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Message Publié : 27 Mars 2005, 10:02
par gerard_wegan
Caupo, je ne vois vraiment pas ce qui déclenche ton courroux... sinon d'avoir compris de travers l'interview et peut-être une conception curieuse de la façon dont la physique se construit !!!

Il y a bien des théories scientifiques qui ne sont pas issues [i]directement[/i] de l'observation mais plutôt de la critique de conceptions théoriques existantes et de ce que tu appelles des "constructions mathématiques". Contrairement à ce que tu sembles penser, il est parfaitement légitime dans certains cas de faire plus confiance à des "constructions mathématiques" qu'à "l'observation" -- la prétendue "observation" n'étant elle-même jamais neutre quant à son interprétation théorique.

Quant à la nécessité de compléter un édifice théorique aussi bien établi, sur bien des plans, que le modèle standard (désolé, mais je n'aime pas le terme "big bang"...) par des hypothèses ad hoc, cela te choque peut-être mais cela fait évidemment partie de la façon dont se construisent les théories ! Au-delà des termes employés, l'hypothèse de "matière noire" non constituée d'atomes n'a rien d'extraordinaire et ne repose pas sur rien : qu'une large partie de la masse de l'univers puisse être constituée de particules élémentaires et non d'atomes est plausible ; l'idée qu'il ne s'agit pas d'atomes repose -- entre autres choses -- sur des hypothèses d'équilibre matière-rayonnement à une stade primitif de l'évolution de l'univers (hypothèses que différentes observations, justement, confortent par ailleurs). Il y a bien des exemples (notamment en physique des particules et en astrophysique) où des hypothèses fondées sur des "constructions mathématiques" ont été finalement avérées (à commencer par la prédiction de l'existence de l'antimatière, du neutron, des étoiles à neutrons, des naines blanches et autres trous noirs...)

Quant au lien entre modèle standard et religion, c'est tout simplement de l'escroquerie intellectuelle... je la laisse au pape et à ses sbires. Le modèle standard ne discute ni de [i]création[/i] ni à proprement parler [i]d'origine[/i] de l'univers...

Je crois qu'un de ces jours il faudra qu'on fasse une expo sur ce thème à la fête pour essayer de poser les vrais problèmes et de tordre le cou de quelques faux débats...

Message Publié : 27 Mars 2005, 13:09
par gerard_wegan
[quote=" (Caupo @ dimanche 27 mars 2005 à 10:46"]
On a construit [u]une[/u] théorie à partir d'[u]une[/u] observation et de celle-ci on a construit tout un edifice mathématique complètement surdimerntionnée et éloigné de l'observation et de l'expérimentation. [i](c'est moi qui souligne)[/i][/quote]
Désolé, mais ça ne correspond pas à la réalité... et ce n'est d'ailleurs pas ce que dit l'interview... pas le temps de développer, mais ça le mériterait !

[quote=" (Caupo @ dimanche 27 mars 2005 à 10:46"]
Cette théorie cloche par divers endroits[/quote]
... comme [u][i]toutes[/i][/u] les théories scientifiques !

[quote=" (Caupo @ dimanche 27 mars 2005 à 10:46"]
le coté réligieux n'en est pas des moindres pour notre conception philosophique[/quote]
Je ne peux que répéter ce que j'ai déjà dit plus haut : il n'y a [i][u]aucun[/u][/i] "côté religieux" dans le modèle standard. Le fait que le pape ou ses sbires aient voulu le faire croire ne relève que de la pure escroquerie intellectuelle !

Concernant les "particules", je regrette pour Caupo (les guillemets sont de lui !), mais c'est totalement à côté de la plaque : il y avait évidemment des particules élémentaires [i]avant[/i] la constitution des atomes, et il est clair qu'une grande partie de ces particules existe toujours sans être des composants atomiques. Juste pour exemple, un très grand nombre de réactions nucléaires produisent des neutrinos (ou des antineutrinos) dont personne ne conteste l'existence (leur présence dans les équations de réaction étant en particulier indispensable à la conservation de la quantité de mouvement -- ça fait partie des choses qu'on expose même aux élèves de terminale à partir des clichés de réactions nucléaires en chambre à bulles...). Reste que les (anti)neutrinos interagissent extrêmement peu avec la matière dense et que la détermination de leurs propriétés est difficile, d'où un grand nombre de points d'interrogation, notamment concernant leur masse au repos : si elle n'est pas strictement nulle, elle est nécessairement très faible... mais ça change considérablement les choses compte tenu du nombre forcément très élevé de ces particules produites dans les réactions nucléaires (nb : je n'ai pas fait de biblio récente à ce sujet, donc je ne sais pas où en est la discussion sur l'éventuelle masse du neutrino) -- on pourrait multiplier les exemples avec toute la gamme des particules élémentaires aujourd'hui connues. Soit dit en passant, avec toutes celles découvertes ces dernières décennies avec des accélérateurs de plus en plus puissants, la prudence sur le caractère exhaustif de la liste connue est clairement de mise !
En tout cas, lorsque Caupo parle de "l'autre matière" (non atomique) " que "personne n'a vue ou détectée", il a tout faux : cela fait bien longtemps qu'on la voit et qu'on l'étudie...

