3000 langues en moins en 2100

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par canardos » 31 Déc 2005, 16:26

dans le monde:

a écrit :

[center]En 2100, les Terriens parleront 3 000 langues de moins[/center]

LE MONDE | 31.12.05 |

La linguiste Colette Grinevald est chercheur au laboratoire dynamique du langage de l'Institut des sciences de l'homme Lyon-II. Spécialiste du monde amérindien, elle a aidé l'Unesco à définir les critères de vitalité des langues



Environ 6 000 langues sont parlées sur Terre. Combien en restera-t-il à la fin du siècle ?

  Le rythme de disparition s'accélère. D'ici un siècle, la moitié des langues parlées actuellement dans le monde auront disparu. C'est une estimation basse. En Australie et sur le continent américain, cette proportion sera bien plus élevée, de l'ordre de 90 %.

Avant l'arrivée des Blancs, 300 langues étaient parlées dans ce que sont aujourd'hui les Etats-Unis. En 1992, il n'y en avait déjà plus que 175 utilisées par au moins une personne. On estime que cinq seulement auront survécu à la fin du XXIe siècle. Même l'avenir du navajo est incertain, et pourtant c'est aux Etats-Unis la langue indigène qui a le plus de locuteurs, environ 120 000. Elle est de moins en moins apprise par les enfants.

Pourquoi cette accélération ?

La globalisation économique entraîne un exode rural des populations indigènes. Elles se perdent dans les villes et ne peuvent perpétuer leurs traditions et leur modèle familial. Dans le monde amérindien, les parents sont persuadés que parler une langue indienne est un handicap pour avoir un travail.

Cette pression est aussi psychologique sur fond d'idéologie encore dominante du bienfait du monolinguisme dans un Etat-nation. Certains "monolingues" voient dans le multilinguisme un signe de division des capacités intellectuelles.

Quelles langues risquent de disparaître ?

Une langue est menacée, selon les linguistes, si elle n'a plus de locuteurs d'ici la fin du XXIe siècle. C'est le cas d'une centaine de langues en Europe et autant en Amérique du Sud, selon l'Atlas publié par l'Unesco. Le breton, le franco-provençal ou le poitevin saintongeais sont ainsi "sérieusement en danger". Parfois, une langue paraît vivace car elle est utilisée par des millions de locuteurs, comme les langues quechua en Amérique du Sud. Mais celles-ci sont déjà, dans certaines régions en Equateur et au Pérou, comme des morts-vivants : aucune personne de moins de 20 ans ne les apprend ou ne veut les parler.

Quelles seront les conséquences ?

De nombreuses connaissances captées par ces langues vont se perdre. Comme les propriétés des plantes vénéneuses en Amazonie ou celles qui peuvent avoir un intérêt dans la pharmacopée. Les langues apportent également une ouverture d'esprit. Elles permettent de voir différemment le monde et de montrer les facettes les plus diverses du génie humain. Au Guatemala, par exemple, je travaille sur le popti', en péril, qui classifie tous les objets par la matière dont ils sont faits.

Que dire des répercussions sociologiques...

Cela peut créer de réels problèmes identitaires. La langue permet de s'ancrer dans une histoire, un lieu. Beaucoup d'Amérindiens ont dû renier leur langue maternelle au profit de l'anglais ou de l'espagnol. Cela crée ce qu'on appelle de l'anomie, un entre-deux linguistique et culturel, où aucune des deux langues n'est maîtrisée. Cette situation peut devenir source de violence et entraîne chez les Amérindiens diverses formes d'autodestruction, comme l'alcoolisme et le suicide. J'ai observé le même phénomène aux Etats-Unis chez de jeunes Mexicains et Portoricains. Je reconnais parfois en France ce même type de malaise chez certains étudiants maghrébins qui ne connaissent pas l'arabe et chez des sourds qui revendiquent la langue des signes sans dominer le français écrit. On apprend mieux toute autre langue si on peut être fier et bien ancré au départ dans la sienne.

