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Message Publié : 04 Mars 2005, 18:17
par faupatronim
(Le Monde @ 4 mars 2005 a écrit :Le mystère persistant de la petite taille de l'homme de Flores



Depuis sa découverte dans une île indonésienne, "Homo floresiensis", vieux de 18 000 ans, intrigue en raison de la petitesse de son cerveau.


À quelle espèce appartient réellement Homo floresiensis, le petit "Hobbit" découvert sur l'île indonésienne de Flores en 2003 (Le Monde daté 31 octobre et 1er novembre 2004) et qui pourrait être de sexe féminin ? La polémique fait rage parmi les scientifiques, car personne n'arrive à percer l'étonnant mystère que renferment ces restes humains, vieux de 18 000 ans. Cet Homo miniature de 1 mètre de haut est en effet doté d'une capacité crânienne de 380-400 cm3, plus proche de celle d'un chimpanzé ou de l'australopithèque Lucy (3,2 millions d'années).

Cette miniaturisation procède-t-elle d'un nanisme insulaire, comme cela s'est produit chez différents mammifères (éléphants, cerfs, chèvres), isolés dans des îles pendant de très longues périodes ? Peut-on éliminer complètement l'hypothèse du nanisme ou de la microcéphalie ? Les découvreurs d'Homo floresiensis, notamment l'Australien Mike Morwood et l'Indonésien Radien Soejono, estiment, pour leur part, que cet hominidé serait plutôt un Homo erectus (Nature du 28 avril 2004).

Pour tenter de faire avancer le débat, une équipe dirigée par la neuropaléontologue Dean Falk (département d'anthropologie, université d'Etat de Floride), composée de radiologues et de paléoanthropologues américains, australiens et indonésiens, a comparé l'endocrâne (intérieur du crâne) d'Homo floresiensis avec celui d'autres espèces humaines et animales. Il s'agit d'endocrânes virtuels - une reconstitution numérique en trois dimensions -, car le crâne d'Homo floriensis est trop fragile pour réaliser un moulage. Ont ainsi été évalués les restes crâniens de cinq australopithèques, d'un paranthrope, de cinq Homo erectus, de dix humains, de dix gorilles, de dix-huit chimpanzés, d'une femme pygmée adulte et d'une personne atteinte de microcéphalie.

Selon les chercheurs, qui publient le résultat de leurs travaux dans la revue Science en ligne (Scienceexpress) du 3 mars, le cerveau d'Homo floresiensis est très proche de celui d'Homo erectus. Il présente des lobes frontaux et temporaux indiquant une capacité de "processus cognitifs avancés". Les lobes frontaux, notamment, comportent deux importantes circonvolutions. Ce petit être aurait donc été tout à fait capable de tailler les outils lithiques retrouvés dans la grotte de Liang Bua. Mais les choses ne sont pas totalement éclaircies pour autant, car "ces circonvolutions du cerveau ne peuvent provenir d'une miniaturisation d'un cerveau d'Homo sapiens ou d'Homo erectus", précisent les scientifiques. L'hypothèse de l'appartenance du crâne à un Pygmée ou à une personne atteinte de microcéphalie a été abandonnée. Bien que les chercheurs n'éliminent pas totalement l'hypothèse d'une microcéphalie secondaire : un nouveau-né peut en effet naître avec un cerveau normal qui se développe de façon anormale.

Les similitudes du petit "Hobbit" avec Homo erectus suggèrent fortement aux auteurs de l'étude une connexion phylogénétique entre les deux espèces. Mais ils soulignent que le rapport entre la taille du cerveau et celle du corps est plus proche de celui d'un australopithèque, tandis que la morphologie du fémur et du pelvis ne démontre pas de parenté avec les erectus. Au total, il est possible qu'Homo floresiensissoit le résultat d'un nanisme insulaire endémique. Une autre hypothèse est qu'Homo erectus et Homo floresiensis ont pu posséder un ancêtre commun, un hominidé inconnu de petite taille et doté d'un petit cerveau.

"L'étude effectuée à partir de ce moulage virtuel est très intéressante. Mais je suis un peu déçu par certains aspects. Je crains que cela ne permette pas de clore la discussion", note Jean-Jacques Hublin, directeur du département de l'évolution humaine du Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology, à Leipzig (Allemagne). Selon ce spécialiste, l'équipe de Dean Falk aurait dû effectuer des comparaisons avec un échantillonnage plus important de microcéphales.