La discussion sur l'éventuelle "énergie noire" n'a rien d'extraordinaire... même si son existence est à l'évidence hypothétique et soumise à controverse (voir d'ailleurs à ce sujet l'interview elle-même). J'indique quand même pour Caupo que, même s'il s'agissait d'une hypothèse ad hoc pour combler les lacunes d'un édifice théorique largement établi par ailleurs, ce serait tout à fait légitime. Pour info, l'existence du neutron a été prédite -- entre autres considérations théoriques -- par ce type de "trou" dans une théorie qui collait suffisamment bien par ailleurs aux observations expérimentales pour qu'on juge nécessaire d'en conserver la structure générale... quitte à y ajouter, a priori artificiellement, une pièce !

Pour le reste, je ne comprends pas contre qui s'acharne Caupo :
[quote=" (Caupo @ dimanche 27 mars 2005 à 10:46"]
[quote=" "]
Quant au lien entre modèle standard et religion, c'est tout simplement de l'escroquerie intellectuelle... je la laisse au pape et à ses sbires. Le modèle standard ne discute ni de création ni à proprement parler d'origine de l'univers... [/quote]
Ah non! elle "ne discute pas"; elle lui donne une base "scientifique", rien que cela! Une paille, je vous dis.[/quote]
Qui parle de donner, avec le modèle standard, une prétendue base scientifique aux notions de création ou d'origine de l'univers ? Si tu veux polémiquer à ce sujet avec le pape, pas de problème ; mais, comme [i]théorie physique[/i], le modèle standard ne parle pas de cela et n'a nullement besoin de cela pour exister et être valide !


Message Publié : 27 Mars 2005, 15:20
par gerard_wegan
Difficile de discuter avec Caupo... qui raisonne exactement comme un croyant qui prétendrait que sa foi est de ne pas en avoir :wacko:

Essayons quand même :
1) je ne prétendais pas que les neutrinos pouvaient faire la différence concernant la masse éventuellement manquante de l'univers : je ne mentionnais cet exemple que pour répondre à l'argument faux que la matière sous forme non atomique n'était, selon Caupo, ni vue ni détectée... alors qu'on l'étudie depuis des décennies dans les accélérateurs de particules !

2) si Caupo daignait discuter de ce que contient la théorie et non de ce qu'il s'obstine à croire qu'elle contient (ou de ce que le pape prétend qu'elle explique !), ce serait beaucoup plus simple : d'abord la nécessité de l'énergie noire reste une hypothèse (once more : voir l'interview initiale) ; ensuite la discussion sur la masse manquante est à l'évidence sérieuse et fondée pour qui veut bien la mener pour ce qu'elle est -- là encore je n'ai pas fait de biblio récente, donc je ne sais pas dans quelle mesure le problème semble aujourd'hui résolu par l'existence des trous noirs... hypothèse hautement spéculative à son origine (initialement elle ne découlait [u][i]que[/i][/u] de "constructions mathématiques", n'en déplaise à Caupo) mais qui est largement étayée par les données observationnelles sur la rotation des galaxies.

3) pour mémoire, la prédiction de l'anti-matière reposait également sur des spéculations purement théoriques (considérations de symétries dans les solutions de certaines équations) ; on peut en dire de même de la prédiction de certaines particules élémentaires longtemps non observées (par ex. les muons les plus lourds), mais que des considérations de symétrie (donc de pure forme dans la théorie) conduisaient là encore à prédire... et qui ont finalement été détectées, non pas à partir de [i]simples observations[/i] mais à partir d'expériences spécialement élaborées pour ce faire (ce qui indique que, parfois, les scientifiques ont raison d'être des "croyants", contre des apparences tenaces, quant à la validité des modèles théoriques !)