Quel rôle joue Internet ?

Un rôle double, tout à la fois poison et antidote, facteur d'uniformisation mais aussi de diversité. Il existe par exemple de plus en plus de sites Internet de langues amérindiennes gérés par des Indiens, pour des Indiens. Au Guatemala, une collègue linguiste a passé plus de dix ans à former des Mayas qui sont devenus linguistes et s'occupent d'un site en espagnol et plusieurs langues mayas. Leur travail prolonge le combat de Rigoberta Menchu (Prix Nobel de la Paix en 1992) qui a permis une reconnaissance officielle des 28 langues mayas.

Quelles seront les langues majoritaires à la fin du siècle ?

L'anglais bien sûr, l'espagnol, à cause de l'Amérique du Sud, l'arabe, puis des langues d'Asie, comme le chinois et l'hindi. Sur le continent africain, le swahili, le wolof sont en plein essor et avalent les langues de la région.

Y aura-t-il une langue mondiale ?


Oui, probablement l'anglais, avec un statut de langue véhiculaire : une seconde langue relativement simplifiée, adaptée au commerce et aux échanges scientifiques, mais pas faite pour faire la cour, par exemple.

De nouvelles langues vont-elles apparaître ?

Très peu je pense. La formation d'une langue est un processus lent, en plusieurs étapes. La première est la création d'un "pidgin", un code inventé généralement pour faciliter les échanges commerciaux. Il peut, au bout d'une ou deux générations, devenir un "créole", doté d'un vocabulaire mixte et d'une grammaire relativement simplifiée. Très peu ensuite se développent au point de devenir des langues officielles, comme ce fut le cas du tok pisin, en Mélanésie, ou de l'haïtien. Il existe d'ailleurs de plus en plus de formes créolisées de l'anglais, en Inde par exemple, ou en Afrique.

Où en sera le français à la fin du siècle ?

Le français ira bien, mais les Français devront parler plusieurs langues. Regardez le Danemark, où la moitié du cursus universitaire se fait en anglais : il n'y a pas de confusion, les Danois parlent danois entre eux et utilisent l'anglais car personne d'autre dans le monde ne parle leur langue. Le multilinguisme est parfaitement à la portée de l'intellect humain. Les enfants sont tous capables d'apprendre trois ou quatre langues.



Propos recueillis par Laure Belot et Hervé Morin

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Chiffres

6 000 langues sont parlées dans le monde. 96 % d'entre elles ne sont employées que par 3 % des Terriens.
En 2000, 1 995 langues étaient utilisées en Afrique, 1 780 en Asie, 1 250 en Amérique, 1 109 en Nouvelle-Guinée, 234 en Australie, 250 dans le Pacifique, 209 en Europe.
Les 10 langues les plus parlées (en première ou deuxième langue) : chinois (1 120 millions de locuteurs), anglais (480), espagnol (320), russe (285), français (265), hindi/ourdou (250), arabe (221), le portugais (188), le bengali (185), japonais (133), allemand (109).

En 2050, 166 millions des 15-24 ans parleront le chinois. Viendront ensuite l'hindi/ourdou (74), l'arabe (72), l'anglais (65), l'espagnol (63), le portugais (32), le bengali (32), le russe (15), le japonais (11), le malais (10).


Sur internet

www.teluq.uquebec.ca/diverscite/entree.htm

Langues mayas : www.okma.org/

À lire

Halte à la mort des langues, de Claude Hagège, Poches Odile Jacob, 2002, 381 p., 10 €.

