le cas de Anna O. dans les Études sur l'hystérie de 1895). L'hypothèse explicative est la suivante: l'hypnose permet l'expression verbale de sentiments sexuels refoulés qui forment l'inconscient. Assez rapidement, le procédé de l'hypnose est remplacé par la consigne de l'association libre (dire tout ce qui vient à l'esprit, même si cela paraît absurde ou déplacé). Une plus grande importance est ainsi accordée à la relation parlée avec l'analyste, relation dans laquelle peuvent prendre place les phénomènes de résistance (difficulté de se soumettre à la consigne d'association libre) et de transfert (malgré la neutralité de l'analyste, le patient se rapporte à lui comme il se rapportait jadis à des personnes marquantes de son entourage). La psychanalyse naît alors en tant que méthode d'expression de l'inconscient par la parole, et elle seulement, dans une situation relationnelle privilégiée où sont suspendues les conventions et les urgences de la vie courante.

2. Presqu'en même temps, Freud découvre la valeur significative inconsciente des actes manqués, des lapsus, des mots d'esprit et, surtout, des rêves, qui constituent "la voie royale d'exploration de l'inconscient" (L'interprétation des rêves, 1900; Psychopathologie de la vie quotidienne, 1901; Le mot d'esprit, 1905).

Ces découvertes renforcent l'idée que nous ne sommes qu'assez peu maîtres au départ de notre discours : notre parole consciente et rationnelle est portée par un "discours" qui n'est pas à notre disposition et qui s'y insinue. Dans le rêve, notamment, l'inconscient se signale par un style de discours dont les figures essentielles sont la condensation (le personnage d'un rêve ne désigne pas nécessairement la personne réelle qu'il évoque dans la pensée éveillée mais il peut être "surdéterminé" et ainsi désigner d'autres personnages ou d'autres représentations) et le déplacement (les éléments les plus importants d'un rêve peuvent être présents dans un élément qui nous semble accessoire, ce qui déjoue nos censures). La condensation est le processus inconscient de la métaphore, le déplacement celui de la métonymie.


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3. Le désir qui s'avance masqué dans le "langage" inconscient est un désir de nature sexuelle qui se développe dès la prime enfance. Cette préhistoire est particulièrement prégnante du fait de l'absence de langage articulé chez l'enfant. Le symbole majeur en est la tragédie de Sophocle où Oedipe avait, sans le savoir, tué son père et commis l'inceste avec sa mère. Le choix primitif de l'objet du désir de l'enfant est moins l'objet de ses besoins que, vu son indigence à les satisfaire, les personnes par lesquelles ils peuvent être satisfaits. Le désir se porte généralement sur le parent de sexe opposé, la mère pour l'enfant mâle. Mais l'heureuse possession indivise de la mère est troublée par le père, perçu comme rival. Ce rival est en outre perçu comme menaçant (castration possible) et l'enfant ne peut que souhaiter l'éliminer. Ceci étant infaisable, reste l'issue de l'identification au père, perçu dès lors comme modèle. L'image ambivalente du père est l'origine du sens de la loi. Cette préhistoire du désir structure l'inconscient dès le plus jeune âge.



Or, l'inconscient est dynamique. Ce passé reste présent à l'âge adulte et la manière dont le complexe d'Oedipe a été résolu ou non conditionne à notre insu nos relations à autrui (cfr. par exemple le transfert psychanalytique). La résolution de l'oedipe passe par l'acceptation de la loi interdisant l'inceste et donc par le deuil de l'objet immédiat premier du désir. L'homme n'a de chance de se développer humainement que s'il met un intervalle entre lui même et l'objet de son fantasme, intervalle par lequel il s'ouvre au monde, aux choses et aux gens.

Comme le souligne plus tard Jacques Lacan, c'est par ce travail de deuil que l'individu peut vivre son désir non sur le mode imaginaire (investissement dans la fusion béate) mais sur le mode symbolique (investissement du désir dans ce qui n'est pas l'objet primaire mais le représente par substitution). Notons que l'ethnologue Claude Levi-Strauss fera des observations analogues en ce qui concerne la société : le tabou de l'inceste oblige les individus à chercher leur conjoint ailleurs que chez les consanguins proches et cet interdit de court-circuit est nécessaire à l'état de société comme à la culture (cf. Les stuctures élémentaires de la parenté, 1949).