4) Si on veut bien s'en tenir au contenu du modèle standard, il n'y a pas à se rebiffer "contre les conclusions logiques et idéologiques qui découlent de cette théorie" ou de ses hypothèses. Evidemment, si on veut discuter de l'[u][i]interprétation[/i][/u] que tente d'en faire l'église, c'est autre chose, mais ce n'est vraiment pas mon problème ! Je ne peux que répéter, à défaut d'en convaincre Caupo : il n'y a aucune considération d'ordre religieux dans le modèle standard ; comme le souligne d'ailleurs l'interview, c'est un modèle assez simple en fait dans ses grandes lignes, et qui repose exclusivement sur des théories physiques largement étayées par ailleurs (malgré les limites connues de ces théories et, en particulier, les problèmes d'incompatibilité entre relativité générale et physique quantique... qui seraient justement nécessaires à partir d'un certain stade pour la description d'un univers ultra-dense et ultra-chaud -- d'où les limites du modèle qu'expose, là encore, l'interview, ce qui n'ôte rien à sa validité qui repose aujourd'hui sur un ensemble extrêmement large et varié de prédictions observationnelles vérifiées)

5) Si Caupo finit par accepter que le modèle standard ne discute [i][u]jamais[/u][/i] de l'avant "big bang" ni même de "big bang" au sens propre (malgré le terme d'usage courant qui jette sur le sujet une confusion regrettable !) puisque les théories ne remontent pas à un temps zéro (contrairement à ce que beaucoup de vulgarisateurs continuent à dire, mais ça ne discrédite qu'eux-mêmes, pas la théorie -- par contre, si on lit ce que dit [i]vraiment[/i] l'interview, notamment le dernier paragraphe, on n'y trouve pas cela), on aura déjà progressé un peu... et ça évitera à Caupo de croire qu'il lui faut se faire moine pour accepter de penser ! (il faudra m'expliquer le lien entre Marx et la nécessité d'un univers infini dans le temps et l'espace ?! -- Quant à [i]Matérialisme et empiriocriticisme[/i], je regrette mais, sur le plan scientifique, c'est à mettre intégralement à la poubelle ; cet aspect n'était d'ailleurs pas le coeur de l'ouvrage, il s'agissait plus fondamentalement d'une polémique contre ceux qui remettaient en cause le marxisme sous prétexte de découvertes scientifiques et philosophiques nouvelles, notamment de Ernst Mach)

6) Enfin, concernant diverses spéculations théoriques que mentionne Caupo (qui cherchent à résoudre des problèmes aux marges de l'édifice théorique du modèle standard) il me semble inutile de s'étendre : on peut toujours se gausser en disant "le roi est nu"... mais c'est largement ignorer le rôle heuristique de telles spéculations dans l'histoire de la physique (là encore, ce serait trop long de développer, mais en plus de ce qui est dit plus haut concernant le neutron, l'antimatière ou les trous noirs, je suis prêt à parier que Caupo jetterait au panier tout l'électromagnétisme s'il se penchait sur les constructions intellectuelles baroques qui ont conduit Maxwell aux équations que depuis tout le monde utilise... et je ne parle même pas de l'équation de Schrödinger pour la physique quantique !)

Message Publié : 28 Mars 2005, 00:33
par gerard_wegan
Cette discussion avec Caupo est vraiment à se taper la tête contre les murs... Impossible de répondre à tout, je me bornerai à deux points :

1)
(Caupo @ dimanche 27 mars 2005 à 20:51 a écrit :cette théorie definit bien un moment très proche du zéro, d'un début. [...] Alors si ça n'est pas un début, c'est vachement proche.

Mais qui a dit le contraire ? Justement c'est proche de zéro, mais avec les équations que l'on sait pouvoir écrire, cela ne peut jamais être zéro ! Pour quelqu'un qui parle tant de la portée philosophique des théories scientifiques, la différence devrait sauter aux yeux : le modèle standard ne décrit aucune origine. Cela ne signifie nullement qu'il n'y a pas d'avant ce moment sur lequel bute la théorie ; cela veut dire que l'avant (quel qu'il soit) n'est pas décrit par ce modèle... on sort là du domaine d'application de théories aussi bien connues et vérifiées expérimentalement que la physique quantique et la relativité générale. Autrement dit, une extrapolation au delà du temps de Planck, qui mènerait à une singularité, n'est pas scientifiquement fondée. C'est tout simplement ce qu'explique le passage partiellement cité par Caupo :
a écrit :En revanche, si l'on remonte encore le temps, jusqu'à l'Univers du temps de Planck (la minuscule fraction de seconde où les effets gravitationnels et quantiques ne peuvent plus être séparés), il ne peut se décrire par les théories physiques connues. La notion de singularité initiale, souvent évoquée, signifie simplement que le calcul débouche sur une valeur infinie d'un paramètre physique.