Ces langues, ces voix qui s'effacent, de Daniel Nettle et Suzanne Romaine, éd. Autrement, 2003, 240 p., 19 €.

canardos
 
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Message par lallemande » 31 Déc 2005, 18:08

Il y a une énumération de faits, dans cet article au demeurant intéressant, mais parfois un peu superficiel.
Par exemple, à la fin, "le multilinguisme est parfaitement à la portée de l'intellect humain". Oui, certes, mais je crois qu'on peut se demander dans quelle mesure il ne faut pas quand même des gens monolingues en nombre suffisant qui ne s'encombrent pas la tête des autres langues au quotidien?
Ici en Alsace il y a eu la même peur que chez les Quechuas: à savoir enseigner la langue locale à nos jeunes les empêchera de trouver un travail plus tard (sic). En plus il y a une sorte de paresse (voir début de article) nourrie par le mépris qu'on les enfants envers la langue de leurs parents, pauvres et exploités, ce qu'on retrouve également ici dans l'immigration.
La réflexion sur la langue des signes, je ne la comprends pas bien:
Emmanuelle Laborit explique très bien dans "le Cri de la Les langues dominantes sont généralement celles de la domination économique et vouloir sauver une langue, c'est comme vouloir sauver un village du palu ou d'une autre maladie: c'est ni plus ni moins qu'un travail humanitaire.
NB: bien sûr je trouve dommage que la disparition s'accélère et même qu'elle ait lieu!
lallemande
 
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Message par volia » 01 Jan 2006, 11:58

C'est un peu polémique, mais allons-y.

En quoi est-ce vraiment un problème ?
Je veux dire par là que sauver coûte que coûte des langues en voie de disparition me paraît un combat d'arrière garde.
Les langues évoluent, et disparaissent.

Apprendre des langues ou des dialectes pour des raisons culturelles, pourquoi pas, et je dirais chacun ses passions.
Maintenant, si l'avenir de l'humanité c'est une seule langue parlée et comprise par tous, c'est plutôt une bonne chose pour la communication.

volia
 
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Message par Sterd » 01 Jan 2006, 13:14

(volia @ dimanche 1 janvier 2006 à 11:58 a écrit : C'est un peu polémique, mais allons-y.

En quoi est-ce vraiment un problème ?
Je veux dire par là que sauver coûte que coûte des langues en voie de disparition me paraît un combat d'arrière garde.
Les langues évoluent, et disparaissent.

Apprendre des langues ou des dialectes pour des raisons culturelles, pourquoi pas, et je dirais chacun ses passions.
Maintenant, si l'avenir de l'humanité c'est une seule langue parlée et comprise par tous, c'est plutôt une bonne chose pour la communication.

Je suis plutôt d'accord avec ça. Que le latin ou que les différentes langues celtes ou germaniques aient disparu fut peut être un drame pour leurs locuteurs il y a 1000 ou 2000 ans mais a permis a l'humanité de progresser. D'avoir 20 ou 30 langues parlées en Europe contre 100 ou 1000 il y a 1000 ans constitue plutôt un progrès.
Une langue c'est un outil, un outil permettant de communiquer. Et quand cet outil ne permet plus que de communiquer qu'a l'intérieur d'une petite communauté, on jette l'outil. Il doit y avoir 150 millions de locuteurs natifs pour le français et à peut près autant pour l'allemand. Il semble naturel que ces deux langues disparaissent au profit de l'anglais, de l'espagnol, du madarin ou de l'arabe, bien plus efficace en tant qu'outil de communication.
Sterd
 
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Message par Harpo » 02 Jan 2006, 01:18

Le problème de la disparition des langues c'est celui de la disparition de pans entiers de la mémoire de l'humanité, de la diversité de ses cultures, de formes littéraires et poétiques qui ne seront plus comprises que par des experts et que de façon purement académique.

Qu'une langue universelle émerge du lot des 3 ou 4 langues les plus parlées serait bien sûr en soi une bonne chose. Mais elle ne devrait être enseignée (le plus tôt possible) que comme seconde langue et non se substituer à la langue maternelle.

La langue qui actuellement me semble la plus menacée en tant que véhicule de culture est l'anglais. Ce qu'il en reste est certes très utile et efficace comme outil pour les sciences, l'informatique, le commerce, les communications superficielles entre individus de diverses origines. Mais, si le langage castré qui se substitue progressivement à cette langue magnifique se généralise jusqu'en Angleterre et aux Etats-Unis, je ne suis pas certain que de grands écrivains comme William Faulkner, John Dos Passos, Salman Rushdie ou Doris Lessing pourront encore émerger dans les siècles à venir. Et ces anciens, pourra-t-on encore les lire ?