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4. La personnalité est structurée, selon Freud, selon une topique à trois instances (Le moi et le ça, 1923, dans Essais de Psychanalyse). Le ça est la libido inconsciente comprenant les pulsions sexuelles du désir. Le sur-moi est un ensemble, également inconscient d'interdictions et de normes qui s'organise autour de la prohibition de l'inceste et de la loi du père. Le moi est l'instance de la négociation entre les revendications du ça et les impératifs du sur-moi, négociation nécessaire eu égard aux conditions de la survie de l'individu dans la réalité. Aux prises avec les deux autres instances, le moi médiateur est à la fois inconscient et conscience en devenir. On peut considérer que l'orientation de la cure psychanalytique tient dans le mot freudien "Wo est war, soll ich werden" (là où était le ça, doit advenir le je).

Par rapport à la théorie hégélienne rappelée plus haut, on voit que, d'après Freud, le désir de désir nous constitue antérieurement à toute prise de conscience de soi. Cette prise de conscience et, simultanément, le désir de l'autre reconnu comme autre ne sont pas exclus pour autant. Il s'agit cependant désormais d'un but et d'une tâche. Le Bewusstsein est un Bewusstwerden, inachevé et militant.

Désir d'autrui et préhistoire de la conscience

Les études de S. Freud (1856-1939) sur le psychisme inconscient ont conduit à la découverte des mouvements souterrains du désir d'autrui. Ce désir, comme la vie sexuelle, préexiste à la prise de conscience du moi et se trouve à son fondement. L'inconscient est conçu par Freud à la fois comme le refoulé (1), un discours (2), une préhistoire (3) et une structure de personnalité (4).

1. Au début de sa carrière, Freud et son collègue Breuer parviennent à guérir certaines névroses au moyen de l'hypnose (cfr. le cas de Anna O. dans les Études sur l'hystérie de 1895). L'hypothèse explicative est la suivante: l'hypnose permet l'expression verbale de sentiments sexuels refoulés qui forment l'inconscient. Assez rapidement, le procédé de l'hypnose est remplacé par la consigne de l'association libre (dire tout ce qui vient à l'esprit, même si cela paraît absurde ou déplacé). Une plus grande importance est ainsi accordée à la relation parlée avec l'analyste, relation dans laquelle peuvent prendre place les phénomènes de résistance (difficulté de se soumettre à la consigne d'association libre) et de transfert (malgré la neutralité de l'analyste, le patient se rapporte à lui comme il se rapportait jadis à des personnes marquantes de son entourage). La psychanalyse naît alors en tant que méthode d'expression de l'inconscient par la parole, et elle seulement, dans une situation relationnelle privilégiée où sont suspendues les conventions et les urgences de la vie courante.

2. Presqu'en même temps, Freud découvre la valeur significative inconsciente des actes manqués, des lapsus, des mots d'esprit et, surtout, des rêves, qui constituent "la voie royale d'exploration de l'inconscient" (L'interprétation des rêves, 1900; Psychopathologie de la vie quotidienne, 1901; Le mot d'esprit, 1905). Ces découvertes renforcent l'idée que nous ne sommes qu'assez peu maîtres de notre discours : notre parole consciente et rationnelle est portée par un "discours" qui n'est pas à notre disposition et qui s'y insinue. Dans le rêve, notamment, l'inconscient se signale par un style de discours dont les figures essentielles sont la condensation (le personnage d'un rêve ne désigne pas nécessairement la personne réelle qu'il évoque dans la pensée éveillée mais il peut être "surdéterminé" et ainsi désigner d'autres personnages ou d'autres représentations) et le déplacement (les éléments les plus importants d'un rêve peuvent être présents dans un élément qui nous semble accessoire, ce qui déjoue nos censures). La condensation est le processus inconscient de la métaphore, le déplacement celui de la métonymie.

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3. Le désir qui s'avance masqué dans le "langage" inconscient est un désir de nature sexuelle qui se développe dès la prime enfance. Cette préhistoire est particulièrement prégnante du fait de l'absence de langage articulé chez l'enfant.

Le symbole majeur en est la tragédie de Sophocle où Oedipe avait, sans le savoir, tué son père et commis l'inceste avec sa mère. Le choix primitif de l'objet du désir de l'enfant est moins l'objet de ses besoins que, vu son indigence à les satisfaire, les personnes par lesquelles ils peuvent être satisfaits. Le désir se porte généralement sur le parent de sexe opposé, la mère pour l'enfant mâle. Mais l'heureuse possession indivise de la mère est troublée par le père, perçu comme rival. Ce rival est en outre perçu comme menaçant (castration possible) et l'enfant ne peut que souhaiter l'éliminer. Ceci étant infaisable, reste l'issue de l'identification au père, perçu dès lors comme modèle. L'image ambivalente du père est l'origine du sens de la loi. Cette préhistoire du désir structure l'inconscient dès le plus jeune âge.

