
Ce n'est pas un ordre, juste une possibilité qui est ouverte.
Ci-dessous l'introduction du chapitre "La beauté en mathématiques" consacré par François Le Lionnais dans le cadre de l'ouvrage collectif "Les grands courants de la pensée mathématique", dont il a dirigé la conception en 1948.
Ci-dessous l'introduction du chapitre "La beauté en mathématiques" consacré par François Le Lionnais dans le cadre de l'ouvrage collectif "Les grands courants de la pensée mathématique", dont il a dirigé la conception en 1948.
a écrit :LA BEAUTÉ EN MATHÉMATIQUES
Jamais Circé n'eut plus de pouvoir sur son Ulysse que cette merveilleuse science en a sur l'esprit quand il en a une fois surmonté les premières difficultés.
R. BAUDEMONT.
Défiez-vous des ensorcellements et des attraits diaboliques de la géométrie. FENELON
Les mathématiques, à les bien comprendre, possèdent non seulement la vérité, mais la suprême beauté.
Bertrand RUSSELL.
La beauté apparaît souvent aux festins où l'on n'avait invité que l'utilité ou la vérité. Comment rester alors insensible aux prenantes séductions dont elle les pare ? Il en va ainsi de toutes les branches de l'action et du savoir, mais nulle part avec autant de force qu'en mathématiques. Et, sans doute, l'Occident moderne n'a-t-il pas ratifié l'opinion de l'ancienne Grèce qui, jusqu'à Euclide, tint les mathématiques pour un art plus que pour une science ; ce sont, malgré tout, d'envoûtantes satisfactions esthétiques qui ont, le plus souvent, incité les mathématiciens modernes à cultiver si ardemment leur chère étude .
Quelques-uns des plus raffinés parmi les écrivains ont attesté cette fascination. Ainsi Novalis :
"Le véritable mathématicien est enthousiaste « per se ». Sans enthousiasme, pas de mathématiques." Et : « L'algèbre est la poésie. »
Ou les Goncourt : « ...les mathématiques et l'empoignant qu'elles ont. »
Mais ce sont les mathématiciens eux-mêmes qui nous ont laissé les témoignages les plus passionnés.
« En lisant, écrit Charles Meray, les mémoires de Gauss, dont l'âge bientôt séculaire n'a pas encore terni l'exquise fraîcheur, ne retrouvons-nous pas à la fois, dans les détails, ces splendides arabesques enlacées par l'imagination inépuisable des artistes de l'Orient ; dans l'ensemble un de ces temples merveilleux que les architectes de Périclès élevaient aux divinités helléniques ? »
Voyez comment Painlevé évoque l'enseignement de Charles Hermite :
« Ceux qui ont eu l'heureuse fortune d'être les élèves du grand géomètre ne sauraient oublier l'accent presque religieux de son enseignement, le frisson de beauté ou de mystère qu'il faisait passer à travers son auditoire. devant quelque admirable découverte ou devant l'inconnu. »
L'éminent logicien Bertrand Russell a parfaitement discerné cette qualité supérieure par quoi la reine des sciences peut prétendre, à la couronne que l'on réserve aux arts.
« Le véritable esprit de joie, d'exaltation, le sentiment d'être plus qu'un homme, qui sont la pierre de touche de l'excellence la plus haute, se trouvent dans les mathématiques comme dans la poésie. »
Si quelques grands mathématiciens ont su exprimer lyriquement leur enthousiasme pour la beauté de leur science, personne ne s'est proposé de se pencher sur elle comme sur l'objet d'un art — l'art mathématique — et par conséquent le sujet d'une esthétique, l'esthétique des mathématiques. L'étude qui suit n'a pas la prétention de fonder cette dernière, elle n'aspire qu'à l'amorcer. Les matériaux que nous alloua passer en revue permettent d'esquisser un classement auquel nous demanderons seulement de proposer une base toute provisoire à des travaux mieux approfondis…