Pour qu'une langue universelle devienne une langue d'art et de culture, il faudra des siècles. Et d'ailleurs, pendant ces siècles, il risque d'émerger tellement de dialectes différents issus de cette langue (voir ce qui est arrivé au latin) que tout sera peut-être à reprendre à zéro.

Le communisme, ce n'est pas couler toute l'humanité dans le même moule, c'est la débarrasser d'un moule pourri qui entrave son développement.
Harpo
 
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Message par Gaby » 02 Jan 2006, 02:23

(Harpo @ lundi 2 janvier 2006 à 01:18 a écrit : La langue qui actuellement me semble la plus menacée en tant que véhicule de culture est l'anglais. Ce qu'il en reste est certes très utile et efficace comme outil pour les sciences, l'informatique, le commerce, les communications superficielles entre individus de diverses origines. Mais, si le langage castré qui se substitue progressivement à cette langue magnifique se généralise jusqu'en Angleterre et aux Etats-Unis, je ne suis pas certain que de grands écrivains comme William Faulkner, John Dos Passos, Salman Rushdie ou Doris Lessing pourront encore émerger dans les siècles à venir. Et ces anciens, pourra-t-on encore les lire ?

Tu les as lu en anglais ? Parceque par exemple "Manhattan Transfer" de Dos Passos, c'est truffé de différents langages populaires et d'accents étrangers qui sont encore parlés aujourd'hui, et pas différemment... C'est justement un bouquin qui est touchant tant il raconte différents parcours sur une île qui sert de point convergent, comme une gare ferrovière. Des rencontres, des séparations, des histoires différentes, mais ultimément, un même univers. Une des raisons pour lesquelles Dos Passos vouait une telle fascination pour les Etats-Unis, au point qu'il finira par devenir un vulgaire nationaliste, c'est justement son caractère cosmopolite, sa culture résultant de tant d'influences... Et tout le monde y cause anglais. En y apportant quelque chose.

Je vois pas ce qu'il y a de fondamentalement nouveau dans la langue anglaise depuis 150 ans. Tu pourrais illustrer tes craintes ? La popularité croissante de l'ebonics ? Les abbréviations d'internet ? L'immigration qui reconstruit les vocabulaires ? Le commerce qui conditionnerait la pratique d'une langue ? Ce sont les arguments traditionnels qui sont donnés par les conservateurs du langage, type Académie Française. Et parcequ'ils ont peur de la mort du Français, ils inventent "cédérom" ou "courriel" pour ne pas écrire CD-Rom ou mail... Heureusement que in fine, c'est la population qui décide et adopte les meilleurs apports pour finalement avancer vers le progrès de la communication...

A ce sujet, je peux raconter un bout pratique de ma vie de tous les jours. J'emploie le français et l'anglais quotidiennement. Et bien que ce soit pour des causeries politiques, artistiques ou savoir qui va laver le linge, ça m'arrive régulièrement de ne pouvoir exprimer certaines nuances qu'avec l'anglais. Ou le français inversement, mais c'est pour montrer qu'on ne peut pas dire que l'anglais est devenue une langue de marchands.
En regardant les langues et leur histoire, on peut constater que les langages s'enrichissent avec des apports étrangers, ne faisant qu'y gagner. Shakespeare, on le lit encore. D'ailleurs il était largement réservé à un faible public à sa propre époque, quand les classes populaires étaient encore plus exclues de l'éducation qu'aujourd'hui... En réalité, on le lit de plus en plus, contrairement à ce qu'indiquent tes inquiétudes.

a écrit :Le communisme, ce n'est pas couler toute l'humanité dans le même moule, c'est la débarrasser d'un moule pourri qui entrave son développement.