Mais ce "père" là n'est pas nécessairement le "papa" que l'enfant connaît. Bien d'autres personnes, hommes ou femmes, peuvent endosser simultanément ou non la "fonction paternelle".

Or, l'inconscient est dynamique. Ce passé reste présent à l'âge adulte et la manière dont le complexe d'Oedipe a été résolu ou non conditionne à notre insu nos relations à autrui (cfr. par exemple le transfert psychanalytique). La résolution de l'oedipe passe par l'acceptation de la loi interdisant l'inceste et donc par le deuil de l'objet immédiat premier du désir. L'homme n'a de chance de se développer humainement que s'il met un intervalle entre lui même et l'objet de son fantasme, intervalle par lequel il s'ouvre au monde, aux choses et aux gens.

Comme le souligne plus tard Jacques Lacan, c'est par ce travail de deuil que l'individu peut vivre son désir non sur le mode imaginaire (investissement dans la fusion béate) mais sur le mode symbolique (investissement du désir dans ce qui n'est pas l'objet primaire mais le représente par substitution). Notons que l'ethnologue Claude Levi-Strauss fera des observations analogues en ce qui concerne la société : le tabou de l'inceste oblige les individus à chercher leur conjoint ailleurs que chez les consanguins proches et cet interdit de court-circuit est nécessaire à l'état de société comme à la culture (cf. Les stuctures élémentaires de la parenté, 1949).

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4. La personnalité est structurée, selon Freud, selon une topique à trois instances (Le moi et le ça, 1923, dans Essais de Psychanalyse). Le ça est la libido inconsciente comprenant les pulsions sexuelles du désir. Le sur-moi est un ensemble, également inconscient d'interdictions et de normes qui s'organise autour de la prohibition de l'inceste et de la loi du père. Le moi est l'instance de la négociation entre les revendications du ça et les impératifs du sur-moi, négociation nécessaire eu égard aux conditions de la survie de l'individu dans la réalité. Aux prises avec les deux autres instances, le moi médiateur est à la fois inconscient et conscience en devenir. On peut considérer que l'orientation de la cure psychanalytique tient dans le mot freudien "Wo est war, soll ich werden" (là où était le ça, doit advenir le je).

Par rapport à la théorie idéaliste de Hegel pour laquelle l'homme constitue sa conscience de soi par un désir de désir, on voit que, d'après Freud, le désir de désir nous constitue antérieurement à toute prise de conscience de soi. Cette prise de conscience et, simultanément, le désir de l'autre reconnu comme autre ne sont pas exclus pour autant. Il s'agit cependant désormais d'un but et d'une tâche, inachevée et militante
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Message par shadoko » 17 Fév 2005, 16:07

Wapi:

a écrit :
Tu trouveras, ou non, que nous avons quand même dit (et je crois même démontré ipso-facto) des choses sur "la psychanalyse" ou autour de "l'inconscient" et du "transfert", et même mis des textes pour être discutés... sans succès je te l'accorde pour ces derniers. Mais pas beaucoup plus les nôtres que ceux des autres, ou de Caupo fût un temps.

Et bien honnêtement, j'ai relu beaucoup en faisant mon "florilège", et je n'ai pas trouvé grand-chose à ma portée. Il y a bien quelques textes qui traînent comme celui que vient de poster Iko sur "Que veut dire un chapeau". Mais c'est exactement ce qui n'est pas à ma portée, qui ne m'explique rien. C'est un peu "apprenez la psychanalyse par des méthodes impressionistes". Bon, c'est marrant, mais ça n'aide pas vraiment à avoir les idées claires. Entre ça et un film d'Hitchcock, je choisis le film...

a écrit :
Et comme ça j'aurai, à mon tour, la conviction que tu n'es pas juge et partie dans cette affaire.

Tu me fais marrer... tu crois que je suis un shadok-taupe envoyé par un canard?

Franchement, je ne suis sûrement pas "juge". Qui l'est, que juge-t-on, et surtout quel serait la portée d'un tel jugement sur un forum sur internet de sympathisants à une petite organisation? Il faut remettre les choses à leur niveau.
Suis-je "partie"? Je ne suis pas psychanalyste, je travaille dans un secteur qui n'a aucun rapport, et je n'ai jamais eu pour le moment de contact avec la psychiatrie.