En outre, l'équipe de Dean Falk "a négligé l'analyse de l'allométrie : les variations de taille dans un groupe donné sont généralement accompagnées de variations de forme. Par exemple, il y a naturellement des changements allométriques dans le cerveau humain et chez tous les êtres vivants. Avec Homo floresiensis, nous avons un effet de taille important et on ne peut rejeter l'hypothèse d'un erectus nain". Enfin, l'hypothèse d'un ancêtre commun à Homo erectus et Homo floriensis le laisse sceptique. "Tant qu'on n'aura pas trouvé d'autres crânes similaires dans l'île de Flores, il sera difficile de trancher", conclut-il.

Jean-Jacques Jaeger, professeur de paléontologie des vertébrés à l'université Montpellier-II, estime qu'"il faut rester prudent concernant les reconstitutions virtuelles cérébrales". En effet, "avec cette technique, on reconstitue la surface présente entre les méninges et l'os, car les méninges masquent les détails. Je regrette aussi qu'on ne voie pas la vascularisation, car cela aurait été instructif". Par ailleurs, le scientifique n'est pas sûr que les outils lithiques trouvés à proximité du "Hobbit" aient été taillés par ce dernier. "A l'époque, il y avait de l'homme moderne partout, et il circulait en bateau".

Le chercheur ne se dit pas surpris par la petite taille du cerveau. Pour lui, le nanisme insulaire diminue la taille de certains de ses habitants, mais en même temps il "reprogramme" l'ensemble de leur organisme. "C'est un grand classique en biologie des populations", précise Jean-Jacques Jaeger. Il cite ainsi l'exemple d'une petite chèvre à cinq cornes découverte dans la péninsule de Gargano, sur la côte adriatique de l'Italie. Cette péninsule a été une île qui est restée isolée entre - 7 millions et - 4 millions d'années.

Or "les spécialistes n'arrivent pas à intégrer cet animal dans une famille précise car il a perdu les caractères qui permettraient de le classer avec précision". De la même manière, "Homo floresiensis est un Homo erectus insulaire qui a évolué 500 000 ans sur l'île et qui a subi la loi de l'évolution". Jean-Jacques Jaeger suggère que l'ancêtre de cet Homo erectus venu d'Asie serait arrivé dans l'île de Flores par le jeu du hasard - variations du niveau de la mer ou tectonique des plaques - et s'y serait trouvé piégé.

L'étude cérébrale du petit homme de Flores n'élimine donc pas toutes les interrogations des scientifiques. L'analyse ADN permettra peut-être de lever un autre coin du voile. A cette fin, une petite quantité de poudre d'os appartenant au "Hobbit" a été fournie à Svante Pããbo, généticien au Max Planck Institute, par le paléoanthropologue indonésien Teuku Jacob.

Christiane Galus

Message Publié : 07 Avr 2005, 17:19
par azadi
A lire également ce moi ci à propos de l'homme de Flores :

Dossier d'Archéologie "Asie du Sud Est : De l'homo erectus à l'homo sapiens" n°302 Avril 2005.

Message Publié : 23 Août 2006, 07:06
par canardos
l'homme de Flores, homo sapiens pygmée et microcéphale ou homo erectus nain?

le débat continue...

deux articles:

a écrit :
Les Hobbits, la suite

(Agence Science-Presse)

Les hobbits, ces " petits hommes " qui ont peut-être vécu sur une île de l’Indonésie jusqu’à voici 18 000 ans, n’ont pas fini de faire parler d’eux. De nouveaux éléments renforcent leur filiation avec l’Homo Erectus.