Le communisme c'est surtout l'internationalisme et le rapprochement de l'humanité en une immense communauté, détruisant les frontières militaires comme les barrières culturelles. Et quand on sera capable de causer à n'importe qui sur la planète, avec la plus grande aisance, alors on aura réussi quelque chose. Vivent les métissages !
Gaby
 
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Message par Pascal » 02 Jan 2006, 12:25

(Gaby @ lundi 2 janvier 2006 à 02:23 a écrit :Je vois pas ce qu'il y a de fondamentalement nouveau dans la langue anglaise depuis 150 ans. Tu pourrais illustrer tes craintes ? La popularité croissante de l'ebonics ? Les abbréviations d'internet ? L'immigration qui reconstruit les vocabulaires ? Le commerce qui conditionnerait la pratique d'une langue ?

Je ne crois pas que ce soit ce que voulait dire Harpo. Comme je comprend son intervention, c'est plus que si l'anglais est devenu une langue véhiculaire internationale, c'est un anglais très simplifié que nous utilisons (je ne parle pas des anglophones ni de ceux, comme toi Gaby, qui maiotrisent parfaitement cette langue), un anglais qui nous permet de nous faire comprendre, de demander notre route, voire même d'avoir des conversations, mais avec un vocabulaire plutôt restreint et une grammaire simplifié. Comme le dit l'article : "une seconde langue relativement simplifiée, adaptée au commerce et aux échanges scientifiques, mais pas faite pour faire la cour, par exemple".
Je pense être un exemple assez banal de ce phénomène : j'arrive à m'exprimer en anglais, à dire "en gros" ce que je veux dire, mais cela reste "en gros". J'ai du mal avec les nuances, j'ai du mal à exprimer des sentiments contradictoires ou confus, bref je m'exprime de façon appauvrie dans cette langue.

a écrit :Heureusement que in fine, c'est la population qui décide et adopte les meilleurs apports pour finalement avancer vers le progrès de la communication...

Tout à fait d'accord. En fait, je n'ai ni crainte ni espoir concernant les langues. Les populations jouent avec les langues à leur disposition, les mélangent, inventent des mots... ce qui permet aux langues de vivre et de se transformer.
Je n'ai aucune crainte pour l'avenir des langues. Certaines, qui ont peu d'utilité, disparaitront, les autres se transformeront au cours des années. Selon les événements , d'autres mots sont inventés ou pris à d'autres langues. De nombreux mots d'origine anglaise ont été intégrés dans notre vocabulaire, mais la Révolution d'Octobre a internationalisé des mots russes comme "soviet" ou "bolchevik"... Si la prochaine révolution prolétarienne commence en Afrique, peut-être utiliseront nous des mots en swahili ou en wolof pour désigner les organes du pouvoir ouvrier :smile:

a écrit :Le communisme c'est surtout l'internationalisme et le rapprochement de l'humanité en une immense communauté, détruisant les frontières militaires comme les barrières culturelles. Et quand on sera capable de causer à n'importe qui sur la planète, avec la plus grande aisance, alors on aura réussi quelque chose. Vivent les métissages !

Vivent les métissages, effectivement. Mais finalement, je trouve que ta position et celle d'Harpo peuvent se rejoindre. Abolition des frontières et des nations ! Ce qui ne signifie pas forcément une langue unique, mais peut être une langue véhiculaire mondiale, plus de nombreuses langues "locales". En Suisse par exemple, bien qu'il s'agisse d'un seul pays depuis des siècles, on continue de parler trois langues distinctes. En URSS, si le russe sert de langue commune, les autres langues étaient étudiées, parlées et même encouragées (des livres ont été publiés dans des langues très minoritaires comme l'oudmourte, le tchouke, le tatar...).
Pour la poésie, par exemple, il me semblerait dommage qu'il n'y ait plus qu'une seule langue.
Il me semble, de toute façon, difficile de parler de ce que sera la linguistique au stade du communisme : certains mots que nous utilisons souvent aujourd'hui, comme "frontière", "patrie", "argent", "Etat"... ne seront utilisés qu'en histoire, et d'autres mots, certainement, apparaitront pour décrire le monde nouveau.
Par contre, comme l'écrivaient déjà Marx et Engels dans le Manifeste :
a écrit :Déjà les démarcations nationales et les antagonismes entre les peuples disparaissent de plus en plus avec le développement de la bourgeoisie, la liberté du commerce, le marché mondial, l'uniformité de la production industrielle et les conditions d'existence qu'ils entraînent.
Le prolétariat au pouvoir les fera disparaître plus encore. Son action commune, dans les pays civilisés tout au moins, est une des premières conditions de son émancipation.