Cela paraît parfaitement limpide... mais c'est en fait la suite qui gène Caupo, bien qu'elle soit également fort claire et qu'elle n'implique nullement ce que Caupo s'obstine à y voir :
a écrit :Lorsque le physicien tombe nez à nez avec un infini dans une équation, il n'a de cesse de le faire disparaître, comme un point aveugle de la théorie. Dans la réalité physique, il n'y a pas de place pour l'infini, pensons-nous. C'est plutôt une signature de l'incapacité de la théorie à décrire l'espace, la matière (mais aussi le temps, puisque aucun élément du trio n'a d'existence autonome, comme nous l'apprend la relativité), dès lors que l'on s'approche trop près de l'origine.

Je veux bien concéder à Caupo que l'expression "Dans la réalité physique, il n'y a pas de place pour l'infini, pensons-nous" est malheureuse si on cherche à lui faire dire plus que ce que dit l'article, qui est parfaitement juste sur le problème des "points aveugles" (il y a à cela une raison fort simple : si une fonction prend une valeur infinie en un point, elle n'y est évidemment pas différentiable et on ne peut pas intégrer les équations dont elle est solution au delà de ce point -- en plusieurs dimensions, on peut éventuellement "contourner" la singularité ; en une dimension c'est rédhibitoire !). Mais l'existence possible d'infinis en physique n'est nullement liée, dans l'absolu, au modèle standard, lequel ne tranche d'ailleurs pas a priori sur la possibilité ou non d'une expansion infinie de l'univers, donc sur la possibilité d'un temps futur infini (la solution donnée par le modèle dépend de la densité moyenne de l'univers, laquelle reste extrêmement mal connue puisque les estimations extapolées à partir de données de natures diférentes conduisent à des valeurs incompatibles avec les barres d'erreur -- je signale au passage que ces difficultés, si elles conduisent dans le cadre du modèle à envisager l'existence de "matière noire" voire d'"énergie noire", ne découlent pas de la structure de la théorie, et balancer le modèle standard à la poubelle ne les règlerait nullement).

Ce qui est assez amusant dans cette discussion c'est que le modèle standard offre une théorie sur l'histoire d'un univers en évolution... et c'est précisément cette approche historique qui, initialement, génait ceux qui, au nom des principes religieux d'un monde immuable créé de toute éternité, ne voulaient pas en penser le changement (c'est très clair chez Newton : pour lui seule l'infinité d'un univers soumis à la gravitation universelle peut le prémunir d'un effondrement sur lui-même -- ce qui est d'ailleurs mathématiquement faux, mais Newton ne semble pas s'en être aperçu). Le fait que les cathos aient cherché à se raccrocher aux branches en interprétant le modèle standard comme une "preuve" de la création n'y change rien !

2) Si on discute de ce qu'écrivent réellement les uns et les autres, ce sera plus simple : concernant Matérialisme et empiriocriticisme, j'ai écrit plus haut que "sur le plan scientifique, c'est à mettre intégralement à la poubelle" tout en soulignant que "cet aspect n'était d'ailleurs pas le coeur de l'ouvrage, il s'agissait plus fondamentalement d'une polémique contre ceux qui remettaient en cause le marxisme sous prétexte de découvertes scientifiques et philosophiques nouvelles, notamment de Ernst Mach". Je persiste et je signe... en pensant d'ailleurs que ce devrait être aujourd'hui une évidence pour tout lecteur de l'ouvrage qui sait un tant soit peu ce qu'était la physique de l'époque (rappelons que c'est écrit avant la relativité générale et la physique quantique, et il est plus que probable que Lenine ne connaissait pas la relativité restreinte publiée peu avant).

Ici encore, la discussion avec Caupo est amusante, car une fois de plus à contre-emploi : Mach et ses disciples avaient, eux, connaissance de la relativité restreinte et du papier de Einstein établissant la célèbre formule E=mc2. Et la conclusion que certains en tiraient (sous des formes plus ou moins alambiquées et plus ou moins abouties) était en substance que, puisque la matière peut se transformer en énergie (et vice-versa), elle ne constitue pas un composant stable, immuable, de l'univers matériel, que par conséquent la matière et l'univers n'ont pas véritablement d'existence réelle... et qu'il fallait donc abandonner le matérialisme. Le matérialisme fondé sur le postulat de l'existence d'une matière inaliénable : c'est précisément un point que Lénine réfute dans Matérialisme et empiriocriticisme (il en dénonçait à juste titre les tenants comme non dialecticiens)... et dont Caupo nous ressort une variante en affirmant que les notions d'univers infini dans le temps et l'espace sont "à la base du matérialisme" ! C'est comique...

Pour conclure (provisoirement ?) : je suis matérialiste, mais ce serait l'être piètrement que de croire le matérialisme menacé par une théorie physique comme le modèle standard...