le, Noma, maladie de l'extreme pauvreté

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par canardos » 21 Jan 2006, 07:20

dans le Figaro:

a écrit :

[center]Le noma, maladie oubliée de l'extrême pauvreté [/center]

Cette banale infection bactérienne frappe chaque année 140 000 enfants dans le monde, victimes de malnutrition. Elle entraîne une destruction des tissus de la face, souvent fatale.

Jean-Michel Bader
[21 janvier 2006]

CES PHOTOS de visages d'enfants, vous ne les verrez pas dans les magazines. Joues absentes, nez écorchés, gencives ouvertes sur des dents déchaussées, pommettes déchiquetées, comme autant de reproches de ces petites victimes de la malnutrition et de la misère extrême. Alors que le visage, avant son opération, de la première greffée du visage a été vu par le public dans la presse, ces bébés et ces enfants du Nigeria, du Bostwana, du Sénégal, victimes du Cancrum oris restent invisibles, sauf aux quelques chirurgiens qui se battent pour les sauver. Ce n'est ni la guerre, ni les atrocités interethniques qui sont les coupables, mais une banale infection.

Le noma est une maladie épouvantable, comme une gangrène froide qui détruit peu à peu les tissus du visage et de la mâchoire. Cette inflammation gangreneuse de la face est due à une infection mixte bactérienne mal ou non traitée. «La plupart du temps, le point de départ est un abcès dentaire, qui n'est pas traité par antibiotiques, et qui provoque une nécrose lente des tissus périphériques. Cela va du petit trou aux dégâts les plus énormes», résume le Pr Dominique Martin (CHU de Bordeaux), chirurgien plasticien qui va opérer au Nigeria ces enfants.

Le noma est une infection opportuniste polymicrobienne, mais les germes responsables restent à établir : des microbes comme Fusobacterium necrophorum ou Prevotella intermedia pénètrent les tissus buccaux par l'intermédiaire d'eau souillée par des déjections animales. Il y a chez ces enfants, dont la mère était malnutrie quand elle était enceinte, des dysfonctionnements du système immunitaire. L'immunité des muqueuses est compromise, leur intégrité structurelle est défectueuse, les microbes y prolifèrent de manière incontrôlée.

Au stade de la nécrose, les lésions progressent très rapidement, probablement du fait de la production de toxines nécrosantes et d'enzymes détruisant les tissus. Cyril Enwonwu publiait avant-hier dans le New England Journal of Medicine un constat terrible : 140 000 enfants atteints chaque année, dont 25 000 en Afrique subsaharienne.

Il décrit le cas d'une petite fille de 2 ans du nord-ouest du Nigeria. Ce cinquième enfant d'un couple de fermiers, dont trois sont morts du paludisme et un autre est déjà atteint par le noma, présente une lésion perforante de la joue. «La gangrène, une inflammation jaunâtre entourant un centre nécrotique noirci, est là. A l'examen de la bouche, on constate une destruction étendue du maxillaire supérieur et de la mâchoire.» L'enfant, nourrie exclusivement au sein jusqu'à six mois, puis alimentée avec du thé, des herbes, du lait et des céréales domestiques, présente les signes manifestes (amaigrissement, oedème des membres) d'une malnutrition sévère niée par les parents. Au Nigeria, dans ces communautés hausas enclavées, exclues de l'aide alimentaire mondiale, l'infection se nomme «ciwon iska» et elle est attribuée aux esprits.


Le noma a disparu au début du XXe siècle d'Europe et du continent nord-américain (sauf pour les cas découverts dans les camps de concentration de Bergen Belsen et Auschwitz). Elle reste surtout prévalente en Afrique, mais l'Asie et l'Amérique latine ne sont pas exemptes.

L'autre nom de la famine

Nous en avions d'ailleurs vu à l'hôpital de Leribe au Lesotho, ce bantoustan enclavé en Afrique du Sud, où 35% de la population est contaminée par le virus du sida (nos éditions du 25 octobre 2005), et où le noma pourrait bien être là-bas une nouvelle infection opportuniste réservée aux enfants en bas âge. «Le noma se complaît dans les communautés extrêmement pauvres, où règne la malnutrition la plus sévère, sans accès à l'eau potable ni aux soins dentaires, avec une mortalité infantile élevée, et des poids de naissance bas», explique le Dr Enwonwu. «Souvent, ce sont des villages isolés, perdus, chez des groupes ethniques en marge des autres. Le noma touche le quatrième ou le cinquième enfant dans des familles qui n'ont rien à manger», résume le Pr Martin.


Depuis 1996, plusieurs fondations, allemande, suisse et hollandaise, se sont alliées pour soigner et sauver les enfants : un hôpital référent a été construit à Sekoto, au Nigeria. Des missions régulières de chirurgiens européens viennent opérer, pendant deux semaines, une centaine d'enfants. Une goutte d'eau : «Neuf enfants sur dix meurent de septicémie. Nous ne voyons que les survivants», expose le Pr Martin. On n'opère que les enfants après l'âge de 3 ou 4 ans, et les sujets séropositifs au VIH (qui dans ces pays ne peuvent recevoir de trithérapies) sont exclus.

Aujourd'hui, l'urgence, comme au Niger, en Ethiopie, au Soudan, c'est de nourrir tous ces enfants : le noma n'est au fond qu'un témoin anachronique de la famine...

canardos
 
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