Même aujourd'hui, dans la société capitaliste, notre monde est international. Et cela a et aura des conséquences linguistiques. Au Moyen-Age, chaque village ou région pouvait développer son propre parler, isolées, des populations développaient des langues qui leur était propres. Aujourd'hui, des prolétaires font des milliers de kilomètres pour vendre leur force de travail, et malgré le racisme et le chauvinisme, les êtres humains se croisent, se rencontrent, se mélangent et donc communiquent entre eux. Même si cela apparaît lent, que le chauvinisme et le racisme existent encore, il sera, je pense, de plus en plus fréquent, qu'une jeune immigrée chinoise rencontre, à Londres ou à Berlin, un jeune homme d'Afrique Noire, et qu'ils aient ensemble des enfants, de plus en plus fréquents pour les nouvelles générations d'avoir des origines sur plusieurs continents.
Difficile de savoir ce que cela donnera dans l'avenir : de future génération biligues, parlant par exemple l'anglais avec leur mère et le français avec leur père ;) ? Voire trilingues : l'arabe comme langue maternelle, le français comme langue dans la vie de tous les jours, et l'anglais comme langue véhiculaire internationale ? De nouvelles langues, mélanges de la langue du pays et des langues apportées par les différentes immigrations avec un apport d'anglais basique ?
Pascal
 
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Message par Gaby » 02 Jan 2006, 20:09

(Pascal @ lundi 2 janvier 2006 à 12:25 a écrit : Je ne crois pas que ce soit ce que voulait dire Harpo. Comme je comprend son intervention, c'est plus que si l'anglais est devenu une langue véhiculaire internationale, c'est un anglais très simplifié que nous utilisons (je ne parle pas des anglophones ni de ceux, comme toi Gaby, qui maiotrisent parfaitement cette langue), un anglais qui nous permet de nous faire comprendre, de demander notre route, voire même d'avoir des conversations, mais avec un vocabulaire plutôt restreint et une grammaire simplifié. Comme le dit l'article : "une seconde langue relativement simplifiée, adaptée au commerce et aux échanges scientifiques, mais pas faite pour faire la cour, par exemple".
Je pense être un exemple assez banal de ce phénomène : j'arrive à m'exprimer en anglais, à dire "en gros" ce que je veux dire, mais cela reste "en gros". J'ai du mal avec les nuances, j'ai du mal à exprimer des sentiments contradictoires ou confus, bref je m'exprime de façon appauvrie dans cette langue.