Au cours du congrès de la Société de paléoanthropologie tenu à la fin-avril à San Juan, Porto Rico, les anatomistes Susan Larson et William Jungers, de l’Université Stony Brook à New York, sont d’abord venu dire que le squelette original était celui d’un homme et non d’une femme. Mais cela mis à part, la forme de ses épaules le rapproche de l’Homo Erectus, et non de l’humain moderne ; or, l’hypothèse principale veut que cet " Homme de Florès ", qui ne mesure qu’un mètre de haut, soit effectivement un descendant rachitique de l’Homo Erectus, qui était arrivé en Asie plusieurs centaines de milliers d’années plus tôt. Autrement dit, l’Homme de Florès serait un lointain cousin à nous, une espèce humaine distincte, comme l’homme de Néandertal fut une espèce distincte.
Les opposants à cette théorie ne s’estiment pas vaincus. Dans l’édition du 19 mai de la revue Science, le paléoanthropologue Robert D. Martin, du Field Museum de Chicago, et ses collègues, continuent d’affirmer que le crâne de petite taille –le seul crâne récolté là-bas, dans la caverne de Ling Bua– est celui d’un humain moderne souffrant de microcéphalie –une maladie qui fait naître avec un crâne beaucoup plus petit que la normale.

C’est le même argument qui avait été émis dès l’annonce de la découverte de ces ossements. En 2005, une équipe de l’Université d’État de Floride avait tenté de le contrer, alléguant que ce crâne ne présente pas les caractéristiques extrêmes associées à la microcéphalie (voir ce texte). Mais Robert Martin répond à présent que certains cas de microcéphalie sont moins graves que d’autres, et ce crâne pourrait en être un exemple.

Les réactions favorables à la chercheure " pro-Hobbit " ont toutefois été plus nombreuses, dont celle, mentionnée par un reportage de la revue Science, de l’expert de l’Homo Erectus, G. Philip Rightmire, de l’Université Binghamton à New York : l’orientation de l’humérus, telle que la décrit le Dr Larson, est effectivement celle d’une espèce différente de la nôtre, dit-il, et non d’un nain moderne.

Seule une poignée de chercheurs a pu jusqu’ici étudier les fragments d’os et en particulier le plus complet des squelettes, celui dont il est question ici. Par ailleurs, les os de l’épaule demeurent encore un exemplaire unique : d’autres chercheurs donneraient leur main droite pour pouvoir fouiller activement les cavernes de Ling Bua, ou d’autres endroits de l’île de Flores. En attendant, William Jungers rappelle que d’autres fragments d’os ont été récoltés, qui ne révèlent rien de spectaculaire, sinon qu’ils appartenaient à des individus dont tout ce qu’on peut affirmer, c’est qu’ils étaient petits.




et dans Science et Avenir:

a écrit :


[center]L’homme de Flores, un ancêtre des pygmées? [/center]

 
L’homme de Flores est des nôtres, il est simplement anormal, affirme aujourd’hui une équipe internationale de chercheurs, écrivant un nouvel épisode de la bataille scientifique qui fait rage autour du squelette découvert dans la grotte de Liang Bua, sur l’île de Flores, en Indonésie. Ses découvreurs ont affirmé que ce petit homme représentait une nouvelle espèce, baptisée Homo floresiensis, contemporaine d’Homo sapiens. D’autres défendent l’hypothèse d’un microcéphale. Jacob et ses collègues appuient cette thèse en affirmant que l’homme de Flores est un ancêtre des pygmées qui vivent encore sur l’île et qu’il s’agit d’un sapiens souffrant de microcéphalie et d’anormalités.

Les chercheurs en veulent pour preuve plusieurs caractéristiques anatomiques, comme l’asymétrie cranio-faciale, qui ne distinguent pas le petit être de Flores de notre espèce, mais révèlent ses anomalies. Certaines sont encore présentes chez les pygmées de Rampasasa qui vivent non loin de Liang Bua, expliquent les chercheurs dans les PNAS publiés aujourd’hui. Jacob et ses collègues contestent aussi l’idée de l’arrivée unique d’un peuplement sur l’île de Flores, sachant que les éléphants stegodons y sont venus en deux vagues successives.

Cette nouvelle étude ne mettra pas fin à la controverse. L’Australien Mike Brown, l’un des signataires des articles présentant Homo floresiensis, a déjà fait connaître son désaccord avec le contenu de l’article. Quant à Teuku Jacob, il avait dès le départ fait preuve de son scepticisme. Lorsqu’il avait fait transférer les os de Liang Bua dans son laboratoire de l’université de Gadjah Mada, Brown avait accusé Jacob de vouloir mettre les fossiles sous clefs.

Cécile Dumas
(22/08/06)




Le crâne de Liang Bua (à droite) et deux visions créées à partir de son côté gauche puis droit, afin de montrer qu’il est asymétrique. (PNAS)


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