Je suis venu juste pour me faire une petite idée de départ, dans la discussion. Et d'ailleurs, avec les meilleurs arguments du monde dans un sens ou dans l'autre, je ne serais pas reparti avec une opinion définitive sur le sujet; n'importe qui d'un peu sérieux sait qu'il faudrait pour cela un investissement personnel et un effort de documentation que je ne suis pas prêt à faire.

Alors encore une fois, remettons les choses à leur niveau.

Tu n'as pas "rien dit". Iko non plus. J'ai bien compris que vous étiez choqué du traitement qui est réservé au secteur psychiatrique par le gouvernement, et on le serait à moins. Au moins, ça, c'est clair.

Prend mon message précédent un peu plus à la rigolade, c'était un peu facile, c'est vrai, mais le message d'Iko est la goutte d'eau qui a fait déborder le chapeau...

Pour la suite:

a écrit :
Enfin, avant tout chose, on ne peut même pas parler de la psychanalyse si l'on ne pense pas qu'il y a un saut qualitatif où qu'il se situe entre l'homme et les grands singes, ou tout autre animal, que l'on prenne le problème sous l'angle de l'individuel ou du collectif.

Je t'accorde facilement cette affirmation, d'autant que tant que tu ne précises pas de quel aspect tu parles, elle est vide. Ça va venir, je suppose.

a écrit :
Ce saut-là, on va prendre le mot de "conscience", si tu es d'accord.

OK. Appelons donc "conscience" un saut qualitatif entre l'homme et les grands singes. Je n'ai pas l'impression que ce soit la terminologie consacrée. Mais soit.

a écrit :
Et on pourra ensuite seulement examiner ce qu'on appelle, en ce sens là, l'inconscient et tout les arrière-mondes qui sont toujours mobilisés dans toute relation à l'autre.

Allons-y, allons-y. Mais ôte-moi un doute: tu ne prétends pas avoir précisé ou décrit ce qu'était l'inconsient là, si? Parce que si c'est le cas, tu m'as déjà perdu.

Bon, sinon, j'ai lu ton texte. Couplé avec les explications de Cyrano, c'est au moins un résumé de la théorie de base. J'attends le transfert de Cyrano.


shadoko
 
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Message par Wapi » 17 Fév 2005, 17:02

a écrit :C'est un peu "apprenez la psychanalyse par des méthodes impressionistes"


Oui... et pourquoi pas après tout ? Il y a d'autres choses très bien qu'on apprend aussi comme ça, par "imprégnation longue".

Et puis, après tout c'est très bien Hitchcock, c'est bourré de références à l'inconscient, plus ou moins farfelues... comme l'inconscient ! Ca peut faire sentir "qu'il y a un truc" dès fois.

Et si tu aimes le cinéma, pense à "la moindre des choses" de N. Philibert (qui a fait "être et avoir"). (en vente sur internet... 30 euros, désolé c'est un peu cher).

Pour ça :

a écrit :
a écrit :

Enfin, avant tout chose, on ne peut même pas parler de la psychanalyse si l'on ne pense pas qu'il y a un saut qualitatif où qu'il se situe entre l'homme et les grands singes, ou tout autre animal, que l'on prenne le problème sous l'angle de l'individuel ou du collectif.

Je t'accorde facilement cette affirmation, d'autant que tant que tu ne précises pas de quel aspect tu parles, elle est vide. Ça va venir, je suppose.


C'est sûr qu'en mettant n'importe quel mot je me faisais piéger. On n'a qu'a se passer de mot et garder l'idée... ou l'interprétation qu'on en a chacun au départ. Et tu en as bien une, puisque tu m'accorde "facilement" qu'elle existe.

Ce saut qualitatif.... c'est à la question "qu'est-ce que l'homme ?" qu'il renvoie, et c'est une interrogation, qui, ne datant pas d'hier, ne risque pas d'être résolue définitivement par un mot. Disons qu'on n'a pas d'autre choix que de tenter de répondre perpétuellement à cette question, de chercher pour changer en quelque sorte.

On ne peut jamais empêcher qu'il y ait de l'interprétation dans tous les sens dès lors qu'il y a commerce entre deux personnes au moins, car chacun arrive avec ce qu'il est, ou croit qu'il est et que l'autre...n'en pense pas moins... depuis le début qu'on nous a parlé avant que nous ne parlions.

Ceci commence à nous permettre d'appocher le continent "inconscient"... par le "transfert", le "ce qui se passe", ni "ce qui se dit", ni "ce qui se fait", justement dans "l'entre deux" ou "l'ambiance" qui s'installe entre deux ou plusieurs individus.

Cyrano à la belle plume t'en dira encore quelques mots j'espère.
Wapi
 
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Inscription : 08 Jan 2005, 16:30

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