Je ne comprend pas cette logique. Tu dis que tu t'exprimes de façon appauvrie dans une langue secondaire (c'est aussi mon cas même si j'essaie d'y remédier), mais à moins que ce soit le cas d'absolument l'ensemble de la population née anglophone (ce qui serait aberrant), je ne vois pas comment l'anglais pourrait être menacé globalement. Et c'est plutôt positif que des échanges, même à caractère commercial, se fassent par l'intermédiaire d'un vocabulaire commun à deux étrangers. Evidemment que c'est l'anglais business ou maternelle, mais c'est toujours un plus pour la personne, pas une dépréciation qui menace l'anglais dans son ensemble... Je ne crois pas que tu dises la même chose qu'Harpo. Je suis assez d'accord avec ton message. Mais Harpo parlait d'un futur où l'on ne pourrait plus lire Faulkner, Dos Passos, London et les autres... Notre camarade parle d'un "anglais castré" qui se substituerait à celui qui nous permet d'encore comprendre les grands auteurs, même contemporains. Je contestais cette idée en soulignant que Shakespeare est enseigné dans tous les lycées anglophones contrairement à sa propre époque, et en disant qu'un anglais simplifié pour une population internationale élargie, cela ne revient pas à déprécier la qualité de l'anglais tant au contraire, il s'enrichit d'apports internationaux dans tous les domaines. Et c'est pareil partout, lentement, pour les langues majeures. En informatique l'anglais s'impose dans la pratique, en cuisine les mots français séduisent les américains pour le côté exotique, la politique évolue en fonction des apports historiques ou théoriques, etc, etc, on pourrait continuer des heures.

Que dire de la mort du latin, une langue qui a connu ses poêtes mais qui ne répondait certainement pas aux besoins de la population ? Regretter l'abandon de la pratique, ou reconnaître qu'il s'agit d'un choix pratique pour les populations qui n'ont pas (encore) le luxe de l'érudition ? Ce qui est certain c'est que même morte, les artistes latins sont plus accessibles pour ceux qui font le choix de les étudier et les apprécier qu'ils ne l'étaient à l'époque de l'esclavage. Et l'on peut imaginer sous le socialisme un monde où l'éducation sera l'affaire d'une vie et non pas d'un seul diplome, et où qui voudra rechercher l'artiste dans les langues mortes le pourra.
Gaby
 
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Message par Ottokar » 02 Jan 2006, 22:01

(Gaby @ lundi 2 janvier 2006 à 20:09 a écrit : Que dire de la mort du latin, une langue qui a connu ses poêtes mais qui ne répondait certainement pas aux besoins de la population ? Regretter l'abandon de la pratique, ou reconnaître qu'il s'agit d'un choix pratique pour les populations qui n'ont pas (encore) le luxe de l'érudition ? Ce qui est certain c'est que même morte, les artistes latins sont plus accessibles pour ceux qui font le choix de les étudier et les apprécier qu'ils ne l'étaient à l'époque de l'esclavage. Et l'on peut imaginer sous le socialisme un monde où l'éducation sera l'affaire d'une vie et non pas d'un seul diplome, et où qui voudra rechercher l'artiste dans les langues mortes le pourra.

Le latin n'est pas mort : il a eu un tel succès en tant que langue des échanges, du commerce, de la domination, qu'il s'est substitué au celte. Une expo à la fête de LO il y a quelques années disait que le français n'avait gardé que 50 mots du Gaulois... Il est arrivé au latin ce que Com décrit pour l'anglais. Il a eu tellement de succès qu'il s'est imposé partout, puis s'est adapté, s'est apauvri, s'est abâtatrdi. Et cela a donné les différents dialectes romans, desquels ont émergé les langues "officielles", Français, Italien, Espagnol, Portugais, Roumain et les autres (occitan, provencal, catalan...).

Je n'ai pas trop d'avis sur ce qui est le mieux pour l'humanité future ni pour ce qui va se passer. Quand on regarde le passé, on voit qu'une langue universelle est impossible, car une langue est vivante, c'est le produit de rencontres, d'apports, de métissages. Peut-être que notre monde, ou que le monde futur, contrairement aux mondes anciens, sera capable de provoquer ces rencontres à l'échelle de la planète ? cela me paraît néanmoins difficile. Et je crois que ce n'est pas être réac ni passéiste que de dire comme l'ami Com qu'une langue, c'est une culture, une littérature, etc. Je lis l'anglais de mes camarades, d'habitude, pas celui de Walt Whitman. Si le Français disparaît, cela ne me plairait guère que l'on ne soit plus capable de lire Verlaine et Rimbaud... et je ne crois pas que l'humanité se serait enrichie pour autant de cette disparition.
Ottokar
 
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